La reprise d’entreprise, une affaire de cœur ?
Intuition, coup de cœur, rationalité économique... Une étude se penche sur les motivations multiples des repreneurs d'entreprise. Elle montre que la démarche représente un projet de vie plus large qu'une opération strictement économique.
«C’était une très belle ETI [entreprise de taille intermédiaire], mais voilà, les pompes funèbres, je n’aurais pas pu…» Le témoignage de Dominique Restino, entrepreneur et président de la CCI Paris, illustrait la complexité de la prise de décision qui prévaut à la reprise d’une entreprise. Des propos confiés lors du lancement du salon Transfair, les rencontres de la transmission d’entreprise. À cette occasion, a été présentée une étude sur «Ce qui rend une entreprise attractive aux yeux de repreneurs», réalisée par le groupe InfoPro Digital, également organisateur du salon, et consacrée à la démarche des repreneurs d’entreprise.
L’étude, qui s’efforce de distinguer la part de rationalité et d’émotivité de l’opération, montre que celle-ci représente un choix de vie où les critères économiques ne sont pas seuls à compter. Elle a été menée en ligne en septembre dernier, auprès de 204 répondants. Le profil type du répondant : un homme, âgé de 54 et 73 ans, chef d’entreprise de moins de 10 salariés, au chiffre d’affaires inférieur à 1 million d’euros. Parmi les répondants, 68% sont des repreneurs d’entreprise et 52%, des cédants. «En général, on n’est pas exclusivement cédant ou repreneur ; 44% d’entre eux ont vécu l’aventure des deux bords», commente Olivier Cenille, directeur commercial études chez InfoPro Digital. Parmi les personnes interrogées, près du quart sont intéressées par l’idée d’une reprise mais n’ont pas encore franchi le cap. Ce qui rend une entreprise potentiellement attractive, à leur yeux, c’est d’abord son potentiel de croissance, suivi du produit ou du service qu’elle fournit, son secteur d’activité, sa rentabilité, mais aussi ses talents internes, puis les valeurs qu’elle véhicule. Et il y a aussi le plaisir entrepreneurial…
Dans 85% des cas, les sondés se définissent comme rationnels. «Il y a un mélange, le classement est très partagé entre les critères émotionnels et rationnels (…). La frontière entre les deux n’est pas si nette», commente Olivier Cenille. Il est de fait que parmi les critères de choix, certains, qui ne relèvent pas d’une stricte rationalité économique, sont cités comme «décisifs» par une très large majorité des répondants. Comme le produit ou service (95% des sondés), les valeurs véhiculées par l’entreprise (84%), le plaisir entrepreneurial (74%), l’attachement au territoire (59%), le charisme du fondateur ou dirigeant de l’entreprise (54% ), ou encore le statut social conféré par l’acquisition de l’entreprise (33%).
«En France, chaque année, environ 30 000 disparaissent faute de repreneurs»
Intuition, bases de données et conseils de professionnels
Mais à quoi ressemble le processus de décision des repreneurs? «Le conseil des professionnels et l’intuition sont complémentaires et influencent la grande majorité des décisions de reprise», commente Olivier Cenille. De fait, les sondés estiment que leur intuition peut jouer de manière importante (3,4 sur 5). Mais ils accordent une importance quasi similaire (3,3/5) aux conseils des professionnels de la transmission (experts-comptables, avocats, notaires, réseaux d’accompagnement).
Autre sujet examiné par l’étude, «les choix des repreneurs sont guidés par des sources d’information multiples», poursuit Olivier Cenille. Arrivent en tête les études de marché multi-sectorielles (citées par 70% des sondés), suivies des retours d’expérience de la part de professionnels du conseil (67%) et des bases de données professionnelles (64%), des sites Internet des entreprises ciblées (57%) et des informations légales (57%). Parmi les sondés qui ne sont pas encore passés à l’acte, 36% n’entendent pas le faire, 22% sont certains de vouloir reprendre une entreprise et 43% répondent «peut-être».
Particularité de la reprise, celle-ci semble être mieux préparée que la création d’entreprise. Ce dont témoigne le budget prévu par ceux qui envisagent de reprendre une société : 45% d’entre eux tablent sur 100 à 500 000 euros ; 22%, sur plus de 500 000 ; et 32%, moins de 100 000 euros.
En France, d’après l’Observatoire du groupe bancaire BPCE, 75 000 entreprises sont, en moyenne, mises en vente chaque année en France. Chaque année aussi, environ 30 000 disparaissent faute de repreneurs, détruisant 37 000 emplois, note le ministère de l’Économie. Un enjeu auquel semblent sensibles les repreneurs qui sont 59% à juger l’attachement au territoire comme un critère pouvant influencer leur décision.