Le tribunal de commerce de Rouen enregistre une hausse des défaillances mais pas un "raz-de-marée"
Le tribunal de commerce, par la voix de son nouveau président Louis-Jacques Urvoas, a fait le bilan de l'année 2023 lors de l'audience solennelle de rentrée le 24 janvier.
C'était la première audience solennelle de rentrée pour le nouveau président du tribunal de commerce de Rouen, ce mercredi 24 janvier : Louis-Jacques Urvoas, élu au printemps dernier, succède à Gérard Schocher, qui a occupé ce rôle pendant six ans. Louis-Jacques Urvoas prend donc la présidence du tribunal de commerce de Rouen, deuxième ville, après Toulouse, à avoir créé cette institution au XVIe siècle, a rappelé le président nouvellement élu.
Cette audience solennelle est, comme chaque année, l'occasion pour le président du tribunal de commerce de faire le bilan de l'année judiciaire écoulée. En 2023, les créations d'entreprise restent stable avec 5 082 immatriculations au Registre du commerce et des sociétés (RCS) (contre 4 921 en 2022). « Parmi elles, on enregistre 1 600 auto-entreprises », précise Louis-Jacques Urvoas, nouveau président du tribunal de commerce de Rouen.
Des défaillances en hausse,
mais pas au niveau d'avant-crise
En revanche, les ouvertures de procédures collectives sont en hausse de 26% par rapport à 2022 avec 423 procédures collectives enregistrées en 2023 (contre 336 en 2022). « Il y a une nette reprise des défaillances en 2023 mais nous restons encore en deça du niveau moyen d’avant crise. Nous ne sommes clairement pas dans la situation du raz-de-marée parfois annoncée en conséquence d’un rattrapage post-Covid », nuance-t-il.
Il ajoute : « Ce sont 1 703 salariés qui ont été concernés par l'ouverture de procédures collectives et de prévention en 2023 (+45% par rapport à 2022). Cette hausse importante des emplois impactés est la marque de l’accélération des difficultés des PME sur notre territoire », note Louis-Jacques Urvoas.
Le président du tribunal de commerce constate des « modifications dans la structure de ces défaillances par rapport à la situation d’avant-crise » avec « moins d’ouvertures de redressements judiciaires, qui visent à permettre la continuation de l’activité. Nous notons sur ce point le très faible nombre de plans de continuation proposés par les dirigeants en place, ces redressements débouchant le plus souvent soit sur une cession du fonds de commerce et des actifs, soit sur une liquidation ».
Ainsi, le tribunal de commerce enregistre davantage de liquidations judiciaires (321 liquidations judiciaires, soit une hausse de 57,8%), « souvent conséquence de démarches vers le tribunal trop tardives » pour Louis-Jacques Urvoas. Il ajoute : « Dans ces liquidations, il y a une plus forte proportion de très petites entreprises, d’artisans et de commerçants. »
Des secteurs particulièrement touchés
Des secteurs sont particulièrement touchés par ces défaillances selon le tribunal de commerce de Rouen : le commerce de détail, l'hôtellerie et la restauration, qui représentent 40% des défaillances. « Ces secteurs sont touchés de plein fouet à la fois par les changements de mode de consommation, par l’inflation qui affecte le pouvoir d’achat des consommateurs et par la contraction de leurs marges », explique Louis-Jacques Urvoas, nouveau président du tribunal de commerce de Rouen. Les secteur de la construction et de l'immobilier représentent un quart des défaillances, « notamment du fait du retournement du marché de la construction neuve. Ces secteurs représentent près du quart des défaillances. »
Les entreprises, accompagnées par le tribunal de commerce de Rouen, ont subi, en 2023, des problématiques communes : « un chiffre d'affaires en berne », « des marges affectées par l'inflation », « parfois des insuffisances dans le pilotage économique dont le manque d'anticipation des difficultés » et « des difficultés dans les capacités à reconstituer une trésorerie et à se financer ».
« Du fait du ralentissement de la croissance de l’économie, nous nous attendons malheureusement à la poursuite en 2024 de la hausse des défaillances d’entreprises, notamment dans les secteurs déjà fragilisés », note le président du tribunal de commerce.
Les alertes Apesa en hausse
Par ailleurs, Louis-Jacques Urvoas avertit sur la hausse des alertes Apesa, passant de 82 en 2022 à 101 en 2023 pour la Normandie. « Cet accroissement des alertes traduit la détresse d’un nombre croissant de dirigeants d’entreprise. Les crises successives auxquelles les entreprises, et notamment les plus petites d’entre elles, commerçants et TPE, ont été confrontées depuis 2019 engendrent des situations d’usure et de détresse très marquées chez les chefs d’entreprise. Nous devons apporter collectivement un accompagnement indispensable, pour prévenir des drames personnels et familiaux », s'exclame-t-il.
Pour cette nouvelle année judiciaire, « nous voulons en 2024 poursuivre la réduction du délai de traitement des affaires contentieuses, ramené en 2023 à 7,5 mois, constate Louis-Jacques Urvoas. C’est encore trop long. Les sommes en jeu, souvent importantes, pèsent sur la trésorerie des entreprises et appellent des décisions rapides. » Pour cela, les délais de mise en état des affaires devraient être réduits.
Toujours dans ce même but, le tribunal de commerce de Rouen souhaite également développer les modes amiables (en hausse de 250% en 2023, 32 en 2023 contre 13 en 2022). Pour cela, cinq juges sont désormais dédiés à la prévention. Le tribunal de commerce de Rouen veut continuer d'aller à la rencontre des entreprises, en coopération avec la Chambre de commerce et d'industrie (CCI) et la Chambre des métiers et de l'artisanat (CMA), mais aussi en ouvrant davantage de créneaux pour accueillir les chefs d'entreprise dans ses locaux.