Le bâtiment touche le fond
Durant l'année 2015 dans le Nord Pas-de-Calais Picardie, tous les indicateurs du secteur du BTP ont été dans le rouge. Dans le bâtiment, la baisse d'activité se poursuit depuis 2012 entraînant une chute de l'emploi de plus de 4% et une forte sinistralité des entreprises, notamment chez les TPE. L'UNICEM a enregistré de son côté une forte chute de l'activité des matériaux de construction, provoquant de grosses difficultés chez les petites entités de production. Le cas de figure est identique sur la Côte d'Opale où les entreprises attendent fébrilement la montée en charge des grands projets : Calais port 2015, Nausicaà et le port de Dunkerque.
Olivier Poulain, président de l’UNICEM Nord-Pas-de-Calais (Union nationale des industries de carrières et matériaux de construction), décrit une vraie chute d’activité dans les travaux publics : «-28% de l’activité granulats de 2008 à 2015. Nous sommes revenus au niveau des années 60 alors que la consommation par habitant a doublé», explique-t-il. L’Union régionale compte une quinzaine d’adhérents, principalement les industries extractives de minéraux (granulats, pierre naturelle, minéraux industriels, craie…) et les fabricants de divers matériaux de construction (béton prêt à l’emploi, mortier, plâtre…). La plupart de ces activités alimentent le secteur du BTP. «Avec la loi Duflot (encadrement des loyers, encadrement des professionnels de l’immobilier, etc.), poursuit le président, le bâtiment résidentiel s’est arrêté. Nous venons de vivre quatre années blanches dans ce secteur.» Le secteur du bâtiment toucherait le fond et ne pourrait que remonter, alors que les TP n’ont pas encore fini leur chute. L’investissement public, via notamment les collectivités locales, est en berne et le contexte économique n’encourage pas l’investissement privé.
Un chiffre d’affaires en recul. Dans la région, toutes activités confondues (construction neuve et entretien-rénovation), le chiffre d’affaires a accusé un recul de 7,8% en euros constants, -4,4% en volume, soit une perte de 255 millions d’euros. Il s’est ainsi stabilisé à près de 6 244 M€, soit son plus bas niveau depuis l’entrée dans la crise économique en 2007-2008. En 2015, selon les statistiques de l’UNICEM, les logements autorisés ont accusé une baisse de 4,4%, et les logements commencés, une baisse de 4,7% par rapport à 2014, année qui avait vu le nombre de logements autorisés ou mis en chantier être en fort repli. Les ventes de maisons neuves ont nettement reculé tandis que celles des appartements neufs se sont maintenus dans la région. L’entretien-rénovation de logements et de locaux se maintient et représente un pan essentiel de l’activité du bâtiment (59% du chiffre d’affaires total du bâtiment en 2014). La proportion des revenus du bâtiment générée par l’entretien-rénovation tend à s’accroître avec le recul de la construction neuve. De plus, ce segment bénéficie de dispositifs fiscaux incitatifs (TVA à taux réduits, prêts bonifiés voire nuls, crédits d’impôts, etc.) qui favorisent l’activité.
Perspectives des grands chantiers. La fin du dernier chantier qui a porté un mauvais coup au secteur du BTP sur la Côte d’Opale est le terminal méthanier. Il faut désormais attendre la montée en charge des autres grands projets comme Calais port 2015. Le projet a pour ambition de doubler les capacités actuelles du port grâce à la réalisation d’un nouveau bassin vers la mer, au nord des installations portuaires existantes. Il doit répondre à un double défi : accueillir les futures générations de ferries et de rouliers, et faire face à l’augmentation des trafics attendue à l’horizon 2020/2025 en aménageant des équipements performants gagnés sur la mer. Le chantier est estimé à environ 700 millions d’euros. La réalisation des travaux a été déléguée à la Société d’exploitation des ports du Détroit qui a passé un contrat de travaux avec un groupement d’entreprises formé autour du groupe Bouygues travaux publics. Le chantier pourrait atteindre huit cents salariés, voire deux mille, en comptant le nombre d’emplois induits et indirects.
Le port de Dunkerque. L’année 2015 a été marquée par l’adoption définitive par le conseil de surveillance de son projet stratégique, qui prévoit de réaliser sur la période 2014-2018 un programme d’investissements à hauteur de 242 M€. Ce projet marque la volonté du Port de poursuivre une politique active de développement et d’adaptation de ses infrastructures. En particulier, 2016 verra la mise en service du réaménagement du terminal transmanche, renforçant fortement la qualité de service du lien vers l’Angleterre, ainsi que du projet d’amélioration des accès nautiques du port Ouest qui permettra d’accueillir dans des conditions optimales de sécurité les grands navires au quai à pondéreux Ouest et au terminal à conteneurs.
Nausicaà. Changement d’échelle pour Nausicaà : le Centre national de la mer basé à Boulogne-sur-Mer compte multiplier presque par deux sa fréquentation en 2018, avec un million de visiteurs. Parmi les grandes nouveautés, la construction d’un aquarium géant de 9 500 m³ (le plus grand d’Europe), qui offrira un voyage en haute mer, et un amphithéâtre aux fonctions multiples offrant une vue spectaculaire du bassin via une baie de 20 m x 5 m. Coût de ce projet, dont les travaux ont débuté : 85 millions d’euros. Le groupe Vinci s’engage à confier directement ou indirectement à des PME locales une partie des prestations d’études et de travaux.
Ce ballon d’oxygène donne à la filière du BTP de la Côte d’Opale des perspectives sur les trois années à venir. Les entreprises se mettent en ordre de bataille et nul doute que lors de la dixième édition du salon professionnel de la construction NordBat, qui se tiendra à Lille Grand-Palais du 23 au 25 mars prochains, les acteurs seront au rendez-vous pour n’en rater aucun.
Lucy DULUC