Le tourisme des valeurs a le vent en poupe
La région des Hauts-de-France ne manque pas d’attraits touristiques. Nichée dans le triangle Londres-Paris-Bruxelles, elle recèle des atouts que bien des habitants ignorent encore. De fait, 100 millions de touristes ont été comptabilisés en 2015 par le Comité régional du tourisme, dans un rayon de 300 kilomètres. Avec un taux d’occupation de ses hôtels de 58,4%, le Nord − Pas-de-Calais se place au 2e rang national en 2015 sur les 22 régions de l’époque. Les hôtels ont accueilli 4 millions de touristes en 2015 ; 33,6 millions de passagers transmanche ont été comptabilisés via Eurotunnel ou les ports de Calais et Dunkerque. Et ce, malgré l’été de misère qu’a vécu la ville de Calais cette année-là, en raison des grèves successives et les blocages du port qui ont impacté les liaisons transmanche. Le Kent aurait perdu 5 milliards de livres de son chiffre d’affaires tourisme à cette période. Etat des lieux.
L’offre culturelle et de loisirs ne fait pas défaut dans la région des Hauts-de-France : 547 100 visiteurs en 2015 pour Nausicaà, 353 300 pour le Louvre-Lens pour ne citer que les deux premiers. Mais aussi 400 000 visiteurs au parc d’Olhain et 325 000 à la station touristique du ValJoly à Eppe-Sauvage. Parmi les sites de mémoire les plus visités, Notre-Dame-de-Lorette, à Ablain-Saint-Nazaire, affiche 250 000 visiteurs. Parmi les événements incontournables de la région, on retiendra la braderie de Lille avec 2 500 000 visiteurs, le Paris-Roubaix avec 2 millions de personnes, les Rencontres internationales de cerfs-volants de Berck-sur-Mer avec 700 000 personnes ou encore le carnaval de Dunkerque avec 550 000 participants. Quant aux deux sites géographiques labellisés «Grand Site de France» en 2011, le Grand Site des deux Caps sur la Côte d’Opale et la baie de Somme, ils attirent à eux deux plus de 4 millions de touristes. «Le Pas-de-Calais est un territoire d’une très grande richesse, déclarait Dominique Dupilet en 2013, alors président du Département du Pas-de-Calais. L’installation du Louvre à Lens, le classement des beffrois, des citadelles Vauban, puis de l’ex-bassin minier au patrimoine mondial de l’Unesco, la labellisation “Grand Site de France” des caps Blanc-Nez et Griz-Nez, le marais audomarois labellisé «L’homme et la biosphère” par l’Unesco, représentent une valeur patrimoniale indéniable. Le marais audomarois est en effet le seul marais encore habité et exploité en France. Il a été distingué pour son haut intérêt écologique et les activités humaines qui s’y exercent. Il accueille plus de 200 000 personnes par an. “ Notre département est en passe de devenir l’un des plus distingués de France au titre de son patrimoine humain ou naturel.” L’impact économique du secteur du tourisme est aujourd’hui un enjeu considérable pour les territoires. Au-delà des contingences économiques et sociales qui peuvent avoir des conséquences directes sur les chiffres du tourisme, il est une raison culturelle que nombre d’acteurs du tourisme tentent de combattre : le complexe de sa région.
Zoom sur la Côte d’Opale. Diana Hounslow fait partie de ces personnes qui compte sur les habitants pour changer l’image d’un territoire. Directrice de Pas-de-Calais tourisme depuis 2006, ses bureaux sont installés à Wimille, près de Boulogne-sur-Mer, au cœur de la Côte d’Opale. Cette Anglaise, née en Nouvelle-Zélande de père britannique et de mère irlandaise, n’imaginait pas, jusqu’à cette triste journée de 1985, vivre sur cette côte si pauvre de renommée et si près de sa terre nourricière. Étudiante à l’époque dans le nord de l’Angleterre, elle avait dû choisir une destination en France pour venir passer une année d’apprentissage. «Je me souviens que j’avais choisi Monte-Carlo, la Côte d’Azur et la Bretagne, et c’est vers Calais que l’on m’a dirigée. Lorsque je suis arrivée à Calais, j’ai pleuré deux fois. J’étais très déçue. Puis l’accueil m’a conquise.» Diane Hounslow n’a plus quitté la Côte d’Opale, s’est mariée à un Wimereusien et a eu quatre enfants. Le conte aurait pu s’arrêter là, mais la first lady de la Côte d’Opale a décidé de transmettre sa passion du territoire.
“On mise beaucoup sur les campagnes de communication». «Nous devons convaincre les habitants que nous sommes une destination touristique», déclare la directrice de Pas-de-Calais tourisme. En 2007, une première campagne de communication fait date : Eden Express ou les sept jours de création de la Côte d’Opale. «Il faut conforter les habitants», dit-elle. Pour cela, elle convoque de bons photographes, écrit le scénario de la création, propage cette nouvelle image jusque dans le métro parisien «pour que les Nordistes voient que même à Paris leur région est valorisée», souligne Diana Hounslow. La directrice étend son action à l’échelle de trois territoires : L’ex-bassin minier et le Louvre-Lens, la campagne et la Côte d’Opale. Elle travaille en réseau avec les CCI et les offices de tourisme grâce à une plate-forme collaborative. «Nous animons le réseau, les aidons à anticiper les nouvelles tendances, notamment le changement de comportement des touristes.» Une deuxième campagne de communication voit le jour en 2015, «La Belle Vie», axée principalement sur la notion de bien-être à la campagne où se dessinent les caps Blanc-Nez et Gris-Nez, à la fois mi-campagne et mi-bord de mer, l’Audomarois et les sept vallées. Un site Internet invite à la balade pittoresque et suscite le besoin de se fondre dans cette campagne luxuriante et sauvage : 1 700 000 vues en un an… Un record. Sur Facebook, «labellevie.com» engrange 60 000 fans en deux semaines. De quoi encourager à aller plus loin. «Suite à ces campagnes, nous avons constaté une évolution constante du nombre de réservations et du nombre d’hébergeurs, souligne-t-elle. Il y a un cercle vertueux qui se crée. La qualité de l’offre évolue. Nous avons sur la Côte d’Opale un vrai professionnalisme des hébergeurs. Mais nous devons encore travailler sur l’ADN du territoire.» Une nouvelle campagne de communication devrait voir le jour en 2017, portant sur les deux Caps, le Syndicat mixte de la baie de Somme et les dunes de Flandres qui est candidat au label «Grand Site de France». «Nous voulons développer et promouvoir le tourisme responsable et durable, insiste Diana Hounslow. Nous allons nous appuyer sur des entreprises, des hôtels qui portent ces valeurs et sur notre réseau de greeters.»
Premier réseau de greeters. Après New York, le premier réseau national de greeters voit le jour dans le département du Pas-de-Calais en 2007, en même temps que dans la ville de Nantes. Sur une initiative du Comité départemental de tourisme du Pas-de-Calais, l’objectif est de proposer au touriste de rencontrer un habitant pour qu’il lui montre et lui parle de «son» coin, «sa» ville, dont il est passionné et fier. Il ne se substitue en aucun cas aux guides professionnels et ne perçoit à ce titre aucun revenu ou pourboire. Cette initiative fait mouche. Les professionnels du tourisme et les greeters remplissent ensemble un cahier des charges, créent leur site web et font parler d’eux. L’objectif étant de changer l’image de leur territoire. Au Touquet, à Berck, Equihen-Plage, sur le site des deux Caps, on peut trouver un greeter, randonneur, archer, artiste, etc., prêt à partager la passion de son territoire. Aujourd’hui, ils sont plus d’une soixantaine dans le département du Pas-de-Calais à s’inscrire dans cette démarche. Il y a 27 réseaux en France et 120 dans le monde. La directrice de Pas-de-Calais tourisme tient à promouvoir cette filière de greeters. Dans un contexte socio-économique où les tensions peuvent exister, comme à Calais, par exemple, où le sujet migratoire est devenu ultra sensible, «les habitants ont, dans ce contexte, un rôle inestimable à jouer pour faire changer les points de vue, souvent négatifs, d’une situation. Il faut faire se parler les habitants, multiplier les rencontres. Le tourisme crée cette rencontre et favorise l’ouverture, l’échange et la compréhension entre les peuples et les cultures”, conclut Diana Hounslow.
Lucy DULUC
Encadré
Le tourisme de la région des Hauts-de-France en chiffres
− 69 000 emplois touristiques, soit 7% de l’emploi touristique national
− Près de 447 M€ d’investissements touristiques annuels, soit 3,7% de l’investissement réalisé en France
− 5,6 Mds€ de dépenses des touristes, soit 4% des dépenses en France
− 6,7 M€ en produits de taxes de séjour
La clientèle française représente 71% des nuitées réalisées en hôtel et hôtellerie de plein air en 2015, soit plus de 5 millions de personnes. Arrivent en tête de la clientèle les Franciliens (24,1%), suivi par les habitants du Nord − Pas-de-Calais (20%).
8,9 millions de nuitées hôtelières
− clientèle étrangère : 26% des nuitées
− clientèle professionnelle : 66% des nuitées totales
Près de 2 millions de nuitées en hôtellerie de plein air
− clientèle étrangère : 46% des nuitées et 59% des arrivées totales.
Les étrangers représentent 28% de la clientèle totale pour une durée moyenne des séjours de 1,56 nuit. Le Royaume-Uni (45%) fait partie des principaux pays émetteurs, suivi par la Belgique (20%), l’Allemagne (8%) et les Pays-Bas (6%). L’Italie, les Etats-Unis, l’Espagne, la Pologne et la Suisse représentent chacun 2% de la fréquentation.
Tourisme d’affaires
Dans les lieux de séminaires : 20 120 manifestations d’affaires (séminaires, incentives, colloques, réunions…) ont été réalisées en 2015 pour 874 900 participants.
Dans l’hôtellerie : en 2015, la clientèle professionnelle et d’affaires (VRP, congrès, séminaires…) représente 57,2% des nuitées hôtelières de la région (65,1% dans le Nord et 45,8% dans le Pas-de-Calais).
Parmi les centres de congrès, arrivent en tête :
− Lille Grand-Palais avec 159 manifestations affaires pour 146 300 participants
− Artois Expo avec 73 manifestations pour 89 900 participants