Le financement participatif, une solution anti-crise ?
Nouveau mode de financement de projets via Internet, le financement participatif ou crowdfunding nécessite de nouvelle
«Toi + moi, + tous ceux qui le veulent…», le premier tube du chanteur Grégoire, financé par les internautes, résonne comme un hymne au financement participatif de projets. Dans cette période où la trésorerie de nos entreprises se tend, la «finance participative» apparaît comme une bouffée d’oxygène, plaçant du même coup l’entreprise dans une image moderne, novatrice et ambitieuse. Le «crowdfunding» permet de financer des projets via Internet : l’entreprise présente directement, grâce aux réseaux sociaux spécialisés en la matière, son projet à des participants qui, en fonction de l’intérêt qu’ils portent à ce dernier, apportent leur contribution financière. Selon la nature du projet, les rémunérations de ces participations peuvent être effectuées par un remboursement avec intérêt ou par une rétribution en nature de produits liés au projet (bon d’achat, invitation à des événements…). A l’origine tourné vers des activités de création artistique, d’high-tech ou d’ecommerce, le financement participatif intéresse désormais la plupart des secteurs d’activité. Aux Etats-Unis, il a permis de lever, en 2011, près de 1,15 milliard d’euros. En France, le secteur n’en est qu’à ses débuts. Depuis 2010, plus de 6 millions d’euros ont permis de financer près de 15 000 projets. Dans la région, le Racing Club de Lens, par exemple, n’a pas hésité, dans ses opérations de rééquilibrage des comptes, à faire appel aux internautes en leur offrant la possibilité d’indiquer les messages de leur choix sur les maillots des joueurs ! Le mécanisme bouscule les outils traditionnels de la finance. Généralement orientée vers le particulier, la finance participative se fonde sur une logique singulière : l’entreprise (généralement une TPE ou une PME) va fédérer, autour de son projet, une communauté d’épargnants impliqués qui ne sont pas uniquement motivés par un gain en numéraire potentiel ou garanti, mais par l’éthique du projet. Ce type de financement génère, par ailleurs, une opération indirecte de marketing visant à améliorer l’image de la société concernée. Ce nouveau mode d’investissement requiert de nouvelles solutions juridiques.
Comment qualifier l’opération ?
Pour éviter que l’opération soit soumise au formalisme applicable à l’«offre au public» et nécessite la publication d’un prospectus, elle doit être qualifiée de «placement privé». En la matière, l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) considère notamment que le cercle des investisseurs doit être inférieur à 150 membres. Or, la clé du financement participatif est la multiplication du nombre d’épargnants qui dépasse souvent ce chiffre. L’AMF a eu, par ailleurs, l’occasion de rappeler, cet été, qu’elle était particulièrement attentive aux opérations d’investissement se plaçant sous la qualification de «placement privé». Dans une décision du 6 août 2012, l’Autorité n’a pas hésité à condamner la société Arkéon Finance à une amende de 100 000 euros, notamment parce qu’elle n’avait pas publié les prospectus visés par l’AM.
Quid de l’investisseur ?
Il n’est pas juridiquement qualifiable d’associé puisqu’il ne participe pas au capital social et ne peut intervenir aux assemblées générales. Il n’est pas non plus un investisseur comme les autres puisqu’il ne requiert pas forcément un retour sur investissement. Le développement de cette nouvelle source de financement nécessitera donc une adaptation des législations actuelles. Les Etats-Unis ont déjà procédé à cette refonte. Le 5 avril 2012, le président Barack Obama a promulgué le «JOBS Act» qui assouplit les obligations d’entrée en bourse des sociétés (portant le nombre de contributeurs possible à 2 000), ainsi que les critères de contrôle financier imposés par la loi aux entreprises. En France, l’association «Financement Participatif France» (FPF) plaide pour un nouveau cadre règlementaire visant à favoriser le développement de la finance participative. Nul doute que les pouvoirs publics, en recherche de redynamisation économique, auront une oreille attentive à ces demandes. La finance participative devrait donc être un enjeu important dans les mois à venir : en liant le simple particulier aux entreprises, elle permet la promotion de l’entrepreneuriat, tout en créant du lien social. Une démarche qui ne peut être accueillie qu’avec optimisme.