Entretien avec Laurent Depoorter, président de la CPME Nord
«Le BTP subit trop de contraintes administratives»
Baisse du volume du coût du crédit, augmentation des coûts de construction, rareté du foncier... Le secteur du BTP continue de souffrir et les chefs d'entreprise anticipent des baisses d'activité pour 2024. Laurent Depoorter, président de la CPME Nord, tire la sonnette d'alarme sur un secteur qui croule sous les contraintes administratives.
Difficile d'entrevoir une embellie en
2024 alors que les mises en chantier devraient encore continuer de
chuter cette année : si le secteur du bâtiment a été dynamique en
2023 (+8,1% de son chiffre d'affaires), les
entreprises de travaux publics ont enregistré une plus faible
progression des volumes de vente (1%) et la production dans le gros
œuvre affiche une baisse proche des 2%.
Après
de belles performances en 2023 puisque les entreprises ont pu vivre sur
leurs carnets de commande, le secteur peine à faire passer les
hausses de coûts et à maintenir sa rentabilité. Les
indicateurs ne sont pas au beau fixe : depuis le second semestre
2023, les entreprises font face à la crise du logement neuf, même
si les effets ne s'en font pas encore totalement ressentir. On
observe également un recul de 4 points des investissements pour les
artisans du BTP.
Accélération
de la crise
Des chiffres qui inquiètent forcément
Laurent Depoorter, président de la CPME (Confédération des Petites
et Moyennes Entreprises) Nord : «La
crise s'est accélérée depuis quelques mois avec une baisse de la
demande immobilière. Il y a de moins en moins de projets en
construction : les entreprises ont des difficultés à investir et
les particuliers attendent que les taux baissent. De son côté, la
promotion immobilière subit des contraintes administratives majeures
qui ne lui permettent pas d'avancer».
Et de citer notamment les nombreux recours auxquels peuvent être
confrontés les acteurs du BTP et qui peuvent tout simplement mener à
l'arrêt du chantier.
Un
combat contre «les
aberrations administratives»
que le président mène de front avec son partenaire de longue date,
la FFB Hauts-de-France : «Nous
travaillons depuis quelques années déjà avec les services de la
Préfecture pour fluidifier les échanges entre les entreprises et
l'administration. Nous avons une oreille très attentive ; il s'agit
de faire comprendre que des projets ne peuvent pas être refusés
sans dialogue avec les entrepreneurs».
Vigilance
mais de l'optimisme malgré tout
Car
si la production de logements supplémentaires est aujourd'hui une
nécessité absolue, les entrepreneurs doivent construire en faisant
face aux difficultés qui s'accumulent. «Nous
avons remonté l'information au Gouvernement, reste maintenant à agir rapidement. Certes, il y a des aides pour répondre à
la crise du logement mais la crise de l'offre doit être gérée par
les entreprises»
prône Laurent Depoorter qui craint d'être touché par une crise du
logement «de
plein fouet».
Pour autant, les chefs d'entreprises conservent la résilience qui leur est propre et le président de la CPME Nord ne constate pas – pour l'instant – de recrudescence des dépôts de bilan. Il mise aussi beaucoup sur l'installation des gigafactories sur le Dunkerquois pour booster le secteur : «C'est une extraordinaire opportunité. Tous ces projets vont permettre de relancer le BTP car il faudra loger ces milliers de collaborateurs. On peut vraiment compter sur un secteur très dynamique dans les Hauts-de-France, avec des fédérations et des acteurs qui jouent le jeu. Mais je reste tout de même vigilant car je pense aux entrepreneurs qui ont créé en 2020 et qui, depuis, n'ont connu que des crises. Il n'y a pas eu un moment de répit depuis.»