Le Conseil supérieur du notariat demande un moratoire sur les nouvelles installations

Si les avancées sont réelles dans plusieurs domaines, l’application des dispositions de la loi Macron visant les notaires a également eu des effets négatifs, constate le Conseil supérieur du notariat, qui demande au gouvernement de prendre un certain nombre de mesures pour améliorer la situation.

Selon Jean-François Humbert, président du Conseil supérieur du notariat, cette réforme «a malmené» l’ancrage territorial de la profession : «les offices se déplacent vers les préfectures et les sous-préfectures», abandonnant peu à peu les localités de plus petite taille. © Tim Fox
Selon Jean-François Humbert, président du Conseil supérieur du notariat, cette réforme «a malmené» l’ancrage territorial de la profession : «les offices se déplacent vers les préfectures et les sous-préfectures», abandonnant peu à peu les localités de plus petite taille. © Tim Fox

C’est «un bilan globalement positif, parce qu’il y a incontestablement des avancées», a déclaré le président du Conseil supérieur du notariat (CSN), Jean-François Humbert, le 16 septembre dernier, lors de la présentation à la presse d’un rapport sur le bilan de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (dite loi Macron).
Cinq ans après son adoption, ce texte «qui a chahuté le notariat» a bien donné lieu à un certain nombre d’avancées pour la profession, a reconnu son représentant : une féminisation «qui était déjà en marche» et «qui s’est accélérée», un rajeunissement de l’âge moyen des notaires «de deux ans, en l’espace de trois années», et des créations de nouvelles études, dont des sociétés multi-offices qui «contribuent à la diversité de l’offre».
Cette réforme a également introduit «davantage de concurrence entre les notaires, et de la concurrence par la qualité», a-t-il ajouté. Et elle les a poussés à accorder «davantage d’attention à la relation client, alors que les notaires étaient surtout concentrés sur la qualité de l’acte». Elle a aussi été bénéfique en ce qu’elle a insufflé un «esprit d’ouverture» dans les différentes instances de la profession, aussi bien au niveau national que régional.

Une précipitation qui a eu des effets délétères

Mais au-delà de ces aspects positifs, la réforme a eu des effets directs ou indirects très négatifs pour la profession qui, en l’espace de cinq ans, a enregistré une augmentation du nombre des notaires libéraux et salariés de 50% et a vu le nombre des offices croître de 36%. «La question n’est pas le nombre, mais la réussite des offices», a pointé Jean-François Humbert. Or, du fait «de la rapidité extrême» qui a présidé à ces nouvelles installations, «10% des offices créés se portent très bien, un quart sont en phase de développement, et un tiers ne décollent pas». Au total, sur les 2 100 offices créés, «300 ont dû fermer et 700 sont en difficulté», a-t-il précisé.
Autre préoccupation : «l’apparition d’offices de toute petite taille, sans salariés», ce qui «ne nous semble pas souhaitable» car «l’exercice seul est extrêmement difficile». Enfin, cette réforme «a malmené» l’ancrage territorial de la profession : «les offices se déplacent vers les préfectures et les sous-préfectures», abandonnant peu à peu les localités de plus petite taille.

Des demandes concrètes pour améliorer l’application de la loi

C’est sur la base de ce constat que le CSN adresse aujourd’hui au gouvernement plusieurs demandes d’amélioration «qui ne concernent pas la loi elle-même mais son application» : «nous souhaitons une application raisonnée et raisonnable», a expliqué le président de l’institution.
Une première demande vise à mettre fin au système de tirage au sort afin que les nouveaux offices soient attribués par la voie d’un concours – c’est-à-dire, au mérite, plutôt qu’au hasard. Autres requêtes : allonger la périodicité de révision de la carte d’installation et des tarifs de deux à cinq ans, «comme le prévoit la loi», a-t-il rappelé ; faire du «bassin de vie» la référence principale de la carte d’installation (plutôt que le «bassin d’emploi», comme c’est le cas actuellement) car «cela permettrait d’affiner les besoins» ; interdire aux sociétés existantes l’accès aux créations d’offices «afin que ces dernières soient réservées aux jeunes et non pas à des réseaux multi-offices». Ou encore, donner accès aux données économiques et financières des études aux instances de la profession pour qu’elles puissent «accompagner utilement les notaires» et supprimer ou, à défaut, réserver aux seules personnes physiques, la mesure d’écrêtement des émoluments introduite en 2017 – «une mesure qui porte surtout atteinte aux offices ruraux», a expliqué le président du CSN.
Enfin et surtout, le Conseil supérieur du notariat demande au gouvernement de «ne pas engager une troisième vague de créations avant complète exécution des deux premières, et analyse des résultats obtenus». «Il y aura une troisième carte, mais nous souhaitons qu’elle ne soit pas assortie de nouvelles créations», a précisé Jean-François Humbert, qui doit prochainement rencontrer les services de l’Autorité de la concurrence pour préparer cette nouvelle carte. Des interlocuteurs avec qui il souhaite «qu’un dialogue apaisé puisse être instauré, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui».


Les cartes d’installation des huissiers et des commissaires-priseurs judiciaires en cours de révision

Par un courrier du 22 juillet dernier, le gouvernement a demandé à l’Autorité de la concurrence d’élaborer de nouvelles propositions de cartes d’installation pour les huissiers de justice et les commissaires-priseurs judiciaires, en tenant compte du contexte très particulier lié à la crise sanitaire et de son impact sur l’activité économique des deux professions. Les deux avis ont été publiés peu avant la crise, en décembre 2019, avec deux propositions de cartes d’implantation, assorties de recommandations sur le rythme de création de nouveaux offices.