Le déficit public examiné en Conseil des ministres, les prévisions du gouvernement peu crédibles selon le HCFP

Le chemin s'annonce ardu: le gouvernement a présenté mercredi en Conseil des ministres son programme de Stabilité contenant ses prévisions de réduction du déficit d'ici à 2027, trajectoire qui manquerait de "crédibilité" et de "cohérence", selon...

Le ministre de l'Economie et des Finances Bruno Le Maire (D) et le ministre délégué aux Comptes publics Thomas Cazenave (G) quittent l'Elysée à Paris, le 21 février 2024 © Ludovic MARIN
Le ministre de l'Economie et des Finances Bruno Le Maire (D) et le ministre délégué aux Comptes publics Thomas Cazenave (G) quittent l'Elysée à Paris, le 21 février 2024 © Ludovic MARIN

Le chemin s'annonce ardu: le gouvernement a présenté mercredi en Conseil des ministres son programme de Stabilité contenant ses prévisions de réduction du déficit d'ici à 2027, trajectoire qui manquerait de "crédibilité" et de "cohérence", selon le Haut Conseil des finances publiques (HCFP). 

Le "PSTAB", comme le surnomment les spécialistes, définit à l'intention de Bruxelles la manière dont la France compte revenir sous 3% de PIB de déficit public en 2027, sous peine de sanctions financières, malgré un violent dérapage à 5,5% (au lieu de 4,9% anticipés) en 2023.

Il prévoit un redressement du déficit à 5,1% en 2024, 4,1% en 2025, 3,6% en 2026 et finalement 2,9% en 2027. 

"Nous gardons la boussole qui guide notre action", revenir sous 3%, a déclaré le ministre des Comptes publics Thomas Cazenave dans l'après-midi devant la commission des finances de l'Assemblée nationale.

L'effort budgétaire, qui représente 20 milliards d'euros d'économies supplémentaires en 2024 puis encore 20 milliards en 2025, "sera réparti entre les administrations publiques centrales, la Sécurité sociale, les collectivités territoriales et les opérateurs de l’État", précise le PSTAB. 

Repasser le déficit sous 3% du PIB d'ici 2027 constitue un objectif "réaliste et ambitieux", estime l'exécutif dans le PSTAB. Ce n'est ni l'avis du FMI, qui anticipe encore 4,3% de déficit pour la France en 2027, ni celui du HCFP, qui estime que le PSTAB manque de "crédibilité" et de "cohérence".

Croissance "surévaluée

Si la "pente" de réduction du déficit "était déjà escarpée" avant le dérapage de 2023, "elle est désormais beaucoup plus raide, presque abrupte", a mis en garde mercredi après-midi Pierre Moscovici, président du HCFP, devant la commission des Finances. 

Un tel ajustement structurel n'a "jamais été réalisé par le passé", et "sa réalisation suppose la mise en place d'une gouvernance rigoureuse, associant l'ensemble des acteurs concernés, qui n'est pas réunie aujourd'hui", affirme le HCFP. 

"Cette prévision manque également de cohérence", prévient l'institution, car "la mise en œuvre de l'ajustement structurel prévu pèsera nécessairement (...) sur l'activité économique", si bien que "les prévisions de croissance élevées du gouvernement" apparaissent "peu cohérentes avec l'ampleur de cet ajustement".

Dans le PSTAB, le gouvernement confirme prévoir 1,0% de croissance en 2024, portée par "la consommation des ménages" et "le commerce extérieur", "notamment dans l'aéronautique", puis 1,4% en 2025, 1,7% en 2026 et 1,8% en 2027. Une trajectoire "surévaluée" selon le HCFP.

"Si nous souhaitons rétablir des finances publiques saines, il faut un discours de vérité", a martelé M. Moscovici devant les députés. 

Par ailleurs, le président de la Cour des comptes a estimé que la réduction du déficit n'était pas compatible avec les promesses gouvernementales de baisses d'impôts, notamment à destination des classes moyennes en 2025. "Nous n'avons pas les moyens faire des baisses d'impôts sèches", a-t-il affirmé, sans qu'elles soient "compensées par des économies supplémentaires". 

Politiquement intenable

M. Cazenave a défendu le PSTAB devant les députés, et notamment une trajectoire de "croissance préservée", alors que les indicateurs économiques semblent virer au vert.

Le ministre a expliqué également, notamment au président LFI de la Commission des Finances Eric Coquerel, qu'il n'était pas nécessaire de passer le deuxième train de 10 milliards d'économies à réaliser cette année par un projet de loi de finances rectificative (PLFR) réclamé par l'opposition.

Un premier décret avait déjà annulé dix milliards de dépenses en février, le maximum possible sans passer par la loi.

Selon M. Cazenave, les 5 milliards concernant l’État que contient le nouveau plan seront pris sur des crédits déjà mis en réserve, constituant un simple "pilotage de la dépense" ne nécessitant pas de loi, ce que M. Coquerel a jugé "politiquement intenable".

Il est notoire désormais que le ministre des Finances Bruno Le Maire — absent de Paris mercredi car en déplacement à Washington — souhaitait un PLFR dans les prochaines semaines, mais pas le président de la République Emmanuel Macron pour qui tous ces débats sur le déficit sont anxiogènes à deux mois des élections européennes.

Bruno Le Maire et Thomas Cazenave débattront à nouveau du PSTAB le 29 avril à l'Assemblée nationale et le 30 au Sénat, quelques jours après les décisions très attendue des agences de notation Fitch et Moody's concernant la note souveraine de la France, prévues le 26 avril.

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