Le particulier employeur et la faute inexcusable

La loi distinguant «l’employeur professionnel» et «le particulier employeur», des pans entiers du Code du Travail ne sont pas applicables à ce dernier. A partir de là, et dès lors que les obligations textuelles ne sont pas les mêmes, un employeur de personnel de maison peut-il être condamné pour faute inexcusable comme un employeur professionnel ?

Les employés de maison constituent une catégorie à part dans le monde salarié. © juefraphoto
Les employés de maison constituent une catégorie à part dans le monde salarié. © juefraphoto

Selon les données de la loi de finances pour 2021, plus de 4 millions de ménages français bénéficient du crédit d’impôt pour l’emploi à domicile. En 2018, il y avait 3,4 millions de particuliers qui employaient, selon l’URSSAF, à leur domicile près de 1,4 million de salariés.
Les employés de maison constituent une catégorie à part dans le monde salarié, en tant qu’ils sont employés par des particuliers à leur domicile privé, pour réaliser des travaux à caractère familial ou de ménage, afin de satisfaire des besoins relevant exclusivement de leur vie personnelle.
Pour mémoire, l’employeur professionnel est tenu à une obligation légale de sécurité et doit assurer la protection de la santé et de la sécurité de ses collaborateurs. Le manquement à cette obligation est notamment susceptible de constituer, en cas de reconnaissance d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle, une faute inexcusable ouvrant droit à une indemnisation complémentaire du salarié.
La faute inexcusable, au sens de l’article L452-1 du Code de la Sécurité Sociale, est constituée quand l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis son collaborateur et qu’il n’a pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.
En pareille hypothèse, la victime ou ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités qui leur sont dues par la loi (rente majorée ; dommages et intérêts pour préjudice physique, moral, esthétique, d’agrément…).
L’article L452-4 du Code de la Sécurité Sociale prévoit, par ailleurs, que «l’auteur de la faute inexcusable est responsable sur son patrimoine personnel des conséquences de celle-ci» à charge pour lui de se faire, le cas échéant, assurer contre les conséquences financières de sa propre faute.

Une définition commune de la faute inexcusable

Dans une affaire récente, une employée de maison est devenue paraplégique à la suite d’une chute d’un balcon d’une résidence secondaire, dont la balustrade en bois avait cédé. Cet accident a été pris en charge par une Caisse Primaire d'Assurance Maladie au titre de la législation professionnelle. La salariée avait alors poursuivi son employeur en considérant qu’il avait commis une faute inexcusable qui ouvrait droit à une indemnisation complémentaire et non à la seule indemnisation au titre de l’accident du travail.
La Cour d'Appel de Toulouse avait accueilli cette demande en retenant que l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposée son employée (présence d’un balcon vétuste) et qu’il n’avait pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver (signalement et interdiction). L’employeur a contesté cette décision.
La question posée à la Cour de Cassation était de savoir si la « faute inexcusable » du particulier employeur de personnel de maison est (ou non) définie dans les mêmes termes que celle commise par l’employeur professionnel ou obéit-elle, au contraire, à une définition autonome ?
L’employeur invoquait, dans son recours, qu’en tant que particulier employeur (dans une résidence secondaire), il n’était pas soumis aux dispositions du Code du Travail relatives à l’obligation de sécurité. Par conséquent, sa faute inexcusable ne pouvait résulter d’une prévention défaillante et il fallait rechercher sa responsabilité sur la base de principes juridiques plus souples.
La Cour de Cassation, dans un arrêt du 8 avril 2021, a rejeté la demande du particulier employeur en retenant , pour la première fois, une définition commune de la faute inexcusable quelle que soit la qualité de l’employeur, professionnelle ou pas.
La décision reconnait ainsi aux employés de maison des garanties équivalentes à celles offertes aux salariés de droit commun alors même que les textes légaux ne sont pas les mêmes. A l’avenir, les particuliers employeurs seront tenus d’évaluer autant que possible les risques auxquels les employés de maison sont exposés (chute ou glissade dans les escaliers, d’un balcon, risques inhérents aux installations électriques, aux travaux en hauteur…) à charge pour eux de supporter, sur leur patrimoine personnel, les conséquences de leurs omissions fautives.
Si cette décision doit être saluée, il est néanmoins utile de vérifier que les contrats d’assurance habitation prévoient bien des dispositions spécifiques à ce titre.

Maître Hugues Maquinghen, avocat associé – Cabinet DM Avocats