La responsabilité personnelle du dirigeant

La responsabilité personnelle du dirigeant

Le dirigeant d’une société de construction qui omet de souscrire une assurance responsabilité décennale obligatoire commet une faute susceptible d’engager sa responsabilité civile personnelle à l’égard des tiers.

Le dirigeant qui commet une faute dans l’exercice de ses fonctions n’est responsable qu’envers la société elle-même et ses associés. Il n’est en principe pas responsable des actes qu’il accomplit au nom et pour le compte de la société envers les tiers. Par exception, le dirigeant engage sa responsabilité envers les tiers lorsqu’il commet une faute d’une particulière gravité incompatible avec l’exercice normal de ses fonctions sociales. Cette faute est alors qualifiée de «faute séparable de ses fonctions». Les victimes de désordres de construction, confrontées au défaut d’assurance des sociétés de constructions responsables de ces désordres, ont dès lors recherché, au-delà de la responsabilité de la société elle-même, la responsabilité personnelle des dirigeants.

Le défaut de souscription d’une assurance décennale obligatoire constitue une infraction pénale.

Toute personne physique ou morale, dont la responsabilité décennale peut être engagée, doit être couverte par une assurance. Le défaut de souscription d’une telle assurance constitue une infraction pénale punie d’un emprisonnement de six mois et d’une amende de 75 000 € ou de l’une de ces deux peines seulement. Cette infraction peut-elle constituer une faute détachable des fonctions de dirigeant susceptible d’engager sa responsabilité civile personnelle ?

Le défaut de souscription d’une assurance décennale obligatoire engage la responsabilité civile personnelle du dirigeant.

La Cour de Cassation était hésitante. En effet, alors que la troisième Chambre Civile de la Cour de Cassation avait, dans un arrêt du 4 janvier 2006, écarté la responsabilité personnelle du dirigeant dans une telle hypothèse, la Chambre Commerciale avait affirmé son contraire dès 2010. Le dirigeant pouvait donc connaître un sort totalement différent selon que son affaire était portée devant la Chambre Civile ou devant la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation. Dans un arrêt du 10 mars 2016, la troisième Chambre Civile a cependant opéré un revirement de jurisprudence et a rejoint l’analyse de la chambre commerciale : le dirigeant d’une société de construction, relevant du régime de l’assurance décennale obligatoire, qui a omis de souscrire cette assurance commet une faute constitutive d’une infraction pénale, séparable comme telle de ses fonctions sociales, et engage sa responsabilité civile à l’égard des tiers à qui cette faute porte préjudice. La troisième Chambre Civile de la Cour de Cassation a depuis confirmé sa position, à trois reprises, dont la dernière en date par arrêt du 7 juin 2018. Le sort du dirigeant est donc scellé : il sera tenu d’indemniser sur son patrimoine personnel la victime du préjudice causé par sa faute. Il est donc essentiel pour le dirigeant d’une société de construction de vérifier, avant le début de chaque chantier, que la société est bien garantie par un contrat d’assurance décennale et que ce contrat vise les activités réellement exercées par la société.