Le Comité du Détroit : un espace transfrontalier de dialogue et de coopération
Lancé en 2020 à l’initiative du Département du Pas-de-Calais et du Comté du Kent, et avec l’appui de l’ambassade du Royaume-Uni, le Comité du Détroit réunit à ce jour sept territoires jouxtant la Manche et la mer du Nord : les Départements du Nord et du Pas-de-Calais, le Comté du Kent (Royaume-Uni), les provinces de Flandre-Occidentale et Orientale (Belgique), la Zélande et la Hollande-Méridionale (Pays-Bas).
Cette instance de prospective, ouverte aux forces vives et créatives des territoires, constitue un espace transfrontalier de dialogue et de coopération.
Une rencontre a été coorganisée le 6 juillet à Arras par le Comité du Détroit et la Société française des urbanistes (SFU) en lien avec le Conseil européen des urbanistes. L’objectif était de partager et de confronter les pratiques et enjeux d’aménagement à l’échelle transfrontalière. Suivis par une cinquantaine de participants, les travaux de la journée se sont déroulés en plusieurs temps au travers de riches interventions et tables rondes par thématiques.
Compte tenu de la proximité géographique, le retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne présente une importance particulière pour ces territoires. Par ailleurs, les nouvelles relations qu’entretient le Royaume-Uni avec les pays de l’Union européenne invitent à conforter et intensifier les pratiques d’une coopération transfrontalière déjà établie.
Une idée centrale de partenariat
Comme l’explique Mireille Hingrez-Céréda, vice-présidente du conseil départemental du Pas-de-Calais en charge des enjeux maritimes et métropolitains du littoral, de la pêche, des relations européennes et transfrontalières, «le Comité du Détroit, lancé il y a deux ans, traduit la volonté des collectivités locales qui bordent la Manche et la mer du Nord de garder leur destin entre leurs mains malgré les décisions nationales qui risquaient de mener à une rupture avec le Royaume-Uni. Nos territoires doivent faire face à des défis communs et tout l’enjeu du Comité du Détroit est d’y répondre ensemble.»
Les défis communs ressortent en termes de vitalité économique, de lutte et d’adaptation au changement climatique, et d’opportunités pour la jeunesse. Il apparaît que pour répondre à ces enjeux, les membres du Comité ne peuvent pas agir seuls et doivent prendre en compte les acteurs qui font vivre le territoire.
Pour cela, il s’agit de dialoguer et de travailler en réseau. «Ce principe guide l’action du Comité depuis sa création : la conférence de lancement en février 2020 avait permis de rassembler plus de 200 interlocuteurs provenant de toutes les régions du Détroit pour recueillir leurs besoins et leurs ambitions. La crise sanitaire déclenchée immédiatement après n’a pas entamé notre volonté.»
Les partenariats sont à développer dans de nombreuses directions : entre les collectivités locales au travers les relations interinstitutionnelles entretenues, entre acteurs des territoires (associations de jeunesse, chercheurs, parcs régionaux, ports, etc.) pour partager avec le plus d’ouverture possible l’approche collective et transfrontalière, entre citoyens pour partager les cultures et les expériences et promouvoir l’ouverture à l’autre.
Mireille Hingrez-Céréda explique le mode de fonctionnement : «Avec mes collègues représentant les différentes collectivités membres, nous nous rencontrons tous les trois mois pour guider l’action du Comité et impulser le développement de projets communs.»
C’est ce principe qui rassemble des urbanistes et des experts en aménagement du territoire provenant des collectivités membres du Comité dans l’idée affirmée de favoriser le dialogue, entre eux mais également avec les élus et les techniciens des collectivités.
«Ces experts sont porteurs d’un regard clair et sans complaisance sur nos territoires et les défis qui nous y attendent. Ils sont aussi porteurs de solutions d’aménagement et de propositions d’actions concrètes pour les décideurs politiques que nous sommes.»
De nombreux échanges et voies de réflexion
Que ce soit en matière de gestion du littoral et de lutte contre les effets du changement climatique, d’aménagements logistiques qui relient les régions pour en permettre le développement économique, ou encore en matière de nouvelles façons d’habiter le territoire pour faciliter la participation citoyenne, les intervenants ont montré une culture commune et des approches contrastées dans la pratique de leur métier. Ils ont invité à s'interroger sur la manière de répondre aux attentes des citoyens tout en assurant l’avenir des territoires.
La journée a fait apparaître de nombreux sujets transverses et des possibilités de coopération ou de coproduction. On parle de développement durable et projets circulaires, d’assistance commerciale aux PME des territoires, d’innovations, de tourisme et d'agriculture, des ports maritimes, de coopération et échanges dans les formations, des jeunes qui doivent être impliqués dans tous les projets, etc.
Ainsi, Vincent Goodstadt, président d’honneur du Conseil européen des urbanistes, propose de «créer un corridor maritime vert par les ports et les opérateurs des ferries des ports de Douvres, Calais et Dunkerque. Cette proposition répond à nos attentes territoriales pour le transport transmanche face au changement climatique».
Des expériences de coopération réussies
Charles Lambert, administrateur de la SFU, propose de réfléchir à l’assimilation des enjeux du territoire européen à l’échelle du Détroit. «Le Comité va permettre de définir ce qui nous est commun, de concerter les actions à engager, de fixer des échéances visibles à vos actions, en surveiller l’exécution et les effets, les corriger ensemble régulièrement, toutes occasions d’apprendre les uns des autres.»
Il cite deux exemples très positifs qui fonctionnent avec succès en Europe dans l’esprit du Comité et lui donnent raison. Le Comité régional franco-genevois, entre la Suisse et la France, lieu d’échanges, de gouvernance et d’impulsion de projets communs qui pilote depuis 1973 l’organisation du développement métropolitain de Genève. Puis, entre l’Italie, la Suisse et la France, la Conférence transfrontalière de l’espace Mont-Blanc qui se définit comme une structure de concertation politique, notamment pour ce qui concerne la planification territoriale et l’environnement des différentes vallées alpines qu’elle regroupe depuis 1991. Sa réflexion peut être reprise comme conclusion de la journée.
«Le territoire où vivent les gens, est devenu à peu près partout en Europe leur véritable lien réel entre eux et leur nation. Fini les grandes promesses ou les grands principes idéologiques qui leur faisaient tout accepter. Ce ne sont plus les interdictions qui les motivent. Tout ce que nous faisons, administrateurs, élus et urbanistes, doit faire apparaître à chaque citoyen et chaque entrepreneur comment il peut s’y impliquer lui-même pour réussir à être heureux là où il est. La tâche commune qui nous motive tous, élus et urbanistes, en Europe comme en UK : faciliter le bien-être des gens.»