Les entreprises et la protection du nom de domaine

La protection du nom de domaine requiert une vigilance particulière des entreprises afin d’éviter tout parasitisme pouvant affecter la bonne exploitation du fonds de commerce en ligne. Les tribunaux sanctionnent les concurrents et acteurs économiques mal intentionnés.

Compte tenu de l’essor croissant d’Internet dans les échanges économiques, le nom de domaine d’une entreprise doit être protégé, au même titre que sa marque, contre toute tentative de détournement ou d’imitation visant à capter ses flux de clients. Deux décisions récentes viennent illustrer les mécanismes jurisprudentiels que les tribunaux mettent au service des détenteurs de nom de domaine contre leurs concurrents ou des acteurs économiques mal intentionnés.

Mêmes critères que pour les marques. Ainsi, la Cour de cassation, dans un arrêt du 29 novembre 20111, a estimé qu’il y avait contrefaçon tant de la marque que du nom de domaine d’une société à partir du moment où il existait un risque de confusion. Ce risque s’apprécie globalement, par référence au contenu des enregistrements de marques comme des noms de domaine, sans tenir compte des conditions d’exploitation précises des marques considérées. Pour la Cour, c’est donc une approche objective, résultant d’une analyse du comportement du consommateur moyen, qui doit prévaloir sur les conditions subjectives d’exploitation des marques concernées par les titulaires en litige.
Cet arrêt illustre la démarche de la Haute Juridiction qui, en matière de nom de domaine, applique les mêmes critères que pour la protection des marques. Cette position doit naturellement être approuvée car, pour un commerçant, le nom de domaine n’est ni plus ni moins que sa marque et son enseigne sur le web. Le nom de domaine est à la fois le signe de ralliement du commerçant mais aussi son “lieu” d’exploitation.
Dès lors qu’il peut exister un risque de confusion pour le client des produits concernés, la contrefaçon du nom de domaine sera sanctionnée.

Tous les acteurs économiques. Une deuxième espèce, de novembre 2011, cette fois-ci évoquée par la cour d’appel de Paris, l’affaire “2xmoinscher.com”, confirme que tous les acteurs économiques, et non pas les seuls concurrents, peuvent être condamnés. Ici, le contrefacteur mettait en oeuvre la technique dite du “typosquatting”, qui consiste à enregistrer des noms de domaine très proches de l’original : “2xmoinscheres. com”, “2xmoinschers. fr” et “2xmoinscher.fr”. Et l’affaire prenait un relief particulier puisque le contrefacteur n’utilisait pas ces noms de domaine pour détourner les clients à son profit, mais il drainait un flux qu’il reversait ensuite au titulaire du nom de domaine “2xmoinscher.com” contre rémunération sous forme de commissions. Les parties étaient, en effet, liées par un contrat visant à augmenter la visibilité du titulaire de la marque originale.
Le dépôt des noms de domaine voisins lui permettait de générer un trafic supérieur et de reverser des clients ou prospects indûment acquis. Ce parasitisme a été sanctionné compte tenu du caractère artificiel du flux généré : celui-ci ne résultait que du parasitisme commercial mis en oeuvre et non de son activité propre qui lui permettait de justifier de ses rémunérations.

Assurer une veille régulière. Ces deux arrêts illustrent qu’il convient, pour tout titulaire d’un nom de domaine, de vérifier régulièrement, notamment au moyen de mots clés, de mots voisins et de recherches sur les marques dont il est titulaire, l’existence de noms de domaine voisins ayant pour but de détourner tout ou partie de la clientèle, ou même de générer des flux artificiels, susceptibles de lui causer un préjudice.
Finalement, la vigilance qui s’impose à tout titulaire de marque est également de mise en matière du nom de domaine. Elle nécessite cependant une mobilisation accrue puisqu’il convient d’imaginer les stratagèmes de détournement de flux pour prévenir leur apparition. Hélas! en la matière, l’imagination des fraudeurs semble sans limite !

1. Cass. com. 29 novembre 2011 – n° 10-31.061.