Le ton remonte d'un cran entre Paris et Alger
Le ton est remonté d'un cran lundi entre la France et l'Algérie avec l'annonce de la décision des autorités algériennes d'expulser douze fonctionnaires...

Le ton est remonté d'un cran lundi entre la France et l'Algérie avec l'annonce de la décision des autorités algériennes d'expulser douze fonctionnaires français, au risque de représailles.
L'Algérie a défendu lundi soir sa décision "souveraine", faisant porter au ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau "la responsabilité entière" de ce regain de tensions.
Dans un communiqué, le ministère algérien des Affaires étrangères a confirmé que ces 12 personnes, "exerçant auprès de l'ambassade et des consulats de France en Algérie" avaient été déclarées persona non grata et avaient l'"obligation de quitter le territoire national sous 48 heures" en réponse à l'arrestation en France d'un agent consulaire algérien.
L'information avait été annoncée lundi matin par le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, qui avait demandé aux autorités algériennes de "renoncer à ces mesures d'expulsion", faute de quoi Paris n'aurait "d'autre choix que d'y répondre immédiatement".
En dépit de ces nouvelles tensions, "les contacts sont maintenus" et Paris souhaite "revenir à l'apaisement" avec l'Algérie, ont assuré lundi des sources diplomatiques françaises.
Le président français Emmanuel Macron se donne 48 heures pour évaluer la situation et décider de la suite à donner à cette affaire, a indiqué une autre source diplomatique.
Les douze agents concernés sont des fonctionnaires du ministère de l'Intérieur mais le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, partisan d'une ligne dure vis-à-vis d'Alger, a dit s'"interdire toute réaction" alors qu'il était en déplacement au Maroc.
Rabaisser l'Algérie
Lundi soir, la diplomatie algérienne a cependant souligné que cette décision intervenait après "l'arrestation spectaculaire et ostentatoire, sur la voie publique, par les services sous tutelle du ministère de l'Intérieur français, d'un agent consulaire" algérien.
Un "acte indigne", a fustigé le ministère, qui a estimé que le ministre français de l'Intérieur entendait "rabaisser" l'Algérie.
Bruno Retailleau "porte la responsabilité entière de la tournure que prennent les relations entre l'Algérie et la France au moment où celles-ci venaient d'entamer une phase de décrispation à la faveur de l'entretien téléphonique" entre les présidents algérien et français, a insisté le ministère.
Vendredi, trois hommes, dont l'un employé de l'un des consulats d'Algérie en France, ont été mis en examen (inculpés) à Paris notamment pour arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire, en relation avec une entreprise terroriste, selon le parquet national antiterroriste (Pnat) français.
Dans cette affaire qui concerne l'opposant au régime algérien exilé Amir Boukhors, un influenceur surnommé Amir DZ, ces hommes sont aussi poursuivis pour association de malfaiteurs terroriste criminelle. Ils ont été placés en détention provisoire.
Bruno Retailleau avait jugé dimanche "avéré" l'enlèvement de l'opposant algérien, "y compris par un individu qui travaille à Créteil (en région parisienne, ndlr) au consulat général d'Algérie".
Dès samedi, le ministère algérien des Affaires étrangères avait dénoncé une "cabale judiciaire inadmissible" reposant "sur le seul fait que le téléphone mobile de l'agent consulaire inculpé aurait borné autour de l'adresse du domicile" d'Amir Boukhors.
Cet influenceur algérien, qui vit depuis 2016 en France, y a obtenu l'asile politique en 2023. Son pays le réclame pour le juger.
Alger a émis neuf mandats d'arrêt internationaux à son encontre, l'accusant d'escroquerie et d'infractions terroristes. En 2022, la justice française a refusé son extradition.
Âgé de 41 ans et suivi par plus d'un million d'abonnés sur TikTok, Amir DZ a été la cible "de deux agressions graves, une en 2022 et une autre dans la soirée du 29 avril 2024", le jour de son enlèvement en banlieue sud de Paris, avant d'être relâché le lendemain, selon son avocat Eric Plouvier.
L'honneur de la France
Ces échanges tendus contrastent avec la volonté affichée tout récemment des deux pays de relancer leur relation bilatérale tumultueuse.
Début avril, M. Barrot s'était entretenu avec son homologue Ahmed Attaf et avec le président algérien Abdelmadjid Tebboune, en faisant part depuis Alger du souhait de la France de "tourner la page des tensions actuelles".
Quelques jours auparavant, MM. Macron et Tebboune s'étaient entretenus par téléphone et avaient exprimé leur volonté de "renouer le dialogue".
Le président du Rassemblement national (RN, extrême droite) Jordan Bardella a réagi lundi en fustigeant sur X "les brillants résultats de la stratégie de l'apaisement d'Emmanuel Macron".
Le député de droite Laurent Wauquiez a lui dénoncé "une nouvelle humiliation" et exigé que "le gouvernement défende l'honneur de la France et force l'Algérie à reprendre enfin tous ses OQTF", les personnes sous obligation de quitter le territoire français.
La crise entre Paris et Alger a démarré fin juillet 2024 lorsque le président français a apporté son soutien total à un plan d'autonomie sous souveraineté marocaine pour le Sahara occidental, revendiqué depuis 50 ans par les indépendantistes du Polisario soutenus par Alger. L'Algérie avait immédiatement retiré son ambassadeur à Paris.
Puis les tensions avaient été aggravées par "une série d'irritants", dont la question migratoire et l'arrestation en Algérie de l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal.
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