La réparation : une voie d'avenir ?

Réparer des objets plutôt que les jeter ? Chez les consommateurs, l'idée a encore du mal à s'imposer et le modèle économique de la réparation n'est pas simple à trouver. C'est ce qu'a montré une table ronde organisée dans le cadre des deuxièmes Journées nationales de la réparation.

© Adobe Stock.
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La route est encore -très- longue. Le 17 octobre, à l’occasion des Journées nationales de la réparation, destinées à sensibiliser la population à cette pratique, et organisées par l'association Hop, Halte à l’obsolescence programmée et Make.org Foundation, une table ronde était organisée, à Paris, sur le thème de « réparation, pouvoir d'achat, même combat » ? La réponse est loin d'être évidente, ont montré les participants. L'équation reste à résoudre pour que l'offre et la demande de réparation convergent vers un « même combat ».

Parmi les enjeux forts, celui de la valorisation économique de la réparation qui doit concilier prix accessible pour les consommateurs et modèle économique viable pour les réparateurs... Depuis décembre 2022, un dispositif de « bonus réparation » destiné aux consommateurs prend en charge une partie du coût pour un certain nombre de produits (textile, électroménager…), afin d'encourager la pratique. Mais l'enjeu de la réparation est également culturel : depuis longtemps, la société du XXI e siècle tournée vers un modèle de consommation, a perdu l'habitude de la réparation. La chute vertigineuse du nombre de cordonniers en France l'indique clairement. « Dans les années 1980, on comptait 42 000 entreprises. Aujourd'hui, ils sont 3 600. Merci la fast fashion », résume Séverine Bourlier, secrétaire générale de la Fédération française de cordonnerie multiservice. Dans le même sens, « 62% des consommateurs qui ont acheté un produit neuf chez nous l'an dernier, n'ont pas pensé à réparer le produit qu'ils avaient déjà », témoigne Régis Koenig, directeur « réparation et durabilité » de Fnac Darty.

Les freins à la réparation sont connus. D'après l'Ademe, l'Agence de la transition écologique, le premier d'entre eux est le coût, pour 60% des Français. Avec un seuil fatidique : si le prix de la réparation dépasse 33% du prix du produit neuf, les consommateurs ont tendance à remplacer l'objet. A ce titre, le « bonus réparation » a eu des effets positifs, selon Fnac Darty. « Avec un bonus de 50 euros pour l'électroménager, dans un certain nombre de cas, cela permet de baisser le prix de manière suffisante à déclencher un acte de réparation », explique Régis Koenig. En revanche, le dispositif ne lève pas le frein lié au coût du devis. Selon le SAV de Darty, 42% des clients qui avaient envisagé de réparer leur produit ont laissé tomber, car il leur fallait payer pour savoir si l'objet était réparable et à quel prix. En revanche, selon l'enseigne, les abonnements de réparation constituent une réponse, dans la mesure où le coût de la prestation du devis est comprise dans la prestation. Helen Micheaux, enseignante-chercheuse à Agro-Paris Tech et coordinatrice du Comité d’Experts de HOP pointe deux autres faiblesses ou biais du « Bonus réparation ». Trop complexe, le dispositif « manque de notoriété ». Beaucoup de consommateurs ne le connaissent pas. Par ailleurs, une étude a montré que certains réparateurs en profitaient pour augmenter leurs prix, au détriment du pouvoir d'achat des consommateurs.

Réparer les professionnels de la réparation

Dans cette équation où le pouvoir d'achat des consommateurs et leurs habitudes comptent beaucoup, une autre variable est déterminante : celle des réparateurs et de leur modèle économique. Là aussi, la situation des cordonniers fait figure d'indicateur très parlant : pour survivre, ces professionnels ont tout simplement été obligés de développer d'autres activités, comme la reproduction de clés ! « Proposer une offre de réparation avec un modèle économique viable, c'est impossible. (…) Nous subventionnons l'activité de réparation par celle de reconditionnement », confirme Guillaume Balas, délégué général de la Fédération Envie qui regroupe des entreprises d'insertion spécialisées dans l'économie circulaire (tri, recyclage, vente et location de produits rénovés, réparation...) . Darty, lui, a trouvé une rentabilité via le système des abonnements à des prestations de réparation. Et au total, l'entreprise emploie 3 000 réparateurs et 300 alternants. Mais Régis Koenig souligne une autre difficulté : « nous n'avons pas suffisamment de réparateurs car ce métier n'est pas attractif. Les formations manquent... Il est nécessaire d'inverser la tendance ». Là aussi, Un travail de fond, culturel reste donc à faire. Les organisateurs des Journées nationales de la réparation en sont conscients, qui ont tenu à mettre en valeur des réparateurs.

Le dispositif du bonus réparation a-t-il eu des effets positifs pour eux ? Selon des études relayées par Helen Micheaux, 40% des réparateurs ayant participé au dispositif du « bonus réparation » dans le domaine des équipements électroniques ont vu leur chiffre d'affaire augmenter. Mais au delà de l'amélioration du « bonus réparation », largement perfectible, d'autres mesures pourraient être prises pour encourager la réparation, selon les intervenants de la table ronde. L'indice de réparabilité des produits – basé sur plusieurs critères comme la disponibilité des pièces – pourrait être assorti d'une interdiction de mise sur le marché dans les cas où l'indice est particulièrement mauvais. Autre piste, celle de la fiscalité. En novembre dernier, le principe d'une « TVA circulaire » qui reviendrait à mettre en place une TVA réduite - à 10 % ou 5,5 % au lieu de 20 % - sur les activités de l'économie circulaire (dont la réparation) avait été déjà proposé à Christophe Béchu, alors ministre de la Transition écologique. Et ce 18 octobre, un amendement au projet de loi de Finances 2025 qui va dans ce sens avait été adopté par les députés de la commission des Finances de l'Assemblée Nationale.