Le procès d'un ex-rebelle syrien pour complicité de crimes de guerre s'est ouvert à Paris
Le procès d'un ex-rebelle salafiste pour complicité de crimes de guerre commis entre 2013 et 2016 en Syrie, s'est ouvert mardi devant la cour d'assises de Paris, qui a été confrontée dès le début des discussions à l'épineuse question...

Le procès d'un ex-rebelle salafiste pour complicité de crimes de guerre commis entre 2013 et 2016 en Syrie, s'est ouvert mardi devant la cour d'assises de Paris, qui a été confrontée dès le début des discussions à l'épineuse question de l'absence de nombreux témoins cités à comparaître.
Jugé pour complicité de crimes de guerre et pour entente en vue de la préparation de crimes de guerre, des faits pour lesquels il encourt 20 ans de réclusion criminelle, Majdi Nema, un ancien membre de Jaysh al-Islam (JAI, Armée de l'islam), conteste les accusations, affirmant n'avoir eu qu'un "rôle limité" dans ce groupe prônant la charia et qui combattait le régime syrien.
Les débats sur le fond n'ont pas encore commencé mais les échanges se tendent dès l'entame des discussions entre les avocats de la défense, Mes Romain Ruiz et Raphaël Kempf, et le président de la cour d'assises, Jean-Marc Lavergne, ce dernier ayant refusé que l'accusé s'exprime en anglais, et exigé qu'il s'exprime dans sa langue maternelle, l'arabe.
Une injonction ignorée par Majdi Nema. Appelé à décliner son identité, l'accusé à la forte corpulence et aux rares cheveux coiffés en catogan, répond en anglais. "Il n'y a aucune preuve des faits qu'on me reproche", déclare d'emblée cet homme de 36 ans, qualifiant l'affaire de "purement politique".
Puis vient la question des témoins cités à comparaître, soit par les avocats des parties civiles, soit par la défense, et dont un grand nombre - au moins une quinzaine - ne viendra pas s'exprimer à la barre.
Pressions
"Un certain nombre de témoins et parties civiles ont fait état de menaces et pressions directes à leur endroit", dit à la cour Me Marc Bailly, avocat de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et de plusieurs personnes physiques, expliquant que certaines d'entre elles avaient fait part de leur volonté de ne pas participer au procès pour des raisons de sécurité.
Les conseils de la défense, qui contestent qu'il y ait eu des pressions, déplorent de leur côté que la cour et le parquet général n'aient pas mis en oeuvre tous les moyens nécessaires pour faire venir en France les cinq témoins qu'ils ont cité à comparaître et qui vivent en Turquie ou en Syrie, ou au moins pour les écouter en visioconférence.
"La justice française souhaite rendre justice en lieu et place de la justice syrienne mais ne s'en donne pas les moyens", déclare Me Kempf, qui n'a eu de cesse depuis le début de l'instruction de contester avec son confrère la légitimité de la justice française dans cette affaire.
Compétence universelle
C'est en vertu du principe de sa compétence universelle qu'elle peut en effet juger un étranger pour des crimes contre l'humanité ou des crimes de guerre commis à l'étranger contre des étrangers. Un principe consacré en 2023 par la Cour de cassation qui avait été saisie par Me Kempf et Me Ruiz.
Il s'agit du deuxième procès qui se tient en France concernant les crimes commis en Syrie, après un premier tenu par défaut en mai 2024 visant de hauts dignitaires du régime syrien, condamnés pour la disparition forcée et la mort de deux Franco-Syriens.
Ex-officier de l'armée syrienne, Majdi Nema avait fait défection en novembre 2012 pour rejoindre Zahran Alloush, fondateur et commandant en chef de Liwa al-Islam, devenu JAI en 2013. Ce groupe avait pris dès 2011 le contrôle de la Ghouta orientale, au nord-est de Damas, et est aujourd'hui soupçonné d'être impliqué dans la commission de crimes de guerre commis notamment au préjudice de la population civile.
Majdi Nema, connu sous le nom de guerre d'Islam Alloush, affirme avoir quitté la Ghouta orientale fin mai 2013 pour rejoindre la Turquie, d'où il agissait comme porte-parole de JAI, ce qui prouverait qu'il n'a pu commettre les crimes reprochés. Il dit avoir quitté le groupe en 2016.
En novembre 2019, il était arrivé en France pour suivre comme étudiant un cycle de conférences à l'Institut de recherche sur le monde arabe et musulman de l'université Aix-Marseille.
Alors qu'une plainte avait été déposée en France contre JAI quelques mois auparavant, il avait été interpellé en janvier 2020 et mis en examen par un juge du pôle crimes contre l'humanité du tribunal de Paris.
Verdict prévu le 27 mai.
43Q42T2