La Ruhr, un exemple de reconversion réussie pour la région

Ruhr – Nord-Pas-de-Calais, un même combat pour la réhabilitation des sites industriels et la valorisation du territoire.

Bottrop dans la Ruhr : Berne Parke, ancienne station d'épuration installée dans l'île de l'Emscher et réaménagée en restaurant, hôtel et parc.
Bottrop dans la Ruhr : Berne Parke, ancienne station d'épuration installée dans l'île de l'Emscher et réaménagée en restaurant, hôtel et parc.
Anne Henry-Castelbou

Babette Nieder, Hans-Jürgen Best, et Pierre Dhénin le 13 septembre 2012 au Conseil Régional lors du 2Oème Atelier de Prospective Régionale.

La Ruhr compte 5,2 millions d’habitants, dans 53 villes dont Dortmund, Essen. Elle fait partie du Land Rhénanie-du-Nord – Westphalie et a été fortement touchée par la crise du charbon dans la deuxième moitié du XXe siècle, comme notre région. Mais à la différence du Nord-Pas-de-Calais, la Ruhr a fait preuve d’une rapide mobilisation des élus et de la population pour rebondir, tout en s’appuyant sur cet héritage industriel. Un an après son déplacement dans la Ruhr, le Collège régional de prospective1 en présentait les enseignements lors du 20e Atelier de prospective régionale, le 13 septembre 2012 dernier, au sein du Conseil régional.

La région de la Ruhr n’avait pas été choisie par hasard. «Entre 1989 et 1999, a été menée une initiative remarquable, l’IBA Emscher Park. Onze ans après son achèvement, nous souhaitions voir si ce projet durait dans le temps. Nous sommes rentrés impressionnés des transformations profondes qu’a connu ce territoire», explique Philippe Petit, qui participe à l’animation du Collège. L’IBA Emscher Park − visité par les grandes agglomérations françaises, étudiants en architecture, agences d’urbanisme … − a permis de valoriser 800 km2 et 17 villes de la Ruhr, en s’appuyant sur certains principes : développer l’infrastructure verte avec la création d’un parc régional, dépolluer les rivières, mettre en valeur le patrimoine industriel, développer le secteur de l’emploi et attirer des investisseurs, améliorer l’offre de logement…

La ville de demain. Résultat : les différents participants du Collège ont été soufflés par la visite de certaines réalisations et l’avance prise par la Ruhr. Comme Pierre Dhénin qui anime la Fabrique 5 (un des groupes de travail du Collège chargé de travailler sur la prospective «Reconquérir l’environnement et améliorer le cadre de vie») et qui a organisé ce voyage : «La Ruhr est un territoire blessé par 150 ans d’industrialisation. Aujourd’hui, nous constatons un réel renouvellement écologique et urbain : ont été introduites des fonctions culturelles dans les anciens sites industriels ; ont été gardés les logements des ouvriers construits au XIXe et XXe siècles, en les agrandissant dans l’esprit de la cité-jardin ; les terrils ont été réaménagés en sites paysagers. Ce n’est pas innocent si Essen fut la Capitale de la culture européenne en 2010.» Selon lui, la Ruhr est un territoire qui illustrait hier un développement économique non durable, une sorte de région Nord-Pas-de-Calais «puissance dix» et qui depuis la fin des années quatre-vingt-dix, réussit sa mutation. La Fabrique 5 souhaite aujourd’hui tirer les enseignements de ce voyage dans la Ruhr pour réfléchir à un enjeu majeur : comment concilier la ville durable avec le respect de l’environnement dans le Nord-Pas-de-Calais. Pour Pierre Dhénin, la ville de demain se trouve à cette confluence entre nature, culture, urbanisme.

Le futur de la Ruhr. En plus des participants de la Fabrique 5, étaient présents, ce 13 septembre des Allemands, notamment Babette Nieder et Hans-Jürgen Best2Ce dernier a d’ailleurs présenté les projets d’avenir pour la Ruhr : «A été signé un projet de recherche à 2030 du ministère fédéral de l’Enseignement et de la Recherche sur la coopération intercommunale.  C’est une sorte de contrat d’engagement volontaire, signé par les politiques et onze villes de la Ruhr qui gèrent 3,5 millions d’habitants. Champs d’application : schéma de cohérence territoriale, développement de la vallée de la Ruhr, migration, assainissement budgétaire, marche du logement… Le principe est que lorsqu’une ville souhaite faire des changements en profondeur, les autres villes doivent donner leur point de vue.» Divers projets sont prévus : reconversion d’une ancienne voie de chemin de fer de 60 km en une voie rapide pour vélos entre deux grandes villes ; grande fête citoyenne sur une autoroute, interdite aux voitures durant une journée ; création d’une Route de la culture industrielle à travers la Ruhr… «Tout cela suppose une démarche marketing, comme cela a été fait pour les châteaux de la Loire. Mais il faut d’abord montrer aux habitants de la Ruhr que notre territoire a de très beaux sites pour créer un sentiment d’appartenance et de fierté, ce qui portera notre politique de développement», précise Hans-Jürgen Best.

Pour Myriam Cau, vice-présidente du Conseil régional en charge du développement durable, venue assister aux débats, « comment tirer partie des séquelles du passé pour cultiver notre capacité de rebond ? C’est toute la notion de résilience. C’est la question des territoires en transition. Et en plus, il faut faire cela dans un contexte de changement climatique, de raréfaction des ressources. L’inscription par l’Unesco de notre bassin minier au Patrimoine mondial, la future implantation du musée du Louvre-Lens sont des signes forts de cette résilience territoriale. Il faut continuer notre action, tout en restant en lien avec d’autres territoires : la Ruhr mais aussi le Minas Gerais au Brésil, la Pologne…».

Année franco-allemande. Ce travail entre la Ruhr et le Nord-Pas-de-Calais n’est pas nouveau. Il existe un dialogue entre nos deux régions depuis les années soixante-dix, en matière de nouvelles urbanisations, changements de territoire, image de marque des deux régions… Cet échange s’inscrit également dans la future Année franco-allemande puisque l’on fêtera le 50e anniversaire du traité d’amitié franco-allemande de l’Elysée, signé le 22 janvier 1963. Cet anniversaire commence dès septembre 2012, jusqu’en juillet 2013.

Le compte-rendu de ce voyage d’étude est maintenant diffusé auprès des élus, décideurs, agences d’urbanisme, techniciens qui travaillent sur le PLU (plan local d’urbanisme). «Le Collège régional de prospective est là pour apporter des préconisations aux élus et alimenter le SRADDT, Schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire. Après un voyage d’étude en juin 2012 à Vitoria-Gasteiz et Bilbao en Espagne, nous nous déplaçons prochainement à Trith-Saint-Léger et Aulnoy-lez-Valenciennes», annonce Philippe Petit.

1. Emanation du Conseil régional, rattachée à la Direction du développement durable, de la prospective et de l’évaluation (D2DPE), qui réfléchit à l’avenir de notre région et cherche à comprendre les mutations en cours et à cerner les évolutions structurelles.

2.  Babette Nieder, directrice de cabinet du maire de la ville d’Herten, en charge de l’énergie et du développement et du centre de recherche d’hydrogène H2Herten, et Hans-Jürgen Best, directeur général de la ville d’Essen en charge de l’aménagement du territoire et ancien membre de l’équipe de projet “IBA Emscher Park”.


 

Anne Henry-Castelbou

Pierre Dhénin : «La ville de demain se trouve à cette confluence entre nature, culture, urbanisme.»

Philippe Petit

Gelselkirchen dans la Ruhr : vue paysagère à partir du terril Rungenberg, avec notamment, au premier plan, la cité-jardin Schüngelberg rénovée et agrandie.

Philippe Petit

Bottrop dans la Ruhr : Berne Parke, ancienne station d'épuration installée dans l'île de l'Emscher et réaménagée en restaurant- hôtel et parc.