L’économie de partage sera-t-elle incontournable en 2015 ?
L'économie de partage est devenue une réalité qui concerne la moitié des Français environ, d'après le cabinet OC&C Strategy Consultants. Face à cette tendance dont l’essor et les spécificités les remettent en cause, certains acteurs économiques classiques s'efforcent de prendre le train en marche.
Près d’un Français sur deux pratique l’économie de partage et en moyenne, ce sont 110 euros qui s ‘échangent ainsi chaque mois entre particuliers. Tels sont les résultats de l’étude menée en juin 2014, via Internet, auprès de 2 344 répondants et publiée le 10 décembre dernier par le cabinet de conseil OC&C Strategy Consultants. Cette tendance sociétale de fond interpelle les acteurs de l’économie classique, notent les analystes du cabinet. «Aujourd’hui, tout se partage, se loue, s’échange ou se vend : tout le monde peut monnayer sa tondeuse à gazon inutilisée, sa place de parking vacante, une partie inoccupée de sa maison, un trajet en voiture et même un repas fait maison», résume Jean-Michel Cagin, Partner chez OC&C Strategy Consultants, dans un communiqué. À la base, ces nouvelles pratiques s’épanouissent dans la conjonction d’une aspiration sociétale au partage, de contraintes économiques et du potentiel technique que représentent les nouvelles platesformes qui permettent la désintermédiation. Et, d’après le sondage, toutes les tranches de la population sont concernées : jeunes, adultes et seniors, sans distinction de revenus. «Il n’y a pas d’utilisateur type», estime Jean-Michel Cagin. En tête des pratiques, avec les trois quarts des pratiquants, arrivent la location, l’échange et la revente d’objets à usage multiple et occasionnel, comme des outils, des vêtements ou de l’électroménager. Suivent les transports, avec le covoiturage, et la location de véhicules de particulier à particulier… Les autres usages, comme l’alimentation et l’immobilier, restent loin derrière. «Au sein d’une communauté, 35 à 50% des membres – selon les types de services – sont à la fois utilisateurs et fournisseurs», précise Jean-Michel Cagin.
Leaders historiques bousculés
L’économie de partage pèse déjà lourd : sur l’année 2013, les 10 millions de voyageurs transportés par BlaBlaCar, spécialiste du covoiturage, représenteraient numériquement 9 % des voyageurs transportés par la SNCF sur des longues distances, avance OC&C Strategy Consultants. Autre exemple, celui de la plate-forme Airbnb, sur laquelle on peut louer un appartement à des particuliers : si on la compare aux grands groupes hôteliers, elle aurait été classée, en 2013, au 7ème rang mondial en termes de parc installé (410 000 chambres), juste derrière Accor (462 000 chambres). Résultat : sa capitalisation boursière est aujourd’hui estimée à 10 milliards d’euros, devant les géants mondiaux de l’hôtellerie ! Quel que soit leur domaine, ces nouveaux acteurs partagent certaines caractéristiques : «dans ces modèles communautaires où l’offre doit rencontrer la demande, le facteur taille est capital et conduit dans certains secteurs à l’émergence d’un leader ultra-dominant, comme LeBonCoin dans la catégorie des objets ou BlaBlaCar dans le domaine du transport», analyse Jean-Michel Cagin. Dans d’autres domaines, toutefois, comme le financement participatif, il subsiste une concurrence entre différents acteurs. Et dans leur sillage, ceux de l’économie traditionnelle tentent de s’insérer dans le jeu : c’est le cas, cite l’étude, de la SNCF qui a acheté le site de covoiturage 123envoiture.com, en septembre dernier. AXA Seed Factory, le fonds d’amorçage du groupe d’assurance, qui cible les start-up spécialisées dans l’assurance et la banque, a investi 350 000 euros dans Particeep, un logiciel dédié à la création de plates-formes de crowdfunding en marque blanche. «C’est maintenant que les leaders historiques doivent réagir car les nouveaux modèles sont infiniment plus rapides et agiles que les leurs», avertit Jean-Michel Cagin. Pour l’avenir, trois sujets clés vont peser lourd sur la forme que vont prendre des nouvelles pratiques : l’importance de la e-réputation, la question de l’assurance et la réponse fiscale que vont donner les États à ces nouvelles pratiques. «Étant donné le poids croissant de l’économie du partage, l’administration fiscale va sans doute être amenée à réagir, que ce soit à travers une taxation des transactions ou une régulation des activités», estime OC&C Strategy Consultants. Les assureurs, eux, pourraient voir là l’émergence d’un nouveau marché adapté à ces nouvelles pratiques : aujourd’hui, la moitié environ des répondants au sondage n’ont pas vérifié les clauses d’assurance… Quant à la e-réputation, fondamentale pour le secteur, elle pourrait, elle aussi, devenir un marché fructueux.