La santé de l'économie mondiale bridée par l’incertitude
Une pandémie dont on ne connaît pas la fin, des ménages qui préfèrent épargner, des risques sociaux qui augmentent, un possible vaccin… La Coface pointe les «dynamiques» qui rendent l’avenir de l’économie mondiale très incertain et s’attend à un «conflit de répartition.»
L’époque est rude pour les prévisionnistes : à quoi s’attendre, lorsque les incertitudes se multiplient pour les ménages comme pour les entreprises, et que grandissent les risques de fragilité politique et sociale ? Le 1er octobre dernier, lors d’une conférence de presse en ligne, Julien Marcilly, chef économiste de la Coface, expert en assurance-crédit internationale, présentait le «baromètre économique et politique, Monde et France» de l’entreprise. Dans le monde entier, la pandémie demeure «une épée de Damoclès au dessus de nos têtes» qui fait peser une «incertitude extrême» sur l’économie, rappelle Julien Marcilly. Par ailleurs, la situation sanitaire est très diverse selon les pays, difficile en Inde, par exemple, mais également dans des pays européens comme la France et l’Espagne, quand l’Italie s’en sort plutôt bien… Du point de vue de l’activité économique, «il y a eu un effet de rattrapage post-confinement, mais depuis, cela s’est tassé, sans doute en raison des incertitudes sanitaires», note Julien Marcilly. Préoccupation majeure, le taux d’épargne actuel, très élevé, bride la reprise de l’activité. S’agit-il d’une épargne forcée ? De précaution ? «Sans doute un peu des deux. Une étude de la Banque Centrale Européenne [BCE] montre qu’il s’agit plutôt d’épargne forcée, ce qui serait une bonne nouvelle, mais il demeure beaucoup d’incertitudes», commente Julien Marcilly. Dans ce contexte, «nous anticipons une hausse des défaillances d’entreprises de 16 % d’ici 2021. Mais pour l’instant, dans la plupart des pays, elles ont baissé», constate l’économiste. À la base de cette évolution, le ralentissement de l’activité ou la fermeture des tribunaux de commerce durant le confinement, ainsi que les régimes d’exception, comme celui français, en vigueur jusqu’au 23 août. Pour la Coface, cette augmentation des défaillances, forte, ne devrait toutefois pas atteindre les niveaux post-crise 2008, en raison des mesures d’aide prises par les gouvernements, à l’image, en France, du PGE, Prêt garanti par l’État. Toutefois, «il faut s’attendre à voir des entreprises, qui n’ont pas forcement de problèmes de trésorerie, se rendre compte qu’elles ne retrouveront pas le niveau d’activité nécessaire pour être rentable», met en garde Julien Marcilly.
Le potentiel «choc positif» du vaccin
Les pays émergents connaissent une situation particulière : «nombre de ces pays ont été moins affectés par la crise sanitaire, mais les effets de contagion (économique) ont été très forts», pointe l’économiste. En cause, le prix des matières premières, et en particulier celui du pétrole. Il est demeuré très bas, à un niveau insuffisant pour les économies concernées. Quant à celles qui dépendent des ressources touristiques, elles se voient confrontées à un «choc durable», ajoute Julien Marcilly. La situation est donc hétérogène, et les trajectoires à venir, diverses. D’ici 2021, celle de certains pays, comme la Chine et le Vietnam, devraient être positive. A contrario, celle de l’Inde, Hong Kong, l’Afrique du Sud, du Nigeria ou Sénégal, négative. Or, les budgets publics 2021 devraient être très contraints, sur fond de pauvreté grandissante. «Nous sommes dans une situation exceptionnelle. Même en 2021, la taille du gâteau sera plus petite qu’avant la crise et il faudra s’attendre à un conflit de répartition», décrit Julien Marcilly. Autre souci, au niveau politique, dans certains cas, la pandémie a représenté une opportunité dont se sont saisis certains gouvernants pour repousser des élections ou brider les capacités d’action de l’opposition. Mais les problèmes ne concernent pas seulement les pays émergents. Car si les prévisions pour 2021 sont positives pour les pays occidentaux, les risques socio-économiques sont loin d’être négligeables, en particulier aux États-Unis, en Espagne et France. Il s’agit de ceux dont les peuples se déclarent les plus mécontents – avec les Britanniques – de la manière dont leur gouvernement a géré la crise sanitaire. Mais l’avenir pourrait se révéler très différent en fonction de deux hypothèses, prévient Julien Marcilly. Pour lui, «nous restons dans une crise sanitaire. Le principal risque, à la baisse, est de se retrouver dans une situation telle que l’on ne puisse éviter des mesures de confinement plus strict», locales ou étendues à des zones d’activité importantes, telle l’Île-de-France. A contrario, un vaccin pourrait constitue un «choc positif» susceptible d’engendrer une certaine euphorie chez les ménages, lesquels pourraient alors être tentés de se défaire d’un peu de leur épargne…