Le discours de politique générale, exercice parfois périlleux

La déclaration de politique générale, exercice qui attend Michel Barnier mardi devant l'Assemblée nationale, permet au Premier ministre de présenter son programme et d'affirmer son style, non...

Le Premier Ministre Pierre Mauroy fait sa déclaration de politique générale devant l'Assemblée Nationale, le 08 Juillet 1981 à Paris © Georges GOBET
Le Premier Ministre Pierre Mauroy fait sa déclaration de politique générale devant l'Assemblée Nationale, le 08 Juillet 1981 à Paris © Georges GOBET

La déclaration de politique générale, exercice qui attend Michel Barnier mardi devant l'Assemblée nationale, permet au Premier ministre de présenter son programme et d'affirmer son style, non sans risque tant l'exercice est attendu.

Le brio de certains fut parfois souligné, tel Jacques Chaban-Delmas imaginant en 1969 une "nouvelle société", ou Michel Rocard se référant en 1988 à Martin Luther King avec "le rêve d'un pays où l'on se parle à nouveau".

Privé de majorité absolue, et dans un contexte inédit de "multicohabitation" selon les termes du président du Conseil constitutionnel Laurent Fabius, Michel Barnier ne demandera probablement pas mardi de vote de confiance après son discours. 

Si un tel vote a eu lieu pour la plupart des gouvernements de la Ve République, il n'est pas obligatoire selon la Constitution. Face à une majorité parlementaire fragile, Elisabeth Borne (2022) et Gabriel Attal (2024) s'en sont dispensés, comme trois gouvernements au tournant des années 1990.

Rappel de quelques déclarations de politique générale marquantes:

- 1981: Pierre Mauroy, premier Premier ministre socialiste, convoque Jaurès et Blum pour annoncer avec emphase "le changement" et la promesse que la France "combattra pour un nouvel ordre mondial".

- 1986: Jacques Chirac, qui inaugure la première cohabitation, cite Beaumarchais: "La difficulté de réussir ne fait qu'ajouter à la nécessité d'entreprendre".

- 1988: Michel Rocard, lyrique, entend insuffler un "nouvel espoir" et détaille ses "rêves", jusqu'à réparer "boîtes aux lettres cassées" et "ascenseurs en panne". 

- 1991: Edith Cresson, première femme à Matignon, truffe son discours d'"audace" et de "volontarisme", mais sa déclaration est jugée abstraite et sa voix fluette. Elle est bruyamment chahutée. "J'ai fait un discours convenu", dira-t-elle plus tard, "ce que je voulais dire, j'avais la certitude que ce serait critiqué".

- 1992: Pierre Bérégovoy, dénonçant le fléau de la corruption, brandit une feuille et menace : "J'ai ici une liste de personnalités dont je pourrais éventuellement vous parler...", provoquant tollé à droite et interruption de séance.

- 2002: Jean-Pierre Raffarin lance une nouvelle étape de la décentralisation, mais cède à une "raffarinade": "Notre route est droite, mais la pente est forte".

- 2012: Jean-Marc Ayrault, trop long (1H30), doit s'interrompre quand un député est victime d'un malaise. Il annonce le droit de vote des étrangers aux municipales, jamais mis en oeuvre, et le droit au mariage homosexuel.

- 2017 : Edouard Philippe reçoit, pour le premier gouvernement de la présidence d'Emmanuel Macron, le nombre de votes contre le plus faible depuis 1959. Mais aussi une abstention record.

- 2022: Elisabeth Borne appelle les députés aux "compromis" futurs et promet "une concertation dense" et "le plus en amont possible".

- 2024: Gabriel Attal ambitionne de "désmicardiser la France" et promet "un choc d'offre" pour "déverrouiller" le secteur du logement en crise. Il termine en faisant référence à son homosexualité, y voyant la preuve que "les mentalités évoluent" dans le pays.  

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