« Le CICE et le Pacte de responsabilité sont une nécessité et non pas un cadeau », Pierre Gattaz

Pierre Gattaz est le président du Medef depuis juillet 2013. Il est président du directoire de l'entreprise d'équipement électronique Radiall. Il était présent à la Garden Party du Medef de la Somme le 18 juin à Amiens. Et a bien voulu répondre aux questions de Picardie la Gazette.

« Le CICE et le Pacte de responsabilité sont une nécessité et non pas un cadeau », Pierre Gattaz

Picardie la Gazette : Alors que la croissance, la consommation des ménages et la production repartent, l’investissement des entreprises ne repart pas malgré les annonces de Manuel Valls en avril. Pourquoi selon vous ?
Pierre Gattaz : Les budgets d’investissement sont en légère progression et les intentions d’investissement sont meilleures, l’investissement ne baisse plus. C’est un signe qu’il faut encourager. En ce sens, la mise en place du sur-amortissement sur les biens industriels est une mesure qui va dans le bon sens. Mais l’investissement c’est aussi une question de confiance. Un investisseur a besoin de lisibilité, de visibilité et de stabilité. Toutes les mesures prises doivent aller dans le même sens, s’inscrire dans une politique économique globale cohérente afin de ne pas fragiliser cette tendance. Ce léger frémissement montre par ailleurs que le CICE et le Pacte de responsabilité sont une nécessité et non pas “un cadeau” aux patrons. L’investissement est une source de croissance qui profite à tout le monde. Maintenant, il faut s’atteler à une réforme du Code du Travail qui décourage l’embauche, car la croissance, qui redémarre, est une croissance sans emploi. P.L.G. : Pensez-vous que les fonds d’investissement pour la croissance et l’innovation Novi sont des outils performants pour relancer l’investissement des PME/ ETI ?
P.G. :
Oui, car ils correspondent aux besoins spécifiques des entreprises de cette taille, à un moment donné. Mais ce n’est pas suffisant, l’investissement c’est le nerf de la guerre. Or, le problème des entreprises françaises c’est le manque de fonds propres. La meilleure façon de favoriser l’investissement de manière durable et pérenne est de rétablir les marges des entreprises qui sont les plus basses d’Europe en raison du poids des prélèvements obligatoires. À cet égard, l’application du Pacte de responsabilité ne doit pas être remise en cause. Le Pacte doit être mené jusqu’à son terme, tel qu’il a été annoncé. Il faut absolument baisser les prélèvements obligatoires, pour les entreprises comme pour les particuliers, et donc les dépenses publiques de fonctionnement au niveau national mais aussi local.

P.L.G. : Pourquoi, selon vous, les investissements de renouvellement sont plus courants que les investissements d’innovation en France ?
P.G. : Pour les raisons que je viens d’indiquer, les entreprises françaises ont plutôt tendance à privilégier les investissements de renouvellement qui sont moins coûteux. Mais cette stratégie ne permet ni d’innover ni de monter en gamme, deux conditions essentielles pour se positionner sur la place internationale et décrocher des marchés. Aujourd’hui, le principal levier de compétitivité, d’innovation et donc de croissance, c’est le numérique. C’est pourquoi le numérique doit bénéficier, comme l’industrie, de la mesure de suramortissement. Les entreprises ne peuvent se permettre de passer à côté de cette 4e révolution industrielle. C’est pour les sensibiliser et les aider à relever ce défi que nous avons organisé récemment au Medef “l’Université du numérique”. Mais l’investissement ne se limite pas aux machines et aux outils. Dans une économie fondée sur la valeur ajoutée, la formation est un investissement capital et elle doit être considérée comme tel. Le numérique, les nouvelles technologies induisent en effet de nouvelles façons de travailler, c’est le Lean management avec des salariés autonomes et responsables. Une réflexion plus large sur la notion d’investissement devient nécessaire et nous demandons que le gouvernement lance cette réflexion urgente.

P.L.G. : Pensez-vous que la Fondation innovations pour les apprentissages lancée par François Rebsamen est un bon outil pour relancer l’apprentissage en France ?
P.G. : Le gouvernement a pris conscience de l’importance de l’apprentissage et c’est une bonne chose. Cela fait des années que le Medef l’alerte sur la fragilité de l’alternance dans notre pays et plus particulièrement de l’apprentissage. L’apprentissage est une magnifique voie d’insertion professionnelle puisque 90% des apprentis trouvent un CDI à l’issue de leur formation. Pourtant le nombre de contrats d’apprentissage ne cesse de baisser alors que le système est plébiscité par les chefs d’entreprise. Il faut mettre fin à cette situation ubuesque en replaçant l’entreprise au cœur du dis- positif. L’entreprise doit être co-décisionnaire du contenu des formations et avoir la maitrise du financement de l’apprentissage. Il faut également adapter la carte de la formation à ses besoins. Enfin, il faut revaloriser les métiers techniques et l’apprentissage auprès des élèves en les informant précisément sur les débouchés de chaque filière.

P.L.G : L’article 2 de la loi NOTRe définit l’étendue de la compétence des régions en matière économique. Que pensez-vous de donner un pouvoir d’orientation économique aux régions ?
P.G. : Simplification, stabilité fiscale et lisibilité de notre organisation administrative territoriale, ces trois principes doivent guider la mise en application de cette réforme. Le pilotage par les régions de la politique économique territoriale qui permettra la mise en place d’une politique économique plus lisible et plus cohérente nous paraît aller dans le bon sens. Nous sommes également favorables à la suppression de la clause de compétence générale qui doit s’accompagner de la suppression des compétences redondantes et concurrentes et devrait permettre de réaliser une économie significative. Enfin, nous demandons la tenue d’une conférence fiscale au niveau de la région avec les collectivités territoriales en lien avec la politique nationale. La baisse de la dotation de l’État aux collectivités locales, dans le cadre de la réduction de la dépense publique, ne doit pas en effet être compensée par une augmentation de la fiscalité locale. Dans le même temps, il faut que les collectivités locales réduisent leurs dépenses de fonctionnement, mais pas d’investissement. Dans une entreprise, quand on est en crise, on essaie de ne pas toucher aux investissements qui préparent l’avenir. Les collectivités doivent faire la même chose.

Alexandre BARLOT