L'Adie fait la preuve de la rentabilité économique de l'action sociale
L’insertion sociale, c’est… économiquement rentable. L’Adie, association spécialisée dans le micro-crédit et l’accompagnement des créateurs d’entreprises, a fait ses calculs et évalué la rentabilité économique de ses programmes. Et elle expérimente de nouvelles formes d’action avec des financeurs privés. Son projet adapté à la ruralité décroche le label “Contrat à impact social”.
Un euro investi dans le programme de l’Adie rapporte 2,38 euros à la collectivité, au bout de 24 mois. Tel est le résultat de l’étude menée par KPMG, sur L’impact économique de l’action de l’Adie, présentée le 29 juin, à Paris, lors d’un débat organisé par l’Association pour le droit à l’initiative économique, spécialisée dans le micro-crédit et l’accompagnement des créateurs d’entreprises qui ne parviennent pas à se faire financer par le secteur bancaire. En 2014, l’Adie a accompagné 9 200 porteurs d’un projet d’entreprise, dans le cadre d’un programme qui coûte 24,4 millions d’euros, apportés
par des financeurs publics (20,5 millions d’euros ) et privés. Au bout de deux ans, 63% des entreprises créées dans ce cadre existent toujours. Et 21% des personnes accompagnées ont réintégré un emploi dans une autre entreprise. Pour 16% d’entre elles, en revanche, c’est l’échec. Mais au delà de ce bilan positif concernant les trajectoires des individus accompagnés par l’Adie, c’est l’impact économique de l’opération pour la collectivité entière (au bout de deux années) que mesure l’étude de KPMG. Conclusion : la société tire plusieurs bénéfices de ces trajectoires réussies. Tout d’abord, les taxes, cotisations et impôts payés par ces nouveaux entrepreneurs génèrent des recettes pour la communauté. KPMG estime qu’elles pèsent 45,3 millions d’euros sur deux ans. La deuxième année par exemple, 25,1 millions d’euros sont liés à l’activité des entreprises nouvellement créées, et 5,3 millions aux salariés qui ont retrouvé un emploi et paient des cotisations et des impôts. Autre type de bénéfice pour la société, le coût évité des minima sociaux, qui ne sont plus versés à ces nouveaux entrepreneurs. En 2014, en effet, plus de 70% des créateurs d’entreprises accompagnés par l’Adie percevaient divers revenus sociaux, ARE (Allocation d’aide au retour à l’emploi), RSA (Revenu de solidarité active), ASS (Allocation de solidarité spécifique)… En moyenne, ils recevaient 487 euros par mois. Résultat de l’opération, sur deux ans de programme, le montant des coûts sociaux évités s’élève à 16,7 millions d’euros. Une économie concentrée sur la deuxième année, en raison de la fin des versements de l’ARE. Bref, au total, en cumulant les coûts évités et les ressources générées, et en retirant le coût du programme, celuici réinjecte 37,6 millions d’euros dans l’économie. Cette méthode, dite SROI (Social return on investment), s’en tient aux impacts économiques mesurables. D’autres bénéfices sociaux, moins faciles à évaluer, à l’image de la cohésion sociale, la revitalisation des tissus économiques locaux, les impacts positifs sur la vie familiale de ces créateurs d’entreprise, ne sont pas pris en compte.
Expérimentation des “contrats à impact social”
L’étude commanditée par l’Adie s’inscrit dans une démarche d’évaluation des actions en matière sociale, qui se diffuse dans un secteur s’attachant à faire la preuve de son efficacité. Pour Hugues Sybille, président du Labo de l’ESS et pionnier de ce mouvement en France, qui intervenait lors du débat, les résultats de l’étude ne constituent pas une surprise : huit ans plus tôt, l’Agence de valorisation des initiatives socioéconomiques (Avis) avait présenté une analyse aux résultats quasiment identiques ! Mais, si les mentalités sont longues à changer et si l’État a du mal à reconnaître cette efficacité de l’ESS, « cela change », reconnaît l’expert. Et de fait, ces dernières années, les signaux se sont multipliés au sein de l’État, notamment avec la promulgation de la loi ESS, portée par Benoît Hamon, et adoptée en juillet 2014 et, tout récemment, l’annonce du nouveau fonds de la Caisse des Dépôts consacré à l’ESS, qui devrait être doté de 100 millions d’euros. Mais une partie du monde de l’action sociale se penche aujourd’hui sur une autre logique : celle qui consiste à trouver des modalités de financement et des modes d’interactions inédites entre différents acteurs de la société, associatifs, économiques et publics. « Sur le sujet qui consiste à innover financièrement pour innover socialement, il y a encore du travail à faire pour convaincre les décideurs public », juge Hugues Sybille. Justement, le secrétariat d’État à l’Économie sociale et solidaire a lancé, en mars dernier, un appel à projet concernant les “contrats à impact social” qui lient institutions, partenaires privés et associatifs. Ces contrats « permettent d’assurer le financement d’un programme social innovant par un investisseur privé, qui recevra une prime en cas de succès, éventuellement de la puissance publique », précise le site Internet du secrétariat d’Ètat qui y voit « une façon d’expérimenter de nouvelles solutions dans des domaines où les besoins sociaux ne sont pas toujours bien couverts ». Dans le cadre de cet appel à projet, l’un des projets pilotes de l’Adie a été labellisé “Contrat à impact social”. Suite à une étude menée avec la Fondation Avril, qui œuvre en faveur du développement de la ruralité, l’Adie mettra en place un programme de microcrédit accompagné, adapté à la ruralité. Sur ces territoires, le taux de pauvreté s’élève à 13,7% de la population, contre 11,7% au niveau national. Objectif de l’Adie: répondre à la diminution de l’emploi salarié dans les zones rurales, en soutenant le développement et la création de petites activités. Concrètement, il s’agit de contourner les contraintes d’isolement que connaissent les populations concernées, en combinant une offre de microcrédit à distance et un accompagnement renforcé à domicile ou sur le lieu d’activité. Plusieurs partenaires privés et institutionnels participent au programme : BNP Paribas, qui accompagne l’élaboration du modèle économique, et un groupement d’investisseurs potentiels, composé d’AG2R La mondiale, BNP Paribas, la Caisse des Dépôts, la fondation Avril et Renault Mobiliz Invest, qui apporte quelque 1,3 million d’euros sur trois ans. Et le cabinet Hogan Lovells, expert juridique, mènera une évaluation de l’impact économique de l’opération.