Amendes administratives
Le (nouveau) bras armé de l’Inspection du travail ?
Le rôle et les pouvoirs de l’inspecteur du travail ont été récemment profondément remaniés pour lui permettre d’exercer un véritable pouvoir d’appréciation dans la mise en œuvre du pouvoir de contrôle et de sanction.
Les inspecteurs du travail sont, de par la loi, «chargés de veiller à l’application des dispositions du Code du travail et des autres dispositions légales relatives au régime du travail ainsi qu’aux stipulations des conventions et accords collectifs… Ils sont également chargés, concurremment avec les officiers et agents de police judiciaire, de constater les infractions à ces dispositions et stipulations» (art. 8112-1 du Code du travail).
Sans
rien modifier des solutions qui prévoient au terme d’un procès
pénal classique la répression des infractions définies par le Code
du travail, le législateur français s’est orienté vers la mise
en place d’un dispositif alternatif principalement fondé sur le
prononcé, à l’encontre des employeurs, d’amendes
administratives, le plus souvent cumulables en fonction du nombre de
salariés concernés.
Une
alternative à la voie pénale
Contrairement à un officier de police qui est tenu, pour toute infraction constatée, de dresser un procès-verbal, l’inspecteur du travail peut aujourd’hui décider des suites à donner à ces constatations en ne dressant procès-verbal que pour les manquements les plus graves, notamment ceux tenant à la sécurité des personnes entraînant des accidents ou ceux liés au travail illégal.
Partant du constat de l’inefficacité des sanctions pénales en droit du travail (faible taux de poursuites, lourdeur administrative…) alors que les sanctions administratives infligées dans d’autres domaines (par exemple : installations classées, droit de l’environnement) font preuve d’efficacité, le législateur a récemment doté les inspecteurs du travail d’un nouvel outil coercitif et alternatif à la voie pénale, à savoir l’amende administrative.
La
principale originalité de la procédure dite de «sanction
administrative» consiste pour une autorité administrative à
appliquer une peine à caractère punitif sans intervention préalable
d’un juge spécialisé, a priori le juge pénal. Punir sans juger
en droit du travail, cela est donc devenu aujourd’hui possible
sachant que cette nouvelle politique de répression est encadrée par
des garanties procédurales. L’Ordonnance du 07 avril 2016 relative
au contrôle de l’application du droit du travail a ainsi emporté
une importante réforme des services de l’Inspection du travail et
une remise en ordre des sanctions pénales prévues par le Code du
travail.
Des
initiatives réservées à l’Inspection du travail
En
droit du travail existent de nombreuses infractions reprises dans le
Code du travail et dans le Code pénal. Le point essentiel du nouveau texte met l’inspecteur du travail au centre du dispositif de
contrôle et lui laisse l’opportunité d’orienter des poursuites
soit vers des sanctions administratives, soit vers des sanctions
pénales.
Quand
il constate l’existence de manquements punis à la fois pénalement
et par une amende administrative, l’inspecteur du travail a le
choix entre, d’une part, rédiger un procès-verbal qui sera
transmis au Procureur de la République et, d’autre part, rédiger
un rapport d’infraction qui sera adressé à son autorité de
contrôle, à savoir la Direction Régionale du Travail (DREETS) à
charge pour cette autorité administrative de prononcer à l’encontre
de l’employeur des amendes en cas de manquements ou de signifier de
simples observations.
Ce
nouveau droit répressif du travail permet ainsi d’infliger des
amendes administratives en l’absence de poursuites pénales dans
certains domaines expressément prévus par la loi. Aujourd’hui, la
Direction Régionale du Travail (DREETS) peut, sur rapport de
l’inspecteur du travail, prononcer à l’encontre d’un employeur
des amendes en cas notamment de manquements aux dispositions
relatives à la durée du travail, au repos, au décompte de la durée
du travail, aux dispositions relatives à la détermination du
salaire minimum de croissance et encore aux dispositions prises pour
l’application des obligations de l’employeur relatives aux
installations sanitaires, à la restauration et à l’hébergement...
Cette procédure est aujourd’hui de plus en plus utilisée sachant que le montant maximal de l’amende administrative est de 4 000€ par infraction et qu’il y a autant d’amendes que de travailleurs concernés par le manquement. Ces amendes administratives demeurent toujours soumises au contrôle du juge administratif, le tribunal administratif pouvant, en effet, être saisi des contestations portant sur la procédure suivie ou le quantum de l’amende. L’expérience (récente) démontre une faible remise en cause par les tribunaux des procédures suivies. Un point demeure acquis : l’augmentation croissante du nombre des amendes prononcées. Rendez-vous est donc donné dans les années à venir pour savoir si la voie administrative sera privilégiée à la voie pénale.
Des
interventions globalement en hausse
En 2021, les services de l’Inspection du travail ont effectué 255 647 interventions portant majoritairement sur des actions relatives à la lutte contre le travail illégal, la prévention des chutes en hauteur et la mobilisation face à la crise sanitaire liée au COVID. En 2021, les contrôles de l’Inspection du travail ont donné lieu à 157 061 lettres d’observations, 4 619 procès-verbaux, 5 677 mises en demeure et près de 5 368 arrêts de chantier ou d’activité. Selon le ministère du Travail, 2 160 décisions de sanctions administratives ont été notifiées en 2021 contre 1 822 en 2020. Cet outil nouveau trouve aujourd’hui pleinement sa place dans l’arsenal juridique dont dispose l’Administration du travail. Elle permet une sanction effective qui peut intervenir rapidement.