Tendances
Le recours au télétravail s’érode dans les entreprises
Les entreprises seraient-elles les mauvais élèves de la lutte contre la Covid-19 ? Pour le gouvernement, toutes les entreprises ne joueraient pas le jeu du télétravail. Or le renforcement du recours effectif au télétravail fait partie des mesures arrêtées par l'exécutif pour éviter un nouveau confinement. Les contrôles administratifs devraient s’intensifier.
«Télétravaillez, dès que vous le pouvez !», c’est l’injonction du gouvernement afin d’éviter un nouveau confinement. Pour l’heure, selon une étude du ministère du Travail(*), la part de personnes télétravaillant à 100% est passée de 45 % en novembre dernier à 30 % en janvier. Pourtant, selon les chiffres du ministère, près d'un tiers des actifs en France pourraient travailler facilement à domicile. «Les risques de contamination sont diminués de 20 % pour les salariés qui télétravaillent, et de 30 % pour ceux qui télétravaillent tous les jours», indique la ministre du Travail, de l'Emploi et de l'Insertion, Élisabeth Borne. Tous les métiers qui le peuvent doivent «sans délai» être effectués en distantiel. Si la rue de Grenelle n’entend pas revenir sur les règles actuelles, elle demande à chaque entreprise de se mobiliser et œuvre «sur leur application effective par toutes les entreprises et par tous les salariés.» D’une part, pour réduire la part de ceux qui ne télétravaillent pas du tout. «Les enquêtes dont nous disposons montrent qu’au moins un tiers des actifs pouvant télétravailler facilement sont exclusivement en présentiel. Notre objectif est que ces quelque 2,5 millions de salariés se mettent ou se remettent à télétravailler.» Deuxième priorité : demander aux salariés qui travaillent à domicile aujourd’hui un, deux ou trois jours par semaine, de faire au moins un jour de télétravail en plus. «Chaque jour compte», a martelé la ministre. Lors de sa conférence de presse du 4 février, le Premier ministre Jean Castex a confirmé que le télétravail était «un levier très puissant que nous n'utilisons pas suffisamment» pour freiner l'épidémie de covid-19.
Des branches professionnelles épinglées
Alors qu’un accord national interprofessionnel (ANI) sur le télétravail a été finalisé entre partenaires sociaux, le 26 novembre dernier, le Premier ministre estime que le recours au télétravail s'est «réduit» depuis la fin de l'année 2020. «Beaucoup d’entreprises n’avaient pas déployé toutes les possibilités d’en faire. Il y a trop de milieux professionnels où le télétravail serait possible, mais n'existe pas du tout ou à des niveaux très faibles. Les administrations publiques doivent en particulier montrer l'exemple et j'y veillerai.» Selon le ministère du Travail, le télétravail baisserait même de manière «significative» dans certains secteurs, notamment la banque et l’assurance, la communication, l’informatique, les activités immobilières et juridiques. Face à cette «érosion», le ministère a contacté les organisations syndicales et patronales pour leur demander de se remobiliser et de relayer ces messages dans les entreprises pour que celles-ci prennent leurs responsabilités. «Je lance un appel aux chefs d’entreprise, aux salariés pour renforcer la mise en œuvre de ce télétravail. Je rappelle que la règle est simple : tout ce qui peut être fait à distance doit être fait en télétravail. Si toutes vos tâches peuvent être faites à distance, alors vous devez être à 100 % en télétravail.»
Contrôles renforcés de l’inspection du travail
La ministre convoquera les branches professionnelles où le relâchement est le plus marqué. Dans un courrier de «mobilisation» adressé aux partenaires sociaux, Élisabeth Borne leur a demandé de réunir «sans délai», au sein des entreprises, les instances de dialogue social pour renforcer les modalités de mise en œuvre du télétravail, rappelant que celui-ci «doit être la règle pour l'ensemble des activités qui le permettent.» Jusqu'ici, il y aurait eu «assez peu de contrôles» des autorités quant au respect du télétravail, avait confié Audrey Richard, patronne de l'Association nationale des DRH (ANDRH) au Figaro. De son côté le gouvernement a relevé «près de 65 000 interventions», pour environ «400 mises en demeure» depuis le premier déconfinement du printemps et promis un renforcement de ces contrôles. L'inspection du travail devrait recevoir une instruction, a indiqué la ministre du Travail, lui demandant d’intensifier ses interventions en entreprise pour «accompagner, conseiller, mais aussi pour contrôler et sanctionner, le cas échéant. Il y a des sanctions si vous ne respectez pas les règles du protocole sanitaire en entreprise qui prévoit un recours maximal au télétravail.»
Charlotte de SAINTIGNON
(*) Sondage réalisé entre le 18 et le 24 janvier par Harris Interactive pour le ministère du Travail.