Agriculture

La récolte du lin s’annonce exceptionnelle

À Martainneville, après une année 2023 mauvaise, la récolte de lin s’annonce sous les meilleures auspices tant au niveau de la quantité que la qualité. De bonne augure pour la Calira qui, l’an prochain, devra fournir en anas de lin les villes d’Abbeville et Doullens pour alimenter leurs nouvelles chaudières biomasse.

Vincent Boche, président de la Calira, s'engage pour l'avenir climatique grâce au lin.
Vincent Boche, président de la Calira, s'engage pour l'avenir climatique grâce au lin.

La Calira (coopérative agricole linière de la région d’Abbeville) de Martainneville, fondée en 1955, est une petite ruche de 600 adhérents répartis principalement dans toute la Somme mais aussi dans le Pas-de-Calais et la Seine-Maritime. Au total, ils cultivent 10 000 hectares de lin, soit 10% de surface de plus comparé à l’an dernier. Plante fragile, qui pousse en 100 jours, et noble à la fois, le lin, qui adore les terres profondes, séduit toujours plus les exploitants agricoles. C’est aussi une culture vertueuse idéale pour la rotation des sols. La Calira compte 110 salariés, dont quatre techniciens qui se rendent chez les adhérents pour les accompagner.

Une demande en hausse

« Les cours sont porteurs, développe Vincent Boche, président de la Calira, qui en fait pousser 30 hectares. Les agriculteurs croient en cette culture d’autant que les cours sont hauts. L’an dernier, ils se situaient entre 6 et 10 euros du kilo de fibres longues selon la qualité. En moyenne, ils évoluent entre 3 et 5 euros du kilo. 2023, a été une mauvaise année, nous avons récolté environ 450 kilos de fibres longues à l’hectare alors que la moyenne est de 1 200 kilos. Il n’avait pas poussé assez haut. »

Dans le même temps, la demande en fibres d’origines naturelles est très forte car il n’y a pas d’impacts environnementaux dans cette culture. Les qualités du lin, une fois tissé, n’est plus à démontrer : confortable, esthétique thermorégulateur, hypoallergénique, antibactérien…

La Calira fondée en 1955.

Toutefois, 95% de la production de fibres longues continuent de partir vers des filateurs et des tisseurs situés en Chine ou en Inde. « Les prix sont très élevés pour ceux situés en Europe, souligne Vincent Boche, dont la famille produit du lin depuis soixante-dix ans. Après, seule une petite partie revient en Europe. La majorité de la clientèle se trouve aux États-Unis et au Japon. Cette année, nous devrions dépasser les 1 200 kilos à l’hectare. Cela devrait assainir la situation. Les prix devraient baisser pour des filateurs et tisseurs. Nous venons de faire construire un bâtiment de 3 000 m² afin de pouvoir augmenter notre stockage car nous sommes toujours en flux tendu. »

Une astuce naturelle

Cette saison, avec les pluies abondantes, beaucoup de lin, semé entre fin mars et début avril, a « versé ». Il a été arraché jusque mi-août, avec 15 jours de retard, par des coopératives d'utilisation des matériels agricoles ou des entreprises de travaux agricoles, car le matériel spécifique coute très cher. Pluies et soleil facilitent l’opération dite de « rouissage » qui permet de mieux séparer les anas des fibres longues.

Une fois mis an ballots, le fin est stocké chez les exploitants quelques temps avant de rejoindre la Calira pour l’opération dite de « teillage ». La coopérative agricole dispose de cinq lignes. Les différentes opérations permettent notamment la séparation de la fibre longue et de la fibre courte (qui de bonne qualité peut être employée dans le textile).

De la fibre longue de très belle qualité.

Concrètement tout est utilisé dans le lin. La filasse ou fibre longue représente 17 à 25% de la plante. Les étoupes ou fibres courtes (entre 13 et 20%) entrent pour exemples dans la composition de la pâte à papier, de papier tabac et retournent pour les plus belles dans l’industrie textile. Les graines, 4 à 7% de la plante, sont utilisées comme semence, complément alimentaire pour des animaux… Écrasées, elles donnent de l’huile pour la consommation humaine, animale, composer des peintures… Le tourteau, riche en acides gras, entre dans l’alimentation animale. Quant à la poussière (10%), elle sert de compost dans les champs pour les exploitants agricoles. Ce qui reste le plus ce sont les anas de lin. Soit 47 à 50% de la plante.

« Ces anas sont utilisés pour la fabrication de panneaux en aggloméré. L’usine la plus proche est à Yvetot. Après, ce sont les Pays-Bas. Ils sont utilisés aussi comme litière pour les chevaux, pour le paillage horticole, pour fabriquer des pellets de lin. On vend directement à des grossistes. Nous développons aussi des partenariats avec des villes pour alimenter des chaufferies biomasse comme ce sera le cas l’an prochain pour celles d’Abbeville ou de Doullens. Les anas sont très secs et très calorifuge. C’est une très bonne nouvelle car ce sont de gros volumes à stocker, à transporter alors que les anas ont peu de valeur ajoutée. Cela nous permet aussi d’être moins dépendants des usines de panneaux en aggloméré », souligne Vincent Boche.

Vincent Boche, président de la Calira, qui en fait pousser 30 hectares.