Les commissaires aux comptesveulent séduire dès le lycée
Mercredi 16 novembre, la Compagnie régionale des commissaires aux comptes près la cour d’appel de Douai tiendra son assemblée générale annuelle à Saint-Omer1. Elle est l’opportunité d’un tour d’horizon avec Gauthier Perthame qui en a pris la présidence le 1er janvier dernier.
La Gazette. L’assemblée générale statutaire de la CRCC de Douai intervient à un moment riche d’actualité pour les commissaires aux comptes…
Gauthier Perthame. S’il est un point que les commissaires aux comptes ne peuvent ignorer en cette fin d’année, c’est bien la crise financière. Au 31 décembre, ils vont devoir certifier des comptes dans lesquels certains éléments nécessiteront leur particulière vigilance cette année. Je ne peux que les inviter à ne pas prendre pour argent comptant toutes les données qui leur seront transmises. Notre valeur ajoutée, c’est justement l’avis que nous donnons sur les comptes. Plus que d’habitude, dans le contexte actuel, notre vigilance est requise. Je ne manquerai point de rappeler cette exigence mercredi.
L’actualité, c’est aussi pour la profession le suivi du livre vert sur l’audit piloté par Michel Barnier, commissaire européen. Ses grandes lignes sont connues. L’organisation de la profession, notamment pour les grands cabinets mais aussi pour les cabinets moyens, doit s’en trouver modifiée puisque le cocommissariat, ou joint audit, devrait être étendu de manière significative. Dans toutes les entreprises qui dépasseront un certain seuil fixé par décret, il y aura l’obligation, dès lors que l’un des “big” (ndlr: on appelle “big” les plus gros cabinets mondiaux) sera commissaire aux comptes, à faire appel à un non “big” comme co-commissaire. On attend de cette disposition une moindre concentration et l’émergence de cabinets moyens qui auront l’opportunité de l’exercice concerté de la mission légale d’audit. Ce texte pourrait aboutir fin 2012-début 2013.
Autre thématique qui sera aussi abordée au cours de notre assemblée, celle de l’évolution du métier, en ce sens que le commissaire aux comptes est appelé à replacer l’homme au coeur de l’audit, thème qui sera évoqué aux XXIVes Assises de la Compagnie nationale les 1er et 2 décembre au Cnit à Paris. Les deux rapports de la FEE (Fédération des experts-comptables européens) et du H3C (Haut Conseil du commissariat aux comptes), sur la politique de l’audit, convergent. La première recommande un retour des auditeurs à des concepts de base, en particulier dans le contrôle de la réalité des actifs et des passifs, quand le H3C les encourage à développer l’esprit critique. Tous deux veulent remettre l’humain au centre de la mission du commissaire aux comptes. Il faut sortir la tête de nos claviers pour dialoguer avec la direction de l’entreprise. Nous avons beaucoup à apprendre de la relation humaine et de l’analyse du comportement des dirigeants, tout autant que de l’analyse des procédures internes. Il nous faut retrouver le contact, communiquer et expliquer le sens et les conclusions de notre travail par le dialogue.
Les commissaires aux comptes souffrent d’être mé connus . Comment comptez-vous améliorer cet état de fait ?
Nous avons beaucoup travaillé la communication en nous rapprochant d’abord du Conseil régional de l’ordre des expertscomptables avec lequel nous avons co-organisé pour la première fois le “Tour qui compte” et la “Nuit qui compte” à destination des étudiants en comptabilité afin de les attirer vers nos cabinets. Le commissariat, qui a une pyramide d’âge défavorable en ce sens que les collaborateurs qui ont été embauchés en grand nombre dans les années soixante-dix partent en retraite actuellement de manière massive, est une profession qui embauche. Mais dans le même temps, et pour être une profession très mal connue du grand public, nous lançons à l’occasion de cette assemblée générale une communication à destination des lycéens. L’objectif est que les confrères jouent la carte de proximité et qu’avec l’accord des proviseurs des différents lycées, ils aillent présenter la profession aux élèves qui souhaitent en savoir plus. Alors qu’avec les étudiants qui ont déjà choisi la voie de la comptabilité, nous essayons de les faire venir en cabinet. Avec les lycéens, nous travaillons encore plus en amont pour les amener aux études de comptabilité qui les mèneront au commissariat. D’où notre message : “Petit, on rêve d’être institutrice, exploratrice, vétérinaire,pompier, pilote de ligne, chef d’orchestre… et si le métier d’auditeur légal vous proposait un peu tout ça à la fois !”
S’il y a réellement un intérêt à ce qu’il y ait une communication commune sur les diplômes et sur les débouchés entre experts-comptables et commissaires aux comptes, il est moins évident quand on va présenter le métier d’auditeur légal. C’est pour éviter le risque d’être perçu comme confus dans la présentation de deux métiers que nous nous sommes tenus à notre seul métier d’auditeur légal. La profession répondra à la demande des lycées en s’appuyant sur ses unions locales qui disposeront d’un outil power-point basé sur une communication au langage jeune, compréhensible, qui sorte de notre langage professionnel technique trop souvent incompréhensible. Nous voulons leur dire que nous offrons des emplois avec des diplômes qui vont jusqu’à bac + 8, mais aussi des recrutements à différents niveaux, BTS, DCG…
Outre le recrutement et la sensibilisation à votre profession, quelles sont vos autres préoccupations ?
La profession est soumise à des obligations de formation triennales et nous arrivons à la clôture de la première période. Pour y répondre plus complètement, nous nous employons à offrir d’ici la fin de l’année de nombreux modules de formation pour que chacun puisse remplir ses obligations dont tous les confrères n’ont peutêtre pas pris l’exacte mesure. Se former devrait répondre au besoin naturel de se tenir informé sur les techniques, les réglementations qui sont en constante évolution. L’informatique, le droit fiscal, le droit social, le contexte européen, la crise économique, les techniques internes sont en constante évolution et ont des conséquences dans les comptes. Aujourd’hui, il n’y a pas de sanctions en tant que telles, mais il est clair que si un confrère est défaillant sur tel ou tel point, cet élément-là va s’ajouter en sa défaveur. Et le contrôleur qualité, puisque chaque cabinet est contrôlé tous les six ans au minimum, sera bien amené à en tirer toutes les conclusions nécessaires.
Les évolutions portent ensuite sur les demandes de dérogations. Un commissaire aux comptes peut juger que le temps imposé par les barèmes légaux est supérieur au temps qu’il estime devoir passer, notamment en présence d’un expert-comptable dans le dossier. A partir du 1er janvier prochain, les demandes de dérogations qui sont inférieures de 30% au temps barèmé seront accordées d’office sur simple fourniture sur le serveur de la compagnie d’un certain nombre d’informations. Cette dérogation entre dans le cadre d’une nouvelle norme professionnelle sur le contrôle des petites entités qui insiste sur le fait que le commissaire aux comptes n’a pas à refaire le travail de l’expert-comptable, présupposé conforme et de qualité.
Tous ces sujets seront abordés lors de l’assemblée statutaire obligatoire qui verra aussi une intervention du vice-président de la Compagnie nationale, René-Charles Perrot. La seconde partie sera consacrée à la communication du commissaire aux comptes, sujet que traitera Daniel de Marassé, du cabinet orléanais CleRe, un organisme de formation spécialisé dans les relations interpersonnelles en entreprise. La maîtrise de la communication, un bon relationnel et un comportement qui reflète les valeurs du commissariat aux comptes, cela s’apprend au même titre que savoir s’affirmer, savoir décrypter ses interlocuteurs, savoir détendre une atmosphère un peu tendue…