Hausse des matériaux
La protection des professionnels du BTP face aux risques de pénalités de retard
Bois, cuivre, acier, polystyrène, PVC.. Le prix des matières premières entrant dans la construction n’en finit plus de flamber depuis plusieurs mois, menaçant de pénurie. Face aux éventuels risques de pénalités de retard, les entreprises et artisans du bâtiment ne sont pas désarmés. Entre conseils pratiques et la loi existant. La Capeb 57 le rappelle à ses adhérents.
Face à la hausse continue du prix des matières premières entrant dans la construction, beaucoup d’entreprises et d'artisans du bâtiment craignent de ne pouvoir respecter leurs engagements contractuels quant au délai d’exécution des chantiers et de se voir appliquer des pénalités de retard. Ce qui n’arrangeraient pas des trésoreries souvent déjà mises à mal par plus d’un an de crise. Par rapport au client, si le contrat est signé, le professionnel doit vérifier si celui-ci prévoit des clauses de variation de prix ou non. À défaut, il ne sera pas possible d’opérer une modification unilatérale du prix. En revanche, il pourra négocier à l'amiable une variation du prix si le client est d’accord. Dans le cadre d’une telle entente, l’artisan est tenu d’exécuter de bonne foi le contrat conclu. Il ne peut pas suspendre l’exécution de ses travaux. Le client n’est pas tenu d’accepter une hausse du prix si le contrat ne prévoit pas de clause de variation du prix. Toutefois, si l'augmentation était imprévisible au moment de la signature du contrat, on peut invoquer la théorie de l'imprévision.
Marché public : le bouleversement économique
Élément clé : il est essentiel de distinguer les marchés publics des marchés privés. Pour les premiers, l’imprévision est admise si l'événement affectant le contrat doit avoir été imprévisible au moment de la conclusion du contrat, s'il résulte d'un fait étranger à la volonté des parties et s'il entraîne un bouleversement de l'économie du contrat, c'est-à-dire plus qu'une simple rupture de l'équilibre financier. Lorsque le bouleversement de l'économie du contrat est établi, en tant que titulaire du marché, l’artisan peut obtenir une indemnité. Dans l'hypothèse où la stabilisation des circonstances économiques s'effectue à un niveau tel que les clauses contractuelles s'avèrent définitivement inadaptées, les tribunaux considèrent qu'il appartient aux contractants (le maître d’ouvrage et l’artisan) de procéder à l'amiable à la révision. À défaut d'accord sur ce point, les tribunaux se réservent le droit de prononcer la résiliation du contrat.
Marché privé : attention au risque assumé
Pour un marché privé, l’imprévision doit répondre à un changement de circonstances imprévisible rendant l'exécution excessivement onéreuse pour une partie. Celle concernée ne doit pas avoir accepté d'en assumer le risque. Il conviendra donc de vérifier les clauses particulières du contrat au préalable. Si la situation répond à ces conditions et qu’il n’y a pas de clause dans le marché réglant ce type de situation, l’artisan doit solliciter une renégociation du contrat. Cependant, la demande de renégociation du contrat n'a pas d'effet suspensif sur son exécution. En cas de refus ou d'échec de la négociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat et de ses conditions, ou demander au juge de procéder à son adaptation. Enfin, à défaut d'accord dans un délai raisonnable, une partie peut demander au juge de réviser le contrat ou d'y mettre fin et d'en fixer les conditions.
Tout lire avant de signer...
Pour des contrats non encore signés, appelés à l’être, il est possible d’insérer une clause de variation de prix (actualisation ou révision). Toutefois, dans cette hypothèse, l’artisan doit préciser que le prix est actualisable/révisable ainsi que les modalités de calcul. La différence entre ces deux types de variation est la suivante : l’actualisation est destinée à mettre à jour le prix d’un marché en cas de retard pris entre la date d’élaboration du prix et la date de commencement effectif des travaux. L’actualisation a lieu une seule fois contrairement à la révision qui fait l’objet d’une périodicité (exemple : tous les mois). Enfin, avec un fournisseur, en cas de contrat signé, il conviendra de bien lire les clauses relatives au prix et ses éventuelles variations. L’objectif est de ne pas se voir appliquer une augmentation qui ne serait pas prévue contractuellement. Sur ce point, une négociation amiable reste tout à fait possible. Concernant les futurs contrats, il convient de bien lire les écrits avant de les signer.
Que dit la loi ?
Dans l’hypothèse où la pénurie serait effective, il s’agirait d’un cas de force majeure si celle-ci ne pouvait être anticipée à la signature du marché. Selon l’article 1218 du Code Civil, la force majeure est définie de la manière suivante : «Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu'un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur. Si l'empêchement est temporaire, l'exécution de l'obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l'empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1.» La bonne pratique est d’envoyer un courrier au maître d’ouvrage public ou privé l'informant de la situation.