A l'approche de Noël
Le jouet, résilient face à la crise
Les professionnels du jouet s’attendent à un Noël heureux. En fait, ce marché, le premier au niveau européen, ne cesse de croître depuis une vingtaine d’années, sans que les crises n’entravent sa dynamique. Mais les goûts et les habitudes des consommateurs évoluent.
L’amour
parental et grand-parental, piliers
économiques à toute épreuve ? La crise n’impacte pas
les ventes de jouets et les professionnels du secteur attendent avec
confiance la saison de Noël qui représente jusqu’à la moitié de
leur chiffre d’affaires. Telle est la bonne nouvelle dispensée par
la FJP, Fédération française des industries jouet-puériculture,
qui réunit 80 entreprises du secteur et la FCJPE, Fédération des
commerces spécialisés des jouets et des produits de l’Enfant,
laquelle fédère 2 000 magasins. Les deux tenaient conférence de
presse commune sur leur marché, le 5 octobre dernier, à Paris.
D’après une étude de NPD group présentée à cette occasion,
plus des trois quarts des Français déclarent avoir perdu du pouvoir
d’achat, mais 26% d’entre eux seulement ont diminué leurs
achats en jouets.
Le plus grand marché des jouets en Europe
Porté par la fidélité de sa clientèle, le secteur se porte plutôt bien. Sur les trois premiers trimestres de cette année, son chiffre d’affaires s’élève à 1,5 milliard d’euros. Bien qu’il ait reculé de 0,8% par rapport à la même période de l’année précédente, ce niveau est «plutôt bon», commente Frédérique Tutt, experte du marché du jouet chez NPD group. En effet, «cela représente une consolidation du marché. Par rapport à 2019, le taux de croissance s’élève à 5%. Et sur le long terme, ce marché est très résilient», poursuit l’analyste. Quels que soient les aléas, depuis 1994, où il pesait environ 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires, le marché n’a pas cessé d’augmenter, y compris en 2009, quand le PIB baissait…
Cette tendance fait aujourd’hui de la France le
plus grand marché des jouets au niveau européen et le deuxième au
niveau mondial. Lequel a connu une croissance de 2% en 2021.
«Elle
vient de l’immense marché américain, où la croissance a atteint
un taux de 3%. Celle-ci est liée à la politique de stimulus
du gouvernement qui a distribué de l’argent aux ménages»,
analyse Frédérique Tutt. En Europe, le marché espagnol affiche un
taux de croissance de 7%, lié à un rattrapage après la
pandémie, mais ceux anglais et allemand ont respectivement baissé
de 4 et 5%.
Autre
constat de l’étude, en France, les dépenses de jouets résistent…
à l’inflation qui les touche : en août, elle s’élevait
à 6% dans ce secteur, trois points de moins que les biens de
grande consommation. «Le
chiffre est modéré, il résulte d’un effort très clair des
fabricants et des distributeurs»,
estime Frédérique Tutt. Ces derniers doivent absorber le
choc. «Nous
essayons d’optimiser nos achats, nos coûts fixes, et nous avons
nettement revu à la baisse nos objectifs de marge»,
explique Florent Leroux, président de la FJP pour les fabricants.
Les distributeurs partagent cette «situation
inconfortable»,
note Philippe Gueydon, président de la FCJPE : «L’évolution
des charges va comprimer les résultats».
Les ventes sur Internet ont reculé
Au delà de la stabilité de ses acheteurs, le secteur du jouet est marqué par plusieurs évolutions de plus ou moins long terme. Concernant les modes de distribution, durant la pandémie, il avait vu ses consommateurs migrer vers l’Internet. Mais en 2022, la tendance s’est inversée, révèle l’étude NPD group. Les ventes sur Internet ont reculé de 14% et celles dans les magasins physiques ont augmenté de 4%. Ces dernières continuent de représenter près des trois quarts des ventes. «Les consommateurs veulent faire leur choix en magasin, avec leurs enfants. De plus, ils recherchent du conseil», analyse Frédérique Tutt.
De fait, le chiffre d’affaires des magasins
spécialisés a augmenté de 5% depuis le début de
l’année. Pourtant, ces professionnels ont subi une sévère
restructuration : on ne compte aujourd’hui plus que 854
magasins, contre 917 deux ans plus tôt. Toutefois, la profitabilité
est revenue : à magasins constants, le chiffre d’affaires a
progressé de 9% par rapport à 2019.
Autre évolution du marché, celle de la demande de produits, fruit du renouvellement de l’offre et de changements sociétaux, sur fond de vagues démographiques qui déterminent la taille des niches de marché. Résultat, les produits les plus vendus sont les jouets à licences, portés par une actualité cinématographique. Ils affichent un taux de croissance de 3% ( en août) et concentrent près du quart du marché. «Pokemon est la marque numéro un. A la rentrée des classes, il domine le paysage», illustre Frédérique Tutt. Suivent Pat’Patrouille, Barbie, l’univers Marvel, Harry Potter. Autres produits qui connaissent un grand succès : les figurines, les véhicules, les constructions (Lego) … Entre juillet 2021 et 2022, leurs ventes ont cru de 9% et représentent plus du quart du marché. Leur spécificité ? Ils s’adressent aux «Kidultes» : c’est ainsi que les spécialistes du marketing du secteur désignent la cible des adultes qui s’amusent à jouer… «La tendance s’est inversée», commente Frédérique Tutt.
Ces dernières années, ces professionnels observaient plutôt le phénomène des KGO (kids getting older), ces enfants qui délaissaient les jeux classiquement adressés à leur âge très tôt, leur préférant jeux vidéos ou maquillage… Autant de tendances sociétales qui se croisent avec celle de la natalité. Laquelle va dans le sens d’un rétrécissement quantitatif du segment des enfants de 0 à 11 ans. A contrario, la génération des 12 à 17 ans constitue une forte opportunité de croissance : sa population augmente.