Automobile
Le marché automobile souffre de ses prix
Les jeunes Européens ne s'imaginent pas vivre sans leur voiture, selon une étude de l'Observatoire Cetelem, publiée à quelques jours de l'ouverture du Mondial de l'Automobile de Paris. Mais ils achètent d'occasion, et pour l'instant, le marché du neuf qui dépend de leurs aînés ne fait que se maintenir, en particulier en France. En cause, des prix devenus inabordables.
Qui rêvait d'un monde sans voitures ? Celles-ci ont encore de beaux jours devant elles à en suivre l'étude internationale « L'automobile : une éternelle jeunesse ? », présentée par l'Observatoire Cetelem, le 8 octobre, lors d'une conférence de presse. En particulier, l'étude dresse un « portrait robot » du jeune conducteur européen. Premier constat, il est loin d'être une espèce rare ! La moitié des Européens qui en possèdent un achètent leur premier véhicule avant 20 ans. Dans leur ensemble, les jeunes penchent pour l'occasion : c'est le cas de 59% des moins de 30 ans, un score qui grimpe à 68% en France. « Ce comportement est lié à une contrainte économique », commente Flavien Neuvy, directeur de l'observatoire. Ainsi, 59% des Européens de moins de 30 ans qui disposent d'un permis de conduire mais pas de voiture expliquent que cela leur est financièrement inaccessible et 27% qu'ils n'en ont pas besoin. Et 4% seulement d'entre eux avancent comme explication le fait qu'ils jugent la voiture polluante.
Autre constat de l'étude, pour 70% des jeunes, conduire est un plaisir, une proportion largement supérieure aux autres catégories d'âge. Par ailleurs, « 86% des jeunes ont un fort attachement à leur voiture, et ce pour de nombreuses raisons », ajoute Flavien Neuvy. Pour 58% d'entre eux, elle rend service ; pour 27%, elle facilite des rencontres et les échanges ; pour 33%, il s'agit d'un objet de valeur ; et pour 29%, elle joue le rôle de madeleine de Proust... Au total, près de huit jeunes sur 10 déclarent que leur voiture est indispensable à leur quotidien.
Pour autant, « chez les jeunes, la mobilité est multimodale », analyse Flavien Neuvy. A côté de la voiture, ils se servent aussi volontiers des transports en commun et du vélo. Et concernant l'automobile, ils sont ouverts à d'autres formes d'utilisation que la propriété simple (covoiturage, autopartage, location...). A en suivre leurs usages, les jeunes ne semblent donc pas pas prêts d'abandonner leur voiture. Et en plus, ils en ont une vision plutôt positive : 46% d'entre eux estiment qu'elle s'est améliorée depuis cinq ans, contre 34% qui jugent qu'elle n'a pas évolué, et 14% qu'elle s'est dégradée.
Dans le même sens, près de la moitié des jeunes pensent que la voiture occupera une place encore plus importante dans la société dans 30 ans. Et ils semblent associer cette perspective à la voiture électrique : 63% d'entre eux prévoient qu'à terme, elle remplacera entièrement celle thermique. Pour autant, en termes de motorisation, l'électrique ne vient qu'en deuxième place dans leurs préférences (derrière l'essence et devant le diesel ). En cause : le prix, mais aussi, les difficultés potentielles de recharge, vues comme une forme d'entrave à leur liberté.
Le principal problème : le prix des voitures
Les jeunes représentent peut-être le futur de l'automobile, mais pour l'instant, l'âge moyen de l'acheteur de voitures neuves dépasse la cinquantaine. Et actuellement les ventes aux particuliers sont « très faibles », une tendance étroitement liée à la « période troublée » que traverse l'économie mondiale, rappelle Flavien Neuvy. Le contexte est marqué par une bonne tenue de l'économie américaine, et au niveau européen, par des performances très disparates (Allemagne à la peine, Europe du Sud avec des taux de croissance de l'ordre de 2%, France à mi-chemin). Par ailleurs « l'évolution à venir en Chine sera déterminante pour le marché automobile », prévient Flavien Neuvy.
Dans ce contexte morose, la baisse de l'inflation constitue une nouvelle positive pour le marché automobile. « C'est important. En effet, le prix des voitures constitue un sujet majeur », souligne Flavien Neuvy. En revanche, plusieurs signaux indiquent une perspective peu engageante pour les ventes des constructeurs. A commencer par l'évolution du moral des Français. Jusqu'ici, il est resté globalement stable, mais en dessous de sa moyenne de long terme. Et le débat actuel, très présent dans les médias, sur la dette de la France et l'état des finances publiques pourrait le dégrader encore. Or, « le marché du neuf repose sur le renouvellement du parc. Le moral des ménages est déterminant lorsqu'il s'agit de décider si c'est le bon moment ou pas de changer de voiture », explique l'expert. Autre indice qui va dans le même sens : le haut niveau du taux d'épargne. D'environ 15% avant la crise sanitaire, il a augmenté avec elle sans redescendre ensuite aux niveaux d'avant Covid. « Cette épargne forcée est devenue une épargne de précaution. Or, elle est souvent utilisée lors de l'achat d'une voiture », précise Flavien Neuvy.
L'enjeu est d'autant plus prégnant que le prix des voitures est devenu inabordable. A partir d'une base 100 en 2006, l'indice des prix automobiles est passé à 164 en 2022, et celui du niveau de vie à 110. « On constate une décorrélation totale entre l'évolution du prix des voitures neuves et les capacités financières des ménages. La conséquence est simple : ils n'achètent plus ou beaucoup moins de véhicules neufs », explique l'expert. Au total, 2,7% seulement des ménages achètent des voitures neuves en France. Résultat, le parc automobile grossit et vieillit : les Français achètent d'occasion et conservent plus longtemps leur véhicule. Sur cette base, l'Observatoire Cetelem prévoit un marché à hauteur de 1,8 million de voitures neuves en 2024 et le même chiffre pour 2025, en France. Entre 2000 et 2020, les ventes dépassaient souvent les deux millions d'unités.