Gauthier Sommelette, greffier des tribunaux de commerce de Bar-le-Duc et Val-de-Briey
«Le tribunal de commerce est là pour aider et non pour sanctionner»
À tout juste vingt-cinq ans, Gauthier Sommelette est le plus jeune greffier de France. Après un parcours scolaire sans faute et un concours réussi haut la main, l’officier public et ministériel a quitté Dijon où il a fait ses premiers pas professionnels pour prendre la tête des greffes de Bar-le-Duc et de Val-de-Briey, il y a tout juste sept mois, dans un contexte économique dégradé. Rencontre.
Les Tablettes Lorraines : Arrivé en mai, vous avez prêté serment fin juillet. Est-ce un choix de venir travailler sur les secteurs de Bar-le-Duc et de Val-de-Briey ?
Je dois dire que ma venue est une opportunité consécutive au départ de Xavier Bernard. Mais je savais précisément où je venais. La découverte du territoire n’a pas du tout été une surprise. Les greffes de Bar-le-Duc et de Val-de-Briey sont individuellement petits mais ensemble, ils ont une taille tout à fait intéressante où la mutualisation a été mise en place.
Sept mois après votre prise de fonction, quel regard portez-vous sur ces deux territoires ?
Le département de la Meuse est très rural. Or, le secteur agricole est très bien suivi et très bien représenté. C’est plutôt un avantage pour nous avec autant de personnes qualifiées derrière qui nous permettent de faire nos formalités au quotidien. La différence est qu’il y a moins de procédures collectives dans le Pays-Haut, qui profite d’une attractivité géographique mais aussi d’une dynamique portée par certaines grosses entreprises. Les constructions neuves sortent de terre, ce qui n’est pas le cas en Meuse. Mais ne nous cachons pas la réalité : la situation est dégradée partout. Les entreprises ne vont pas mal, mais personne ne va bien.
Dans quelle santé se trouve le territoire ?
Je prends mes fonctions dans une période compliquée. Certes, le nombre de procédures collectives avait diminué, mais c’était un effet levier car le Parquet avait fait un gros travail sur la fin de prévention, pour aller chercher des entreprises qui étaient sorties du cadre ou avaient quasiment disparu. Depuis 2020, la situation est en trompe-l’œil. Mais, depuis le début de l’année, les résultats ne sont pas bons. Tous les secteurs sont concernés, ce qui se voit dans le cadre des injonctions de payer, notamment des caisses de congés payés dans le bâtiment. C’est un indicateur à prendre en compte qui révèle des difficultés. Le nombre de procédures collectives est au même niveau qu’avril 2023 en termes de ratio. Dix procédures sont ouvertes toutes les deux semaines. C’est du jamais vu. Mon inquiétude, c’est l’effet domino. Mais personne ne peut prédire l’avenir. Ne tirons pas de conclusions hâtives.
Quel message souhaitez-vous adresser aux chefs d’entreprise ?
La prévention est notre cœur de métier. Nous aimerions ne pas chercher et détecter des signaux faibles, que les chefs d’entreprise viennent d’eux-mêmes. Nous les accueillons avec bienveillance, pour parler et trouver ensemble une voie. Le Tribunal est là pour les aider et non pas pour les sanctionner. Je tiens à rappeler que tous les entretiens sont confidentiels. Je demande à ceux qui rencontrent des difficultés de faire un pas vers nous.
Quelles sont vos priorités ?
Avec le Président du Tribunal de commerce, nous essayons de mettre en place des partenariats, un travail de réseau auprès des acteurs institutionnels pour soutenir la prévention, c’est notre sujet principal. Mais nos priorités vont être vite limitées au vu de l’activité du RCS (Registre du commerce et des sociétés) avec le guichet unique. Nous devons malgré tout continuer à tenir nos délais, à répondre le plus possible aux déclarants. Sur la partie judiciaire, c’est la prévention, malgré le volume d’activités. De mon côté, je vais poursuivre le travail de relance, initié par Xavier Bernard, pour inciter les dirigeants à déposer leurs comptes, en lien avec les obligations légales. L’enjeu est d’identifier ceux qui sont en difficulté pour sortir des dossiers de prévention en procédures collectives. Notre rôle est de prendre du temps pour les personnes en détresse.
«La prévention est notre cœur de métier. Nous aimerions ne pas chercher et détecter des signaux faibles, que les chefs d’entreprise viennent d’eux-mêmes. Nous les accueillons avec bienveillance, pour parler et trouver ensemble une voie.»
Propos recueillis par AM