Le chômage des dirigeants s’accélère

Les pertes d’emplois des dirigeants en France retrouvent les niveaux records atteints il y a une décennie. Le chômage touche particulièrement ceux à la tête de petites entreprises, mais aussi de PME. Le secteur de la construction, en difficulté, concentre plus d’un quart de ces pertes d’activité.

(c)Simon Coste
(c)Simon Coste

La remontée des défaillances d’entreprises inquiète et la tendance devrait se poursuivre. Déjà, au cours des six premiers mois de cette année 2024, près de 30 000 dirigeants (29 956) ont dû se résoudre à mettre la clé sous la porte, après la liquidation de leur entreprise, se retrouvant ainsi au chômage, soit une hausse de 18,4% par rapport à l’année précédente. Ce constat ressort des données de l’Observatoire de l’emploi des entrepreneurs de l’association GSC (garantie sociale des chefs d’entreprise) et du cabinet Altares (information sur les entreprises), paru fin août dernier.

Cette situation affecte principalement les entrepreneurs en milieu de carrière. L’âge moyen des chefs d’entreprise pénalisés se situe à 45,8 ans, selon l’étude. Les plus de 51 ans, pour lesquels le rebond s’avère plus difficile, représentent près d’un tiers des suppressions d’emploi de dirigeants. Les 40-50 ans sont les plus touchés, soit 8 146 personnes, tandis que les jeunes de moins de 26 ans sont relativement épargnés (704).

Petites entités, mais aussi PME

Les dirigeants de petites structures (moins de 5 salariés) restent les premières victimes, neuf d’entre eux sur 10 ayant cessé leur d’activité. La vulnérabilité particulière des petites entités face aux défis économiques actuels est confirmée : plus des trois quarts (76,5%) des entrepreneurs ayant sombré étaient à la tête de structures dont le chiffre d’affaires ne dépasse pas les 500 000 euros. Le nombre de chefs d’entreprises de 6 à 9 salariés impactés croît de façon inquiétante, à + 40,2 % ( 1661). Et la sinistralité rattrape les PME de taille intermédiaire (de 10 à 19 salariés). Ces entreprises « sont fragilisées par la conjoncture et ne sont pas assez solides financièrement pour faire face aux aléas », pointe l’étude (remboursement de la dette Covid, inflation, difficultés à remporter des marchés publics et à financer leur développement) : les suppressions de postes de leur dirigeants ont progressé de 31,1%, ce premier semestre par rapport à la même période de 2023.

En termes de statut juridique, les gérants de SAS et de SARL concentrent une grande partie des pertes d’activité avec respectivement 13 234 (+45,8%) et 12 273 (+11,1%) entrepreneurs affectés. Les artisans-commerçants, déjà affaiblis par l’inflation en 2023, connaissent également une hausse significative du chômage, avec 2 668 chefs d’entreprise concernés, en hausse de 22,6% sur un an.

La construction en berne

Par secteurs, celui de la construction, durement touché par la crise du logement, accuse une hausse de 34,2% des départs forcés chez les chefs d’entreprise, totalisant 7 669 personnes. Plus d’un quart de ces départs concerne les professionnels de la maçonnerie générale et du gros œuvre, souligne l’étude. Ceux à la tête d’agences immobilières (+ 66,4 %), et les constructeurs de maisons individuelles (+ 40,7 %) se trouvent aussi fortement pénalisés. Le commerce, malgré quelques signes positifs, continue de souffrir : 6 456 entrepreneurs ont baissé le rideau, soit de 15% de plus sur un an. Le transport et la logistique connaissent une détérioration marquée avec une hausse de 30,5% des cessations d’activité. Les services aux entreprises ne sont pas en reste, avec 3 716 chefs d’entreprises en situation de chômage, soit une hausse de 18,2%.

La région parisienne en première ligne

En régions, compte tenu de son poids économique, l’Ile-de-France concentre encore à elle seule près du quart des destructions d’emplois de dirigeants au niveau national, avec 7 215 patrons concernés ces six premiers mois de 2024 (+32% sur un an). En nombre d’entrepreneurs impactés suit l’Auvergne-Rhône-Alpes (3 454, +19%). La Normandie, quant à elle, enregistre une hausse plus marquée (+24,7%) avec 1 155 dirigeants se retrouvant sans emploi, contre +18,3% dans le Grand Est et +16,7% en Provence-Alpes-Côte d’Azur. En revanche, la Nouvelle-Aquitaine et les Hauts-de-France affichent une évolution plus modérée (+9,5% et +6,6 %, respectivement.).

« Aucun territoire n’échappe à cette tendance et les acteurs de petite et moyenne taille restent vulnérables, sans espoir d’amélioration significative d’ici la fin de l’année », prévient Anthony Streicher, Président de l’association GSC.

A.B et B.L