Travaux publics : la route se dégage mais le chemin sera long
2023, une année aux multiples inconnues pour les travaux publics ! Si les majors du secteur apparaissent avoir les carnets de commandes bien remplis avec une certaine profondeur en matière d’activité, le gros des troupes demeurent dans l’expectative surtout dans le secteur spécifique des travaux routiers. L’avenir passera par une proactivité du secteur dans la transition écologique, encore faut-il que l’on lui en donne les moyens. En d’autres termes, lancer réellement des opérations d’envergure en termes de décarbonisation.
«Pour 2023, nous ne crions pas au loup mais nous commençons à alerter !» Thierry Ledrich, le président de la Fédération des travaux publics de Lorraine a la raison gardée et la prudence affichée. En juin dernier, à l’occasion des assises annuelles de sa fédération à l’Abbaye des Prémontrés de Pont-à-Mousson, il affirmait que «l’entrepreneur en travaux publics est totalement perdu (…) De mon expérience, je crois que jamais, le spectre du champ des possibles n’a été aussi large avec des scenarii aussi opposés. Je crois que nous sommes aujourd’hui à une croisée des chemins comme on n’en vit qu’une pendant une carrière, avec un effet double lame que personne n’aurait osé imaginer dans ses pires cauchemars il y a encore six mois. Les entreprises abordent avec prudence et visibilité réduite l’évolution de leur activité à venir. Les inquiétudes quant au deuxième semestre 2022 et le premier semestre 2023 sont grandissantes.» Six mois ont passé et les effets cumulés à répétition des différentes crises sanitaire (épidémie de la Covid-19), géopolitique (la guerre en Ukraine) sont plus que palpables. «Après un été maussade, le sursaut d’activité du mois de septembre est bienvenu mais trop modeste pour inscrire le troisième trimestre 2022 dans une dynamique de croissance et lutter contre l’érosion progressive des volumes de production», assurait début novembre la Fédération nationale des travaux publics dans son enquête mensuelle de conjoncture.
CA en hausse, marges en baisse
En septembre, les travaux publics ont connu un rebond d’activité de l’ordre de 10 % par rapport au mois d’août retrouvant leur niveau pré-estival. Les prises de commandes demeurent encourageantes, avec une augmentation de + 4 % des marchés conclus en glissement trimestriel et de + 1,5 % en glissement annuel, mais nettement insuffisantes pour contrecarrer les mauvais chiffres des trimestres précédents. «Le secteur bénéficie ce trimestre d’un léger redressement des prises de commandes, une reprise plus que jamais nécessaire face à l’attentisme des derniers mois qui reste à confirmer pour éclaircir véritablement les perspectives d’activité.» Constat corroboré dans la région. «Globalement, les CA sont en légère augmentation et nous pouvons affirmer que nous avons réalisé un bon semestre en termes d’activité. Je parle bien d’activité car nos marges ne cessent de s’éroder», assure Thierry Ledrich. Les secteurs du Génie Civil ou encore les professionnels des travaux de canalisations apparaissent tirer leur épingle du jeu. «C’est le secteur des travaux routiers qui est le plus en souffrance aujourd’hui car les affaires ne sortent pas. D’une façon générale dans notre région, ce sont les départements ruraux où les choses sont les plus délicates. Il n’est pas rare de voir l’arrêt des études de certains maîtres d’ouvrages, ce qui veut dire que les intentions de travaux ne déboucheront pas sur un appel d’offres. Les travaux publics demeurent toujours la variable d’ajustement.» Paradoxe de taille dans un climat où la transition énergétique et la quête à la décarbonisation de l’économie sont mises en avant. «La transition écologique de notre pays doit s’accompagner d’une politique de transformation des infrastructures pour atteindre les objectifs climatiques», assuraient les professionnels des TP à l’occasion d’un forum national au Grand Palais à Paris «Investir la transition écologique» organisé par la FNTP en février. D’après la fédération, il faudrait 24 milliards d’euros d’investissement par an. À vos calculettes…
Recrutement : la bombe à retardement
Flambée des prix des matériaux, de l’énergie, de quoi déjà étrangler bon nombre de professionnels du secteur sur le court terme. Reste que cela n’apparaît presque rien par rapport aux difficultés de recrutement. «C’est notre grande préoccupation pour les vingt prochaines années. Une entreprise sur deux aujourd’hui ne trouvent pas de collaborateurs», assure Thierry Ledrich, le président de la Fédération des travaux publics de Lorraine. «Certains métiers ont totalement disparu. À tous les niveaux, il manque du monde !» À l’instar d’autres secteurs, le recrutement s’affiche comme la préoccupation principale du secteur pour la décennie à venir, et les autres si rien n’est réellement fait.