Règlementation

Les encres de tatouage dans la tourmente

Un règlement européen impose des évolutions dans la composition des encres destinées aux tatouages. De quoi impacter les professionnels, comme en témoigne Nicolas Sarmiento, installé à Saint-Quentin.

Un règlement européen interdit certains pigments et limite fortement de nombreuses substances entrant dans la composition des encres de tatouage. ©Pixabay
Un règlement européen interdit certains pigments et limite fortement de nombreuses substances entrant dans la composition des encres de tatouage. ©Pixabay

C’est presque en catimini, en raison de la crise sanitaire, que c’est appliqué le 4 janvier dernier, le règlement européen interdisant 25 pigments, utilisés notamment pour les teintes rouge, orange et jaune entrant dans la composition des encres destinées aux tatouages. L’utilisation de nombreuses substances a également été fortement limitée, accompagnée de changements dans les obligations d’étiquetage. Cette évolution a provoqué un véritable séisme au sein de la profession des tatoueurs.

Rupture de stock

Face à une validation par le Parlement européen en décembre 2020, les professionnels, et surtout les fabricants d’encre ont eu peu de temps pour se préparer. « Cela a été compliqué au début, nous étions confrontés à des ruptures de stock », note Nicolas Sarmiento qui a ouvert, en novembre dernier, le studio Océan noir tatouage, à Saint-Quentin. Pour les couleurs, le tatoueur s’est orienté vers la marque, très utilisée, World famous qui a été la plus rapide à s’adapter. Pour le noir, il a dû opter pour un fabriquant qu’il ne connaissait pas.
Un changement loin d’être anodin pour le professionnel spécialisé dans les tatouages noirs réalistes. « Je me suis renseigné sur la qualité des produits », poursuit Nicolas Sarmiento qui reste serein sur cet aspect. « Je surveille l’évolution des tatouages et leur tenue », précise-t-il tout de même. Mais pour constater des changements éventuels liés à la composition des encres, il faudra plusieurs semaines, voire plusieurs années. En attendant, le professionnel a déjà remarqué une augmentation des prix : « Auparavant, j’achetais un flacon de 200 ml à 30 euros. Aujourd’hui, le flacon de 260 ml est à 60 euros. »

Le bleu et le vert

Du côté des clients, il y a parfois quelques questions, mais pas de véritable peur. « Je n’ai pas eu de connaissance de contrôles de l’Agence régionale de la santé de mon côté », remarque, par ailleurs, le professionnel. Mais le plus inquiétant reste à venir, en janvier prochain. « Ce seront les pigments bleu et vert qui seront concernés », rebondit Nicolas Sarmiento. De quoi entamer drastiquement la palette des teintes disponibles si aucune alternative n’est trouvée, à un coût raisonnable.

Nicolas Sarmiento, comme le syndicat national des tatoueurs, regrette que la décision de l’Union européenne soit appliquée à marche forcée alors qu’aucune étude scientifique ne semble prouver des effets néfastes avérés sur la santé. 

Alors que les studios de tatouages garantissent le respect de normes rigoureuses d’hygiène et le sérieux du professionnel, de telles contraintes pourraient pousser les clients les plus impatients vers l’étranger. Les tatoueurs "sauvages" pourraient également séduire davantage encore malgré les risques, « C’est la plaie de la profession, constate Nicolas Sarmiento qui a suivi deux années d’apprentissage avant de s’installer. Je n’ai jamais vu un travail bien réalisé de cette façon… »