L’agriculture bourguignonne inquiète pour demain
Alors que le salon de l’agriculture vient de fermer ses portes, tous les pans d’activité du secteur ne sont pas logés à la même enseigne face à l’avenir. Céréaliers, éleveurs et viticulteurs bourguignons ont chacun leur défi à relever.
« On se réjouit du malheur des autres ! » Quand il parle de la mondialisation, Michel Duvernois, directeur de la coopérative agricole Bourgogne du Sud, ne prend pas de gants. Un euro faible, une crise économique en Grèce, un gel destructeur pour les cultures en Russie, une grève au Canada ou un Brexit anglo-saxon font fluctuer les marchés dont dépendent les céréaliers du territoire. « Nous en sommes réduits à suivre la météo internationale et l’actualité pour espérer un problème ailleurs afin que nos agriculteurs puissent vendre à un bon prix. » Quand la catastrophe relève de l’épidémie et qu’avec le corona virus, le blé a déjà perdu 5% sur les marchés, les bonnes moissons de 2019 semblent déjà loin. « Pour qu’un agriculteur gagne bien sa vie, soit environ 150 euros de l’hectare une fois les charges payées, il faut qu’il multiplie les surfaces en faisant un investissement peu rentable ou qu’il se diversifie. »
La viticulture bourguignonne en pleine incertitude.
Sur ses 3 000 adhérents actifs, la coopérative compte 1 200 céréaliers bourguignons et à peine plus de viticulteurs. Si les premiers doivent rester vigilants et s’ouvrir à d’autres sources de rentabilité, les seconds connaissent un environnement plus qu’incertain, qui dépasse les difficiles conditions climatiques de l’année écoulée. Dans une région viticole où les vignobles côtoient les habitations, les zones de non traitement pourraient impacter 800 hectares de production. « On est encore dans le flou. Le cuivre et le souffre pourraient être utilisés comme on le fait en bio mais les chartes ne sont pas encore définies. » Le flou règne également quant à l’appellation Bourgogne puisque l’INAO, l’institut national de l’origine et de la qualité, souhaite y intégrer le Beaujolais. « Parallèlement, 7 000 hectares de vignes bénéficiant de l’appellation Bourgogne pourraient la perdre dans l’Yonne, en nord Côte-d’Or et sur certains sites de Saône-et-Loire. » Pour rajouter en difficulté, les viticulteurs bourguignons subissent eux aussi les taxes décidées par les Etats-Unis.
Eleveurs et agriculture en péril.
S’il se montre soucieux pour les viticulteurs bourguignons, Michel Duvernois manifeste une inquiétude plus grande encore pour les 300 éleveurs de la coopérative. « Deux ans de suite ils ont dû faire face à une sécheresse qui les a obligés à acheter du fourrage tandis que la baisse de la consommation de viande s’accélère. » Citant le burger végétal d’Ikea à Dijon ou encore les grandes marques de la charcuterie et leurs saucisses de soja, le directeur met rapidement en cause ceux qu’ils considèrent comme les responsables de situations économiques désastreuses : la grande distribution. « Tant que cinq acheteurs assureront 80% des ventes, nous ne pourrons pas y parvenir. Il faudrait démanteler la grande distribution mais quand l’objectif reste d’avoir une nourriture encore moins chère, c’est impossible. Les gens veulent manger de la qualité mais ne la paie pas à son prix. » Encourageant les consommateurs à choisir des produits français, y compris pour le bio, plutôt qu’une viande polonaise, des légumes espagnols ou du bio autrichien, le directeur craint que la France ne finisse à la merci de l’importation, perdant tout à la fois en maitrise des prix et en qualité.
Pour Aletheia Press, Nadège Hubert