L’entreprise et les salariés

L’entreprise et les salariés

Inaptitude : reclassemenT

En cas de refus par un salarié déclaré inapte à son poste d’une proposition de reclassement, l’employeur, quelle que soit la position prise alors par le salarié, doit tirer les conséquences de ce refus, en formulant de nouvelles propositions de reclassement, ou en procédant au licenciement, au motif de l’impossibilité de reclassement. (Cass. soc. 10 février 2016. Pourvoi n° 14-14325). Un salarié avait été placé en arrêt de travail, à compter du 14 juin 2010. À l’issue d’une seconde visite, le médecin du travail conclut, le 19 janvier 2011, à son inaptitude au poste de chauffeur poids lourds au siège de l’entreprise, à Tresses (33), mais à son aptitude à la conduite de poids lourds. Le 10 février, la société lui propose, alors, un changement d’affectation sur deux autres de ses sites, à Achicourt (62) ou Mérignac (16), que le salarié refuse. Le 8 mars, elle l’informe de son rattachement au site de Mérignac et le licencie, le 5 avril suivant, pour refus de cette nouvelle affectation. Pour la cour d’appel, le salarié n’ayant pas été déclaré inapte à la conduite de poids lourds, l’employeur n’était pas tenu de mettre en œuvre une procédure de licenciement dans les conditions prescrites par l’article L. 1226-2 du Code du travail ; la discussion autour de la légitimité du refus de reclassement était donc sans objet. La Cour de cassation, rappelle, en revanche, que le refus par un salarié déclaré inapte à son poste d’une proposition de reclassement n’implique pas, à lui seul, le respect par l’employeur de son obligation de reclassement. Il appartient à ce dernier, quelle que soit la position prise alors par le salarié, de tirer les conséquences de ce refus, soit en formulant de nouvelles propositions de reclassement, soit en procédant au licenciement de l’intéressé au motif de l’impossibilité de reclassement.

Salaire : paiement L’employeur ne peut être dispensé de payer leur salaire aux salariés qui se tiennent à sa disposition que s’il démontre l’existence d’une situation contraignante l’empêchant de fournir du travail. (Cass. soc. 10 février 2016. Pourvoi n° 14-14259). Suite à un arrêt de travail, une assistante de direction est déclarée par le médecin du travail, le 30 janvier 2012, inapte à son poste, en une seule visite, avec mention d’un danger immédiat. Le 8 février, elle saisit les prud’hommes d’une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail. Elle est licenciée, le 5 mars, pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Pour les juges du fond, il n’y avait pas lieu de procéder à la résiliation judiciaire du contrat de travail, notamment pour défaut de paiement de trois jours de salaire en janvier 2012 : la salariée, en arrêt maladie jusqu’au 22 janvier, n’avait pas fait part à l’employeur de l’absence de prolongation de cet arrêt, et de son retour dans l’entreprise le 23 janvier ; l’employeur qui n’avait pas connaissance de la date de retour de la salariée, ne pouvait donc organiser la visite de reprise avant cette date. La chambre sociale de la Haute cour annule cette décision d’appel.

Résiliation judiciaire du contrat : liquidation En cas de résiliation judiciaire du contrat de travail, la date d’effet de la résiliation ne peut être fixée qu’au jour de la décision qui la prononce, dès lors que le contrat n’a pas été rompu avant cette date. En outre, à l’égard des salariés qui ne bénéficient pas d’une protection particulière contre les licenciements, les créances résultant de la rupture des contrats de travail ne sont garanties par l’AGS qu’à la condition que cette rupture intervienne, en cas de liquidation judiciaire de l’employeur, dans les 15 jours suivant le jugement de liquidation ou pendant le maintien provisoire de l’activité autorisé par le jugement. (Cass. soc. 20 janvier 2016. Pourvoi n° 14-10136 – 14-10134). Une société avait été placée en liquidation judiciaire. Par lettre du 15 mars 2011, le liquidateur judiciaire avait informé le salarié de la résiliation du contrat de location gérance et du transfert à sa personne, en application des dispositions de l’article L. 1224-1 du Code du travail, des contrats de travail attachés au fonds de commerce. L’intéressé avait saisi la juridiction prud’homale. Pour fixer la prise d’effet de la résiliation judiciaire au 15 mars 2011, fixer les créances du salarié au passif de la liquidation judiciaire et dire que l’AGS devait garantir ces créances, les juges du fond avaient retenu que la rupture était formalisée par la lettre du mandataire liquidateur à cette date, avisant le salarié qu’il n’existait plus de relation entre lui et la société ; la liquidation judiciaire ayant été prononcée le 11 mars 2011 et le contrat de travail rompu à la date du 15 mars 2011, la garantie de l’AGS était acquise au salarié. Pour la chambre sociale de la Cour de cassation, aucun licenciement n’avait été prononcé dans les 15 jours suivant le jugement de liquidation judiciaire et la rupture du contrat de travail ne pouvait résulter du seul fait que le mandataire-liquidateur avait avisé le salarié du transfert de son contrat de travail.

françois.taquet.avocat,  conseil en droit social