Bilan estival
Le bel été d’un tourisme en mutation
La saison touristique estivale a été globalement très profitable pour les professionnels, d'après Bercy. Mais le secteur subit des mutations importantes, notamment liées au réchauffement climatique.
Une saison touristique «excellente». Ce sont les mots d'Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des Petites et moyennes Entreprises, du Commerce, de l'Artisanat et du Tourisme. Le 29 août, à Bercy, elle présentait le bilan estival du tourisme, aux cotés de François de Canson, président d’ADN Tourisme, Fédération nationale des organismes institutionnels de tourisme, Hugo Alvarez, sous-directeur chez Atout France et Caroline Leboucher, directrice générale d’Atout France. Au total, les recettes internationales du tourisme devraient se situer entre 64 et 67 milliards d'euros. L'an dernier, ce chiffre s'élevait à 58 milliards d'euros.
Le retour de la clientèle internationale
Côté clientèle, «les
Français ont sacralisé les vacances, malgré le contexte
inflationniste»,
constate Olivia Grégoire. Le concept de « vacances »
est à prendre au sens très large : si 67% des Français sont
partis en juillet ou en août, c'est en vacances ou pour un simple
week-end. Parmi ceux qui n'ont pas bougé, quatre sur 10 évoquent un
manque de moyens. Mais ceux qui se sont déplacés ne sont pas allés
très loin : 88% d'entre eux sont restés dans l'Hexagone.
Toutefois, «certains
recommencent à partir pour l'étranger. Nous avons perdu un point
par rapport à 2022»,
note François
de Canson.
Quant
à la clientèle internationale, elle fait son retour en France, mais
de manière différenciée selon la provenance. L'an dernier, les
«voisins»
étaient plus massivement revenus que les touristes qui prennent des
moyens ou long-courriers pour se rendre chez nous. 2023 marque leur
retour avec +15% en août, par exemple. Parmi eux, des Américains,
des Canadiens, mais également des Asiatiques. Avec des pics, comme
pour les Japonais dont la fréquentation – qui partait de très
bas- a crû de 140%.
Par
ailleurs, globalement, en terme de destination choisie par les
vacanciers sur le territoire «le tourisme a été beaucoup plus homogène que d'habitude»,
commente Olivia Grégoire. Si les littoraux demeurent la destination
où se concentrent le plus de vacanciers, la campagne, et surtout la
montagne, ont vu leur fréquentation s'accroître considérablement.
A contrario, certaines destinations ont connu une baisse. En cause :
l'effet «répulsif»
de prix trop élevés, selon les termes d'Olivia Grégoire, et une
météo désastreuse.
L'ère du vacancier insaisissable ?
Ces
bémols signalent que le secteur du tourisme devra faire face à de
nombreux défis. «Nous
assistons à des mutations profondes dans la consommation du tourisme
(…). Nous n'en sommes qu'aux prémisses»,
prévient Olivia Grégoire. De fait, les attentes et les
comportements des vacanciers ont profondément évolué. En
particulier, sur fond de météo capricieuse,
l'été qui s'achève a permis de constater qu'«on change
de destination et on réserve à la dernière minute, en fonction de
la météo», décrit Olivia Grégoire. Autre changement
majeur : l'allongement de la période de vacances sur l'année.
Les «grandes vacances d'été» ont laissé place
à des séjours de plus courte durée qui peuvent se dérouler entre
mai et octobre. Ce dont témoignent les chiffres du tourisme en mai
et juin et les -très bonnes - prévisions pour l'arrière-saison.
Par
ailleurs, cette année, l'inflation a influencé les comportements
des Français. Il faut y ajouter l'effet de certaines flambées de
prix (+30% dans l'hôtellerie, dans certaines régions) qui ont
poussé les vacanciers à se tourner vers la location. Il y a là un
véritable sujet d'inquiétude en matière d'attractivité de la
destination France. Cette dernière fait face à une concurrence
internationale où se confrontent des acteurs historiques comme
l'Espagne, mais aussi de nouveaux entrants, comme le Qatar.
Olivia
Grégoire en a appelé à «la responsabilité de tous en
matière de prix». D 'ici la fin de l'année, un
observatoire des prix signalera les prix qualifiés de
«déraisonnables» des opérateurs sur les
plateformes en ligne. Les Jeux Olympiques de juillet 2024 sont en
vue... Mais déjà, ADN
Tourisme a travaillé avec les hôteliers du sud de la
France, pour veiller à ce que leurs tarifs ne gonflent pas
démesurément durant la Coupe du monde de rugby, qui
se tient du 8 septembre au 28 octobre. «Il
s'agissait d'expliquer qu'il faut garder des prix raisonnables,
autrement les visiteurs restent une seule nuit, et non sur la
durée», précise François
de Canson. Pour lui, le secteur du tourisme est déjà en train de
s'adapter aux multiples enjeux auxquels
il fait face. Cet été, pour palier les difficultés que rencontrent
les saisonniers à se loger, par
exemple,
la Bretagne a mis à disposition des internats dans les lycées. A
Nice et à Toulon, les logements étudiants ont été mis à
contribution. Des mesures ont été prises pour limiter le
«surtourisme»,
comme des systèmes de réservation (dans les calanques
marseillaises). Et la région Sud met en place une offre touristique
hivernale...
Réguler les flux touristiques
Pour
Olivia Grégoire, en visite le 29 août, dans la Baie de Somme,
interrogée
sur le risque de surfréquentation de certains sites touristiques, «la
question est bien celle de la surfréquentation de certains lieux. La
surconcentration touristique touche 20% du territoire, pas plus. Et
ce n’est pas à moi de dire ce qu’il faut faire au cas par cas.
Nous avons écouté ce qui se fait, par exemple aux Calanques de
Marseille et Cassis (ou à Porquerolles, ou au Mont Saint
Michel...). La réponse est dans la régulation des flux de
visiteurs. Car il s’agit plutôt de pics de fréquentation, et non
de surtourisme».
La ministre suggère d’«équiper
les collectivités locales d’outils, comme des boîtiers de
comptage, par exemple. Cela peut coûter des dizaines de milliers
d’euros. C’est pourquoi j’ai annoncé, en juin dernier, un plan
d’action sur le sujet ; l’Etat va prendre en charge 50% du
financement de telles solutions, et des dispositifs
d’accompagnement vont
être
mis en place dans les prochains mois».
Comme
annoncé, ces mesures, incluant aussi des initiatives de
sensibilisation et de communication, des guides de bonnes pratiques,
etc., vont s’appuyer notamment sur les compétences d’Atout
France, chargé de créer une plateforme numérique ad-hoc, et les
financements sont confiés à la Banque des Territoires.