Le football professionnel marque des buts pour le territoire

Invité du Cercle Côte d'Opale synergie le 10 décembre à Boulogne-sur-Mer, Jacques Wattez, président de la SASP USBCO depuis 20 ans, a détaillé les retombées économiques, sociales et médiatiques du football professionnel.

Si Lens a rénové Bollaert, Lille et Lens ont investi dans de nouveaux stades. De quoi booster l'activité du BTP.
Si Lens a rénové Bollaert, Lille et Lens ont investi dans de nouveaux stades. De quoi booster l'activité du BTP.
D.R.

Président de l'USBCO depuis 20 ans, Jacques Wattez a insisté sur le rôle économique, social et médiatique du foot spectacle.

Un chef d’entreprise m’a dit : quand l’USBCO gagne, ma société gagne en productivité“, raconte Jacques Wattez pour souligner les retombées quelquefois inattendues du football dans la vie économique d’une agglomération. Fondé en 1898, le club phare de la Côte d’Opale a connu son heure de gloire avec son accession en Ligue 1 en 2009, avant de rétrograder dans la hiérarchie nationale. “Quasiment tout notre chiffre d’affaires, explique-t-il, est réinjecté dans l’économie locale. Cela a représenté 23 M€ lors de notre saison en Ligue 1, puis 12 M€ l’an dernier en Ligue 2, et encore 4,7 M€ cette année en National. Un jour de match en Ligue 1, c’était au total 150 personnes que nous employions directement. Et on dépensait 20 000 € pour la sécurité, 15 000 € en frais de traiteur pour nos partenaires. Les retombées économiques et sociales sont immédiates. Sans parler de la couverture médiatique qui contribue à la notoriété de la ville.” À côté de l’équipe pro, 20 éducateurs, administratifs ou kinés s’occupent de quelque 300 jeunes.

 

Un baromètre national. En France, malgré la crise, la filière football et ses 40 clubs professionnels de Ligue 1 et de Ligue 2 continuent de représenter près de 25 000 emplois directs et indirects et un chiffre d’affaires de 5 milliards d’euros. Soit, à titre de comparaison, légèrement plus que la production cinématographie ou que la filière photovoltaïque. Ces chiffres sont révélés dans le 2e Baromètre “Foot pro” réalisé par Ernst & Young entre avril et octobre 2012 à l’initiative de l’Union des clubs professionnels de football (UCPF). En soutien de l’intervention de Jacques Wattez, Didier Dubois, directeur du développement d’Ernst & Young région Nord, en a livré la synthèse à l’auditoire. “Si les clubs sont en difficulté, affirme-t-il, la filière est en croissance.

D.R.

Pour Didier Dubois (Ernst & Young), debout derrière les élus de l'agglomération boulonnaise, le foot pèse au moins autant en France que l'industrie du cinéma.

Dans un contexte de renégociation des droits audiovisuels, le cabinet d’audit et l’UCPF ont souhaité prendre le pouls des 40 clubs professionnels que compte la France, véritables PME autour desquelles gravitent de nombreux prestataires fortement ancrés dans les bassins économiques des collectivités, mais également des acteurs majeurs de l’équipement sportif, des médias, du BTP, de la grande consommation… Pour saisir les multiples facettes de cette réalité, les équipes de l’UCPF et d’Ernst & Young ont interrogé les clubs et les collectivités locales où ils sont implantés, complétant leur analyse d’entretiens avec des experts, acteurs et observateurs du foot professionnel.

 

Des retombées essentiellement locales. Ce Baromètre livre des chiffres parfois étonnants. Ainsi, on apprend que, pour chaque professionnel, environ 23 emplois sont créés dans l’économie locale et nationale : joueurs, personnel d’encadrement sportif et administratif, actions commerciales et marketing, préparation des matchs et des déplacements, partenaires et médias, accueil et sécurité, restauration, entretien des stades et gestion des infrastructures… : 62% de ces emplois sont situés à proximité des clubs, donc non délocalisables. Le football est aussi le moteur de nouvelles activités en forte croissance : jeux vidéo, paris sportifs en ligne… De surcroît, la filière génère 1,3 milliard d’euros de contributions fiscales et sociales, soit une hausse de 16% en deux saisons. Et la solidarité des clubs pro avec le sport amateur s’élève à 127 M€, soit 10% de leur chiffre d’affaires. Ce lien privilégié s’est notamment concrétisé en 2010-2011 à travers 700 opérations impliquant des joueurs professionnels ou des membres du staff technique, représentant quelque 4 300 heures d’activités. Au-delà des chiffres d’affaires et des emplois, d’autres impacts ne doivent pas être occultés, tels que les effets du club de football sur le climat social (jugés positifs par 80% des élus concernés) ou la vie associative (71%).

 

Un moteur pour le BTP. Le Nord-Pas-de-Calais en est l’exemple : la construction ou la rénovation de stades et d’infrastructures (centres de formation) induit également une activité de BTP, multipliée par cinq depuis la saison 2008-2009. “Celle-ci, liée au foot pro, passe de 34 M€ sur la saison 2008-2009 à 176 M€ pour la saison 2010-2011, soit plus du quart du chiffre d’affaires de la filière dans les collectivités territoriales, affirme l’étude. Elle crée en outre 1 352 emplois sur la saison 2010-2011.” Ces nouveaux stades sont souvent pensés comme point de départ de la revitalisation d’un quartier, voire de morceaux de territoire entiers. À cet égard, 57% des dirigeants de collectivités attribuent aux clubs un rôle déterminant dans l’aménagement du territoire. Les stades sont des équipements complets qui servent à la programmation d’autres activités (autres sports, spectacles, événements d’affaires).

D.R.

Les stades "nouvelle génération" : de quoi booster l'activité du BTP.

 

L’impact médiatique. De plus, 97% des dirigeants de collectivités territoriales soulignent que le club de football démultiplie la notoriété de leur ville et améliore son image. Près des deux tiers estiment que les clubs jouent également un rôle dans leur rayonnement à l’international. Au-delà de l’effet sur l’image, le rôle s’incarne dans l’économie réelle, jouant sur la prospérité économique de la ville : cet impact est jugé positif par 60% des municipalités qui soulignent également le rôle joué dans la constitution de réseaux d’entreprises autour du club (71%).

Et pourtant, tout cela n’est rien si l’on replace ces chiffres dans le contexte européen. Les premières divisions allemande (Bundesliga), anglaise et espagnole affichent toutes trois un chiffre d’affaires en progression (respectivement de 11%, 8% et 14%), alors que la Ligue 1 s’est contractée entre les saisons 2008-2009 et 2010-2011. “On observe sur les cinq grands championnats européens, conclut l’étude, une corrélation entre le poids économique des clubs et leurs résultats sportifs.” “Un match d’Arsenal à l’Emirate Stadium de Londres, précise Jacques Wattez, génère à lui seul autant qu’une saison du RC Lens“. Le football vit vraiment sur plusieurs planètes.

 

La “balance des paiements” des clubs

L’environnement local, affirme le 2e Baromètre “Foot pro” d’Ernst & Young, continue de bénéficier avec le football professionnel d’un retour sur investissement considérable : pour 1 euro de subvention, ce sont 22 euros générés dans l’économie locale par le foot. Cependant, entre 2008-2009 et 2010-2011, les subventions publiques aux clubs sont passées de plus de 37 M€ à 29,5 M€, soit une baisse de 20%, ce qui va dans le sens de la baisse générale de l’investissement public dans un contexte de crise économique“.