La Région au chevet des éleveurs en difficulté
«Les audits-conseils, c’est parti !» Marie-Sophie Lesne, vice-présidente de la région Nord – Pas-de-Calais – Picardie en charge de l’agriculture et de l’agroalimentaire, a lancé cette mesure qui fait partie du plan d’urgence pour l’élevage décrété le 28 janvier dernier par Xavier Bertrand, le nouveau président du Conseil régional. La conférence de presse a eu lieu au siège de Région, à Lille. L’objectif ? Aider les éleveurs bovins et ovins de la nouvelle Région en – grande – difficulté à optimiser leurs conditions d’exploitation.
Au total, sur les 15 000 éleveurs que compte la région, environ 6 700 connaissent de réelles difficultés, et ont pu se montrer séduits par cette idée. De quoi s’agit-il ? Tout simplement d’une analyse humaine et objective des forces et faiblesses de l’exploitation, réalisée par des techniciens de la Chambre d’agriculture. Ces derniers, spécialement formés pour l’occasion, ont pour mission de pointer du doigt ce qui ne fonctionne pas et plombe les comptes d’exploitation de l’éleveur. «Certains d’entre eux sont dans une situation inextricable, de laquelle ils ne réussissent pas à se sortir, à tel point qu’ils n’ont même plus de quoi nourrir leurs bêtes», explique Christophe Buisset, président de la Chambre régionale d’agriculture. «Il était urgent d’agir», selon Ludovic Cauchois, le président du GIE Lait Viande Nord-Picardie, également présent, au côté de Marie-Sophie Lesne. Cette opération, testée initialement – «avec succès», dixit l’élue – sur un panel représentatif de vingt-cinq exploitations, va être étendue à l’ensemble des éleveurs en difficulté. Et qui en auront fait la demande ! L’audit-conseil sera gratuit, surtout «réalisé dans la plus grande confidentialité et discrétion», glisse Christophe Buisset. L’audit, dont le coût est de 1 500 euros, sera financé par la Région et le GIE Lait Viande Nord-Picardie à hauteur de 40% chacun, les 20% restants l’étant par les organismes-conseils qui accompagnent ce dispositif, notamment les chambres d’agriculture et le service de contrôle laitier.
«De l’audit, du conseil à 360 degrés». Cet audit, réalisé sur trois demi-journées, livrera ses résultats très rapidement, «dès son issue», détaille Philippe Billa, conseiller d’entreprise de la chambre d’agriculture de l’Oise, qui a participé au projet. «Le technicien viendra sur site et effectuera avec l’éleveur le tour de l’exploitation, précise le chargé d’étude. L’opération ira assez vite avec, dans un premier temps, la collecte de données rentrées directement sur ordinateur, avec différentes questions ciblées selon les spécificités de l’exploitation. Derrière, il y aura une analyse des points forts, des points faibles et de ce qui, du coup, peut être amélioré. Avec, pour conclure l’audit, des conseils que l’éleveur sera libre de suivre ou pas. C’est un audit à 360 degrés, avec quinze leviers différents. C’est véritablement un outil stratégique au service de l’agriculture.» Ces conseils seront donnés sous forme de plans d’action à mettre en œuvre, avec accompagnement personnalisé. Cette méthode d’analyse, imaginée dès 2014, a été intégrée au plan d’urgence décrété fin janvier et devrait, grâce à la pertinence de ses réponses, aider les agriculteurs à convaincre plus facilement les banques. «Celles-ci n’avaient pas toujours tous les éléments objectifs pour appréhender telle ou telle situation et accorder un prêt éventuel ou négocier la restructuration du prêt, souligne Christophe Buisset. Cet outil va aider le diagnostic des banques !» Pour généraliser ces audits-conseils, le Conseil régional a débloqué 500 000 euros, tout comme le GIE Lait Viande Nord-Picardie. «Les sommes devraient dans un premier temps permettre de financer les 500 premières interventions, développe Marie-Sophie Lesne. Les éleveurs auront deux portes d’entrée pour bénéficier de cette mesure : soit par e-mail, soit auprès de leur référent habituel qui se chargera de faire le lien avec l’auditeur.» Les premiers arrivés seront bien entendu les premiers servis. «Ces audits-conseils, qui au vu de la situation apparaissent de plus en plus pertinents, vont également apporter un soutien moral aux éleveurs», enchaîne le président de la Chambre régionale d’agriculture. 2015 a été une année très compliquée pour eux. Là, en 2016, il s’agit de leur dire, dans un contexte très délicat : «Vous manquez de recul, de technicité, mais vous avez cet outil gratuit. Car, aujourd’hui, vous avez des éleveurs qui n’ont même plus de quoi se payer à manger !»
Jean-Baptiste ALLOUARD