Le procès fleuve de la vendetta entre héritiers du gang corse de la "Brise de mer" a débuté
Le procès de l'assassinat de deux membres du grand banditisme corse, en 2017 à l'aéroport de Bastia-Poretta, s'est ouvert lundi devant la cour d'assises à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), avec en toile de fond la vendetta entre...
Le procès de l'assassinat de deux membres du grand banditisme corse, en 2017 à l'aéroport de Bastia-Poretta, s'est ouvert lundi devant la cour d'assises à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), avec en toile de fond la vendetta entre héritiers du gang de la "Brise de Mer".
Le 5 décembre 2017, vers 11H20, Jean-Luc Codaccioni et Antoine Quilichini étaient les cibles de tirs sur le parking de l'aéroport de Bastia. Sorti de prison 15 jours plus tôt, Antoine Quilichini était tué sur le coup. Jean-Luc Codaccioni, détenu de la prison de Borgo (Haute-Corse), de retour d'une permission à Paris, décédait sept jours plus tard.
Une minute avant les tirs, Cathy Châtelain divorcée Sénéchal, gardienne de prison de Borgo, était vue sur les caméras de surveillance "arriver en courant" pour embrasser Codaccioni.
Dans un palais de justice sous bonne garde, 14 accusés dont neuf détenus étaient présents à l'ouverture des débats lundi après-midi, dont cette quadragénaire qui a notamment reconnu pendant l'instruction avoir renseigné les assassins sur les dates de sortie des victimes.
A la barre, celle décrite par l’accusation comme ayant fait allégeance au clan, a adopté la formule de l'essentiel de ses co-accusés: "Rien à déclarer".
Son ex-mari Dominique Sénéchal, jugé notamment pour l’aide apportée à la préparation d’une tenue d’agent pénitentiaire remise aux membres de l'équipe, est le seul à reconnaître les faits. "J’ai agi par protection pour ma famille", a-t-il expliqué.
L'histoire de cette gardienne de prison a inspiré un film de Stéphane Demoustier, "Borgo", sorti au cinéma en avril, au grand dam des avocats.
Accusé d’être l’administrateur du réseau de téléphonie cryptée de l'équipe criminelle, Riad Belgacem pourrait être, quant à lui, jugé par défaut. Il est en fuite depuis le début de l’enquête.
Les enquêteurs sont parvenus dans ce dossier à "décrypter pour la première fois des téléphones réputés inviolables" et les messages "cruciaux" qu'ils contenaient.
Le banc des parties civiles est occupé uniquement par Me Valérie Vincenti, qui défend un passant touché à la fesse par une balle perdue lors de la fusillade. Aucun des proches des deux personnes assassinées n'est représenté aux débats.
Venger nos pères
Selon l'accusation, l'objectif des principaux accusés était de "venger les morts" de leurs pères, fondateurs de la "Brise de Mer", et de "faire renaître" cette bande criminelle historique.
Braquages de banques et de fourgons blindés, jeux clandestins, boîtes de nuit... ce gang corse, du nom d'un café du Vieux-Port de Bastia, où ses membres se retrouvaient depuis la fin des années 1970, a dominé pendant 25 ans le crime, en France et en Suisse.
A la fin des années 2000, deux membres fondateurs du groupe se sont affrontés, Richard Casanova et Francis Mariani. Cette lutte fratricide s'est traduite par les assassinats de Richard Casanova en avril 2008, de Francis Guazzelli - un autre membre fondateur - en novembre 2009 et la disparition dans l'explosion d'un hangar de Francis Mariani en janvier 2009. S'ajoute à cela, en juillet 2008, l'assassinat d'Ange-Marie Michelosi, membre du banditisme de Corse-du-Sud.
Et cette guerre se poursuivra via les héritiers de ces parrains.
Les deux victimes de ce double meurtre sont ainsi rattachées par l'accusation au "clan Germani", autour de Jean-Luc Germani, beau-frère et ami de Richard Casanova.
Dans le box des accusés se trouvent Christophe et Richard Guazzelli, fils de Francis Guazzelli, Ange-Marie Michelosi, fils de Ange-Marie père, et Jacques Mariani, fils de Francis, qui tiennent le "clan Germani" pour responsable de la mort de leurs pères.
A la barre, seul Richard Guazzelli a dérogé au "rien à déclarer". "Je n'étais pas à l’aéroport le matin du 5 décembre, pas plus que sur le lieu de crémation du véhicule" utilisé pour amener le tireur à l'aéroport, a-t-il dit.
"On a vengé nos pères", avait écrit Christophe Guazzelli, considéré comme le chef de cette équipe criminelle, à Ange-Marie Michelosi, dans un message décrypté par les enquêteurs.
Dans un autre échange crypté avec Jacques Mariani, le même accusé explique avoir tiré "dans la tête" d'une de ses cibles, avant d'affirmer: "J'ai rendu tt sa puissance à la brise...". "Tu es mon idole", "ta venger tt le monde d'un coup", répond Jacques Mariani.
Le procès doit durer deux mois.
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