Amendes administratives

Le (nouveau) bras armé de l’Inspection du travail ?

Le rôle et les pouvoirs de l’inspecteur du travail ont été récemment profondément remaniés pour lui permettre d’exercer un véritable pouvoir d’appréciation dans la mise en œuvre du pouvoir de contrôle et de sanction.

Le point essentiel du nouveau texte met l’inspecteur du travail au centre du dispositif de contrôle et lui laisse l’opportunité d’orienter des poursuites soit vers des sanctions administratives, soit vers des sanctions pénales. © chokniti
Le point essentiel du nouveau texte met l’inspecteur du travail au centre du dispositif de contrôle et lui laisse l’opportunité d’orienter des poursuites soit vers des sanctions administratives, soit vers des sanctions pénales. © chokniti

Les inspecteurs du travail sont, de par la loi, «chargés de veiller à l’application des dispositions du Code du travail et des autres dispositions légales relatives au régime du travail ainsi qu’aux stipulations des conventions et accords collectifs… Ils sont également chargés, concurremment avec les officiers et agents de police judiciaire, de constater les infractions à ces dispositions et stipulations» (art. 8112-1 du Code du travail).

Sans rien modifier des solutions qui prévoient au terme d’un procès pénal classique la répression des infractions définies par le Code du travail, le législateur français s’est orienté vers la mise en place d’un dispositif alternatif principalement fondé sur le prononcé, à l’encontre des employeurs, d’amendes administratives, le plus souvent cumulables en fonction du nombre de salariés concernés.

Une alternative à la voie pénale

Contrairement à un officier de police qui est tenu, pour toute infraction constatée, de dresser un procès-verbal, l’inspecteur du travail peut aujourd’hui décider des suites à donner à ces constatations en ne dressant procès-verbal que pour les manquements les plus graves, notamment ceux tenant à la sécurité des personnes entraînant des accidents ou ceux liés au travail illégal.

Partant du constat de l’inefficacité des sanctions pénales en droit du travail (faible taux de poursuites, lourdeur administrative…) alors que les sanctions administratives infligées dans d’autres domaines (par exemple : installations classées, droit de l’environnement) font preuve d’efficacité, le législateur a récemment doté les inspecteurs du travail d’un nouvel outil coercitif et alternatif à la voie pénale, à savoir l’amende administrative.

La principale originalité de la procédure dite de «sanction administrative» consiste pour une autorité administrative à appliquer une peine à caractère punitif sans intervention préalable d’un juge spécialisé, a priori le juge pénal. Punir sans juger en droit du travail, cela est donc devenu aujourd’hui possible sachant que cette nouvelle politique de répression est encadrée par des garanties procédurales. L’Ordonnance du 07 avril 2016 relative au contrôle de l’application du droit du travail a ainsi emporté une importante réforme des services de l’Inspection du travail et une remise en ordre des sanctions pénales prévues par le Code du travail.

Des initiatives réservées à l’Inspection du travail

En droit du travail existent de nombreuses infractions reprises dans le Code du travail et dans le Code pénal. Le point essentiel du nouveau texte met l’inspecteur du travail au centre du dispositif de contrôle et lui laisse l’opportunité d’orienter des poursuites soit vers des sanctions administratives, soit vers des sanctions pénales.

Quand il constate l’existence de manquements punis à la fois pénalement et par une amende administrative, l’inspecteur du travail a le choix entre, d’une part, rédiger un procès-verbal qui sera transmis au Procureur de la République et, d’autre part, rédiger un rapport d’infraction qui sera adressé à son autorité de contrôle, à savoir la Direction Régionale du Travail (DREETS) à charge pour cette autorité administrative de prononcer à l’encontre de l’employeur des amendes en cas de manquements ou de signifier de simples observations.

Ce nouveau droit répressif du travail permet ainsi d’infliger des amendes administratives en l’absence de poursuites pénales dans certains domaines expressément prévus par la loi. Aujourd’hui, la Direction Régionale du Travail (DREETS) peut, sur rapport de l’inspecteur du travail, prononcer à l’encontre d’un employeur des amendes en cas notamment de manquements aux dispositions relatives à la durée du travail, au repos, au décompte de la durée du travail, aux dispositions relatives à la détermination du salaire minimum de croissance et encore aux dispositions prises pour l’application des obligations de l’employeur relatives aux installations sanitaires, à la restauration et à l’hébergement...

Cette procédure est aujourd’hui de plus en plus utilisée sachant que le montant maximal de l’amende administrative est de 4 000€ par infraction et qu’il y a autant d’amendes que de travailleurs concernés par le manquement. Ces amendes administratives demeurent toujours soumises au contrôle du juge administratif, le tribunal administratif pouvant, en effet, être saisi des contestations portant sur la procédure suivie ou le quantum de l’amende. L’expérience (récente) démontre une faible remise en cause par les tribunaux des procédures suivies. Un point demeure acquis : l’augmentation croissante du nombre des amendes prononcées. Rendez-vous est donc donné dans les années à venir pour savoir si la voie administrative sera privilégiée à la voie pénale.

Des interventions globalement en hausse

En 2021, les services de l’Inspection du travail ont effectué 255 647 interventions portant majoritairement sur des actions relatives à la lutte contre le travail illégal, la prévention des chutes en hauteur et la mobilisation face à la crise sanitaire liée au COVID. En 2021, les contrôles de l’Inspection du travail ont donné lieu à 157 061 lettres d’observations, 4 619 procès-verbaux, 5 677 mises en demeure et près de 5 368 arrêts de chantier ou d’activité. Selon le ministère du Travail, 2 160 décisions de sanctions administratives ont été notifiées en 2021 contre 1 822 en 2020. Cet outil nouveau trouve aujourd’hui pleinement sa place dans l’arsenal juridique dont dispose l’Administration du travail. Elle permet une sanction effective qui peut intervenir rapidement.