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Le monde judiciaire dénonce un manque récurrent de moyens
À Amiens, comme partout en France, magistrats, greffiers, personnels de justice et avocats se sont rassemblés pour dénoncer un manque criant de moyens humains et matériels. Une mobilisation générale inédite qui traduit le mal être de tous les maillons de la chaîne judiciaire.
On la décrit parfois comme laxiste, lente et inefficace. Loin des caricatures faciles, ceux qui ont déjà poussé la porte d’une salle d’audience ou arpenté les couloirs d’un Palais de justice connaissent les difficultés récurrentes rencontrées par le monde judiciaire. Depuis plus de 20 ans, magistrats, greffiers, avocats et personnels de justice décrivent un système à bout de souffle qui maltraite justiciables et professionnels.
Le suicide d’une jeune magistrate de 29 ans en août dernier a agi comme un détonateur, entraînant une libération inédite de la parole. Fin novembre, dans un texte publié par Le Monde, 3 000 magistrats et greffiers dénonçaient la dégradation de leurs conditions de travail et l’approche gestionnaire de la justice. Une tribune finalement signée par plus de 7 500 professionnels. Une colère qui s’incarne ce 15 décembre par une journée nationale de mobilisation. À Amiens, environ 150 personnes se sont rassemblées.
Un manque cruel de moyens
« En France, pour 100 000 habitants vous avez trois procureurs, onze juges et 34 personnels de justice. En Europe, la moyenne pour la même proportion d’habitants est de onze procureurs, 18 juges et 60 personnels de justice », détaille Alain Leroux, délégué régional de l’Union syndicale des magistrats.
Il demande une approche objective de la situation de chaque juridiction mais aussi de la charge de travail des magistrats (affaires familiales, application des peines, civil, pénal…). « Aujourd’hui nous prenons sur notre temps privé, nous volons du temps à nos familles pour remplir péniblement nos missions », dénonce-t-il.
Il pointe également des réformes qui s’enchaînent à une allure folle. « La justice a besoin de stabilité ! », martèle Alain Leroux. Une paupérisation – l’ex Garde des sceaux Jean-Jacques Urvoas a même évoqué une clochardisation –qui impacte nécessairement la qualité de la justice rendue et les liens avec le justiciable.
« Nous voulons restaurer une justice humaine ! », lance de son côté Jacques Viltingot du syndicat de la Magistrature. « Nous dénonçons aujourd’hui l’insuffisance des moyens matériels et humains dont nous disposons. La téléjustice ne règlera rien ; nous avons besoin de personnels. Le justiciable a besoin d’un contact humain », ajoute-t-il.
Dans la juridiction amiénoise aussi
Un constat partagé par tous, y compris par les avocats venus apporter leur soutien en cette journée de mobilisation. « Ce que pointent les magistrats aujourd’hui, les avocats le subissent depuis des années. Nous avons un service public au bout du rouleau qui fonctionne uniquement grâce à la bonne volonté et l’idéal de justice porté par toute une profession », pointe Guillaume Demarcq, bâtonnier des avocats de la Somme. « À Amiens la justice tient parce que nous avons des magistrats exceptionnels », souligne-t-il, évoquant des audiences surchargées et des délais d’audiencement à rallonge.