L'autre voix de l'Europe

Les nouveaux élus français du Comité des régions d’Europe ont profité de la dernière session de juin pour faire valoir leur présence et leur influence. A Bruxelles, le Comité des régions de l’Union européenne est la voix des collectivités locales - régions, départements ou villes - dans des pays européens où les pouvoirs locaux ont souvent de très importantes capacités de décision. Les avis du Comité sont non contraignants, mais l’instance est obligatoirement consultée pour les sujets liés à la politique régionale et les fonds structurels.

 

Les conseillers ne manquent pas d’occasions d’intervenir sur des sujets qui, de leur point de vue, concernent hautement les collectivités locales. Le Comité s’est ainsi saisi d’avis sur les politiques migratoires. Il a examiné un rapport sur les questions de l’acier européen ou sur le budget européen. Le regard et l’avis des élus locaux sur les questions de développement, de cohésion économique et sociale est rarement négligé par les dirigeants européens et la Commission européenne y fait souvent allusion. Le président du Conseil, Donald Tusk, le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, et les commissaires européens sont familiers de l’assemblée et y interviennent régulièrement.

Au sein du Comité, les responsables ne manquent pas de rappeler que 70% des décisions législatives européennes ont un impact sur le fonctionnement et l’action des collectivités locales. Les responsables français, longtemps sceptiques, ont pris la mesure de l’intérêt d’être présents et actifs à Bruxelles. La délégation française a été fortement renouvelée après les récentes élections régionales. Les élus présents sont choisis respectivement au sein de l’Assemblée des maires de France (AMF), de celles des Départements (ADF) et des Régions (ARF). Chacune de ces instances désigne 6 représentants pour un total de 18 sièges réservés aux Français.

Toujours penser local. A l’inverse d’autres assemblées représentatives, le renouvellement est permanent et s’effectue au rythme des élections locales de différents pays. C’est ainsi que les nouveaux conseillers régionaux rejoignent aujourd’hui les représentants des villes présents depuis 2015 et dont le mandat s’achèvera en 2020. Les sujets discutés lors de la session de juin illustrent le rôle que les élus locaux européens entendent jouer : lutte contre la radicalisation, maintien de l’emploi dans la sidérurgie, directives relatives aux déchets, révision du cadre budgétaire de l’UE… Tous les conseillers affirment que la représentation des «locaux» à Bruxelles contribue à rapprocher le citoyen d’une Europe jugée par trop éloignée des préoccupations quotidiennes ou par trop technocratique. Inversement, ils se disent tous engagés et mieux armés dans leurs circonscriptions respectives pour rendre compte de l’Europe. Pour Luc Van den Brande, ancien ministre-président de la Flandre et ancien président du CdR, la politique européenne ne peut avoir d’effet que si elle est évidente et liée aux réalités locales. «Tout politicien local doit aussi se conduire en politicien européen, et vice versa pour les politiciens européens qui doivent aussi penser en politiciens locaux».

Trois représentants des Hauts-de-France. Elu pour la région Hauts-de-France, François Decoster, maire de Saint-Omer et vice-président régional, estime que son action est suivie par ses concitoyens et par la presse locale. Cet avis n’est pas partagé par tous ses confrères qui regrettent, pour certains, la relative indifférence des médias quant à l’activité du Comité. La région des Hauts-de-France a trois représentants au sein du Comité des régions. Vice-président du Conseil régional, François Decoster a été confirmé, il était déjà membre de l’assemblée dans le mandat précédent. Il accompagne Michel Delebarre, conseiller municipal de Dunkerque désigné par l’Assemblée des villes, et Jean-Noël Verfaillie, élu au conseil général du Nord (canton de Marly).

 A Bruxelles, Lieven TAILLIE, avec Régis VERLEY

 

 Encadré :

 Sidérurgie : le Comité demande d’activer les procédures anti-dumping

 Au cours de sa réunion de juin, le Comité a examiné le rapport de Isolde Ries, vice-présidente du parlement régional du Land de Sarre, sur l’avenir de la sidérurgie en Europe. Celle-ci a visité des sites industriels avec Edouard Martin, député européen, ancien syndicaliste de Florange. Son rapport insiste sur les défis de la sidérurgie européenne. La situation est mauvaise pour l’emploi, marquée par le retrait de Tata Steel au Royaume-Uni et de Mittal en Espagne. L’acier européen concerne encore 330 000 travailleurs sur quelque 520 sites dans 24 pays. Le rapport du Comité appelle l’UE à mettre en place des mesures de défense commerciale plus nombreuses, plus efficaces et plus rapides contre les importations faisant l’objet d’un dumping, abolisse la “règle du droit moindre” et réforme le système d’échange de quotas d’émission. La surcapacité générale et la concurrence des producteurs établis en dehors de l’UE, en particulier lorsqu’ils vendent au coût de production, créent d’énormes pressions sur le secteur sidérurgique en Europe. La baisse des prix, conjuguée aux coûts élevés de l’énergie, provoque d’importants ajustements et a un impact négatif sur les emplois et l’activité économique dans les régions européennes. Selon Isolde Ries, «l’acier bon marché et subventionné en provenance de pays tiers porte atteinte aux coûts de production sur le marché européen. Nous avons besoin de toute urgence d’une concurrence loyale en Europe, ainsi que d’une politique commerciale efficace. Une réforme des instruments de défense commerciale de l’UE est nécessaire. Elle doit notamment prévoir des interventions plus rapides, des frais de douane hautement punitifs et l’abolition de la règle du droit moindre». Les responsables locaux et régionaux sont également préoccupés par la réforme du système d’échange de quotas d’émission de l’UE. Ils rappellent qu’il est nécessaire de trouver un meilleur équilibre entre la réduction des émissions de gaz à effet de serre et la garantie de la compétitivité de l’industrie européenne, et demandent une révision de la proposition de la Commission européenne. Selon Isolde Ries, «chaque tonne d’acier européen génère beaucoup moins de CO2 qu’une tonne d’acier comparable produite en Chine ou en Inde, pays qui sont moins préoccupés par l’environnement. Nous avons besoin d’objectifs réalistes qui soient techniquement et économiquement réalisables». Sur ce point, le député européen et ancien ouvrier sidérurgiste Edouard Martin rappelle que l’on ne peut opposer protection de l’environnement et compétitivité des industries. «Initions un cercle vertueux pour l’industrie au niveau global», a-t-il déclaré. Porteur d’une proposition ambitieuse d’ajustement carbone aux frontières, il ajoute que «des mécanismes équitables doivent garantir que nous contribuons tous à la protection du climat qui sera un élément de la compétitivité de demain, et être donc sur un pied d’égalité du point de vue concurrentiel. Sans cela, ce sont nos emplois que nous exporterons et la pollution que nous importerons».