Le mécénat doit être un vrai projet d’entreprise

Le mécénat est en pleine évolution. Anne-Marie Soznierz, dirigeante d’Entreprendre en culture, cabinet de conseil en communication publique, en explique les nouvelles donnes.

"Il faut élargir les cibles du mécénat', insiste Anne-Marie Soznierz.
"Il faut élargir les cibles du mécénat', insiste Anne-Marie Soznierz.

En France où le mécénat − culturel notamment − n’est pas du tout la démarche naturelle qu’elle peut être en Angleterre, il a fallu un déclic : dans la région ce fut Lille2004, aux dires d’Anne-Marie Soznierz, mandatée par la DRAC (Direction régionale de la culture) Nord-Pas-de-Calais pour faire un rapport sur le mécénat dans la région en 2007. «La Capitale européenne de la culture a créé un maillage d’entreprises autour d’un projet sur le territoire qui a été structurant et qui est inscrit dans la durée. A l’époque, on ne pouvait pas ne pas en être, et donc tous ceux qui pouvaient y sont allés», explique-t-elle. Mais, depuis presque dix ans les choses ont changé. «Le mécénat doit innover», insiste l’experte.

 

Deux évolutions fondamentales. Première évolution : «Le mécénat n’est plus  la danseuse du président ! Aujourd’hui, il faut convaincre et surtout impliquer les salariés dans ce qui devient un vrai projet d’entreprise, partagé et porté par tous, et non plus par le dirigeant d’entreprise tout seul»,  analyse Anne-Marie Soznierz.  Ce partage de projet concerne aussi le bénéficiaire avec qui le mécène veut avoir plus d’échanges pour mieux s’impliquer. Cela se traduit par une augmentation du mécénat de compétence (le fait d’apporter son savoir-faire sur un projet, comme Doublet qui a fabriqué avec son tissu à drapeaux les tenues dessinées par Castelbajac pour la parade de Lille Fantastic, par exemple). «Le mécénat de compétence est intéressant en temps de crise, analyse Anne-Marie Soznierz. Il permet de mettre moins d’argent dans un projet, mais d’impliquer les collaborateurs et d’avoir une présence sur un événement ou dans un lieu prestigieux, comme un musée, par exemple.»

D.R.

"Il faut élargir les cibles du mécénat", insiste Anne-Marie Soznierz.

Elle note aussi un deuxième changement : la professionnalisation des deux parties, aussi bien les bénéficiaires que les donateurs. «Il y a non seulement un responsable du mécénat, mais aussi des équipes complètes qui travaillent sur le sujet. Au Louvre, par exemple, 22 personnes s’occupent du mécénat. C’est la même chose dans les entreprises. Norpac est venu me voir il y a cinq ans pour mieux connaître le mécénat. Depuis, l’entreprise a fait du mécénat une véritable politique, avec une responsabilité sociétale affichée. Et ils sont partout dans la région.» Aujourd’hui, le mécénat ne se fait plus seulement par l’intermédiaire d’une entreprise toute seule, mais avec des Fondations d’entreprise («leur nombre a été multiplié par trois depuis 2003. Dans la région, le Crédit mutuel et la Caisse d’épargne ont créé les leurs en janvier 2013, avec 1 million d’euros de dotation chacune», remarque la spécialiste), ou encore à travers des cercles d’entreprises (il y en a dans presque tous les musées de la métropole lilloise). Même les particuliers peuvent aussi rejoindre les cercles des “Amis du musée”. C’est dire l’incroyable palette que peut prendre le mécénat en 2013 !

 

Relancer la réflexion. A cette diversité des mécènes, Anne-Marie Soznierz voudrait y associer celle des bénéficiaires. «Il y a aujourd’hui d’autres territoires à investir que les grandes institutions culturelles classiques. Des petits projets tout aussi intéressants, portés par des associations, sont en demande de mécènes pour pouvoir voir le jour. Nous sommes tous consommateurs d’associations. Les PMI-PME peuvent trouver un moyen d’expression et de communication très intéressant, car plus proche d’eux, dans des projets associatifs. Ce sont des relations gagnant-gagnant qui peuvent être créées des deux côtés. Et elles servent l’intérêt général de la loi Aillagon», insiste l’experte. Elle va d’ailleurs mettre en place des speed-datings entre entreprises et associations pour que chacun puisse trouver son projet et son mécène. Et relancer la structure “Via mécénat”, dont elle avait été l’une des créatrices et qui a vu le jour en 2008, pour mieux travailler sur ces changements. «Le mécénat reste un formidable moyen pour communiquer autrement», conclut-elle.