Le lycée musulman Al-Kindi retrouvera-t-il son contrat ? A la justice de trancher
Le groupe scolaire musulman Al-Kindi et l'Etat, qui a résilié son contrat, se sont vivement affrontés lundi devant le tribunal administratif de Lyon, leurs représentants s'accusant mutuellement d'avoir des...

Le groupe scolaire musulman Al-Kindi et l'Etat, qui a résilié son contrat, se sont vivement affrontés lundi devant le tribunal administratif de Lyon, leurs représentants s'accusant mutuellement d'avoir des visées "politiques" dans ce dossier emblématique.
La préfète d'Auvergne-Rhône-Alpes a annoncé le 10 janvier mettre fin aux contrats avec l'école, le collège et le lycée Al-Kindi, accusés de "porter un projet contraire aux valeurs de la République", invoquant plusieurs "manquements" constatés lors de visites d'inspections.
Parmi ses griefs: la présence de sept ouvrages qualifiés de "séparatistes" dans son fonds documentaire, un règlement intérieur différent pour les filles et les garçons, des propos problématiques tenus par un professeur sur sa chaîne Youtube ou encore une "opacité" administrative et financière.
L'établissement, qui scolarise 620 élèves à Décines-Charpieu, en banlieue de Lyon, a saisi en urgence la justice pour lui demander de suspendre cette décision qui la privera, selon ses calculs, de 1,6 million d'euros à la rentrée prochaine.
Dans une salle d'audience bondée, où régnait une forte émotion, son avocat Sefen Guez Guez a accusé l'Etat d'avoir "cherché le maximum d'arguments pour faire résilier le contrat" dans un souci "d'affichage" politique.
Il a aussi reproché aux autorités de ne pas avoir tenu compte des "mesures correctrices" prises par l'établissement après le rapport d'inspection (retrait des livres problématiques, rupture du contrat de l'enseignant contesté, modification du règlement intérieur...)
"Vous avez été pris la main dans le sac" et avez opéré un revirement opportuniste, a rétorqué Pascale Leglise, directrice des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l'Intérieur, en accusant l'équipe dirigeante d'être "noyautée par les Frères musulmans".
"Cet établissement dysfonctionne et dysfonctionnera", a-t-elle encore assené, l'accusant d'inculquer à ses élèves "une vision fondamentaliste et séparatiste" de la société. "Ils auront les manettes du pouvoir, de bonnes situations" et "un biais dans leur mode de fonctionnement", a-t-elle déploré.
"Dans une société de plus en plus fracturée (...) il faut stopper les gens qui ont des visées d'islam politique", a encore assené la représentante de l'Etat, "il y a le feu!"
Le président du tribunal, Thierry Besse, a fait baisser les tensions en ramenant le débat sur "les aspects comptables" du dossier.
Pour lui, "la critique fondamentale" porte sur la porosité entre les finances des classes sous contrat et celles hors contrats qui par "un tour de passe passe" affichent les mêmes frais d'inscription.
Il rendra sa décision dans la semaine.
À l'exception d'une classe de seconde dans une école à Marseille, Al-Kindi est le dernier lycée musulman sous contrat depuis la résiliation de l'agrément du lycée Averroès de Lille, longtemps présenté comme le fleuron de l'enseignement musulman en France.
Fin 2023, le préfet du Nord avait décidé de résilier ce contrat en reprochant au lycée d'avoir dispensé des enseignements "contraires aux valeurs de la République". Le tribunal administratif de Lille a depuis rejeté deux recours en référé et doit examiner le fond du dossier le 18 mars.
Ce sera "un procès historique", a commenté dans un communiqué la direction du lycée nordiste, déplorant "les inégalités de traitements" entre lycées musulmans et catholiques "à l'heure où les scandales révélés paraissent se multiplier dans l'enseignement privé".
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