Le lin s'invite partout dans la maison

Naturel, local et écologique... le lin dispose d'atouts dans l'air du temps et s'invite dans le marché du bâtiment. Ses vertus isolantes en font un matériau de plus en plus prisé, notamment dans les Hauts-de-France.

Les Hauts-de-France et la Normandie concentrent la majorité de la culture de lin française. © Photoagriculture
Les Hauts-de-France et la Normandie concentrent la majorité de la culture de lin française. © Photoagriculture

Du lin dans la construction de bâtiments ? Il y encore quelques années, l’idée aurait fait rire. «Le lin entre parfaitement dans l’air du temps. Il est de plus en plus présent dans l’équation des projets et ce matériau est très vertueux.» Brice Roussel, ingénieur matériaux à la Confédération européenne du lin et du chanvre (CELC), est confiant pour l’avenir de la filière du lin en France. Aujourd’hui, 10% des débouchés sont dédiés à des applications techniques telles que l’isolation par exemple. 

On le retrouve dans nos murs, sous nos pieds à travers les planchers, mais aussi au-dessus de nos têtes, dans les toits, associé à du chanvre pour l’isolation. «On parle même de 'maison en lin' ! Ce matériau biosourcé permet d’avoir une ressource supplémentaire, produite dans nos territoires, dans une période de tension d’approvisionnement de matériaux.»

Les Hauts-de-France ont évidemment une importante carte à jouer en la matière. Avec la Normandie, les deux régions concentrent la majorité de la culture de lin française (99 000 hectares en France environ), et même européenne. D'ailleurs 80% de la production mondiale de lin fibre provient des zones côtières de la France jusqu’au Pays-Bas, soit au total, en 2021, 116 927 hectares dédiés à sa production sur toute l’Europe.

Les briques Bâtilin commercialisées

Rien d'étonnant donc à ce que naissent dans les Hauts-de-France des innovations techniques, comme à Bourbourg, où la coopérative L.A Linière lance la commercialisation de sa brique de lin. «L'année 2022 est importante, confie Julien Gilliot ingénieur produit au sein de L.A Linière. Nous terminons notre R&D, nous avons la capacité de produire des blocs aujourd’hui.» C’est en 2017 que L.A Linière a imaginé l'utilisation des anas de lin, issus de son activité de teillage, pour fabriquer un matériau isolant. Cinq ans plus tard, la brique Bâtilin est née : un isolant écologique et biosourcé, associé à un bilan carbone négatif, répondant à la réglementation RE 2020.

«Dès aujourd’hui, nous pouvons commencer à en vendre, il nous manque uniquement les certifications officielles pour avoir les assurances», précise Julien Gilliot. Ce qui ne devrait plus tarder. La coopérative s’est rapprochée du CSTB (Centre scientifique et technique du bâtiment) qui délivre les certifications. Dans cette optique, les premiers chantiers pilotes ont démarré. «Cependant, si quelqu’un souhaite utiliser le bloc chez lui, il peut le faire.» Que ce soit en auto-rénovation ou en auto-construction, l’ingénieur affirme qu’il n’y aura aucun souci. Il s’agit là d’une maçonnerie en pose collée, la technique s’adresse donc à tous les maçons la maîtrisant. «On fait le lien avec un béton cellulaire qui est déjà bien connu.»

Les blocs Bâtilin peuvent être utilisés en rénovation énergétique, pour la construction neuve, dans une structure en bois. © L.A Linière

Un produit plutôt bon marché

Le processus de fabrication s’appuie sur un partenariat avec le groupe Vermeulen, qui fabrique des produits en béton classiques et basé à Quesnoy-sur-Deûle, et l’entreprise de construction Sylvagreg, sise à Lomme. «Cette triple association permet de maîtriser la matière première, la fabrication et toute la conception des bâtiments. Tout cela s’est formé sous la bannière Bâtilin», souligne Julien Gilliot.

Quant au prix, ce matériau est produit, pour l’instant, en petites quantités, «cela peut donc entraîner un surcoût». Mais, à terme, Julien Gilliot souhaite un matériau accessible à tous et compétitif sur le marché. Outre le chanvre, le lin doit faire face aussi à la montée en puissance d’autres écomatériaux comme la balle de riz. Elle se développe en France, en Camargue principalement, depuis 2010, alors qu’elle est utilisée en Louisiane, aux Etats-Unis, depuis 2004. Riche de 20% en silice, la balle de riz est un repoussant naturel contre les parasites et elle est par essence même résistante à l’humidité et peu inflammable. Surtout, elle est considérée comme l’isolant naturel le moins cher.

La fibre de lin, elle, est vendue sous forme de panneaux, de rouleaux, ou encore en vrac ou en feutre, à un prix variant entre 15 à 20€ le mètre carré. C’est un produit qui fait face à des concurrents tel que la fibre de bois à 10€ le mètre carré ou encore le bloc de béton cellulaire entre 20 et 45€ le mètre carré.

La prochaine étape, pour Bâtilin, sera d’être en mesure de réaliser un bloc porteur, capable d’assurer les fonctions connues d’un parpaing traditionnel en y ajoutant une résistance thermique apportée par les anas de lin.

Dans une maison, le lin peut être présent du sol au plafond. © CELC

Les super pouvoirs du lin

Cultivé sans engrais, le lin permet non seulement une bonne isolation thermique mais aussi une isolation phonique. D’un point de vue technique, en termes d’hygrométrie, les fibres sont capables d’absorber une masse d’eau identique à leur masse d’origine, et ce, sans se détériorer. «D’ordre général, la gestion de l’humidité se fait mieux avec les matériaux biosourcés», remarque Brice Roussel. Le lin, par ses caractéristiques robustes et légères, permet une stabilité dans le temps et ne crée donc pas d’affaissement. Certes, les fibres de lin sont inflammables et nécessitent un traitement ignifuge au préalable, mais elles n’émettent pas de composés organiques volatils (COV). «En plus d’être extrêmement vertueux, le lin, tout comme le chanvre, ne pollue pas nos intérieurs», sourit Brice Roussel. De la même manière, les matériaux en lin peuvent éviter l’utilisation de substances abrasives et potentiellement dangereuses pour la santé, que l’on peut trouver dans d’autres isolants.