La plaisance vent debout
Ce n'est qu'en 1999 que des acteurs politiques et institutionnels décident de se pencher sur le berceau de la navigation de plaisance de la Côte d'Opale pour tenter de lui insuffler une dynamique. Le SMCO – Syndicat mixte de la Côte d'Opale –, aujourd'hui rebaptisé Pôle métropolitain de la Côte d'Opale, devient la structure porteuse du projet, à l'initiative de Michel Delebarre. On mise sur la mise en réseau des cinq ports, Dunkerque, Gravelines, Calais, Boulogne-sur-Mer et Etaples, pour relancer cette économie si prisée de nos voisins belges, néerlandais et anglais. Bilan 16 ans plus tard.
Non, la plaisance ne commence pas en Normandie. En effet, 2 605 anneaux permettent aujourd’hui aux navigateurs résidents et visiteurs de trouver une place sur les pontons du littoral nordiste : 1 095 à Dunkerque, 450 à Gravelines, 320 à Calais, 470 à Boulogne-sur-Mer et 270 à Etaples. Forte de son positionnement géographique unique en France, ses 150 kilomètres de littoral, ses cinq ports et son bassin de navigation nord-européen, la Côte d’Opale semble avoir tous les atouts pour faire de la plaisance un axe de développement touristique majeur. En témoignent quelques récompenses glanées ponctuellement. Le 11 juin dernier, le Réseau plaisance Côte d’Opale sous les traits de Sylvie Logié, animatrice du réseau, a reçu le prix coup de cœur du jury des Palmes numériques d’Atout France pour son application Appy’s Marinas Côte d’Opale, à l’occasion des Académies du tourisme numérique d’Aix-les-Bains. L’application, disponible en français et en anglais, a pour vocation d’accompagner le plaisancier en lui apportant des services techniques et touristiques. En 2014, lors du renouvellement de la démarche de labellisation des “Gold Anchors” (Ancres d’or) délivrées par la Fédération anglaise des ports de plaisance (Yacht Harbour Association), deux ports sur cinq, Gravelines et Etaples, se sont vu décerner quatre Ancres d’or pour une durée de trois ans. Cette reconnaissance internationale encourage à poursuivre les efforts en matière d’investissements de plaisance, de services, d’amélioration de la qualité environnementale, de développement économique et touristique. Pour Gravelines, cette dynamique portuaire s’inscrit dans le développement de “Gravelines station nautique”. Pour Etaples, cette gratification récompense non seulement la technicité du port et l’aire de carénage, mais aussi l’accueil des plaisanciers et la construction de la nouvelle capitainerie. Quid des autres ports ? En 2010, Dunkerque s’était vu décerner cinq Ancres d’or. Les investissements seraient-ils en berne ?
Une gestion complexe. Il y a les propriétaires et les concessionnaires des ports. A Dunkerque, le Syndicat mixte Dunkerque Neptune, qui regroupe la communauté urbaine de Dunkerque, la Ville de Dunkerque et le Grand Port maritime, est concessionnaire des trois ports de plaisance et le Grand Port de Dunkerque en est le propriétaire. A Gravelines, le Département du Nord en est le propriétaire et la Ville, le gestionnaire. Même cas de figure pour Etaples. L’organisation est différente pour Calais et Boulogne-sur-Mer dont la gestionnaire est encore, temporairement, la chambre de commerce et d’industrie de la Côte d’Opale. En effet, la délégation de service public (DSP) lancée par le Conseil régional (propriétaire des deux ports de plaisance) dans le cadre du projet “Calais port 2015”, prend en compte l’ensemble des activités portuaires, sauf la plaisance. Il apparaît qu’un accord moral aurait été passé il y a quelques années entre Jean-Marc Puissesseau, alors président de la CCI de Calais, et Francis Leroy, président de la CCI de Boulogne-sur-Mer, pour que la gestion des ports de plaisance reviennent aux communautés d’agglomération respectives. De fait, les investissements qu’auraient pu faire les CCI n’ont pas été faits. Une discussion serait actuellement en cours entre le Conseil régional et la communauté d’agglomération du Boulonnais pour assurer ce transfert de compétences dès 2016. Quant à Calais, on ne sait pas encore quand la nouvelle équipe de la communauté d’agglomération du Calaisis se positionnera pour assurer cette gestion. Misera-t-elle alors sur la valorisation de son site de plaisance dont les abords font grise mine ? A Dunkerque, le plan Neptune, mis en place par Michel Delebarre, a permis de lancer un vaste réaménagement portuaire et d’affirmer le rapport de la ville à la mer. Cette volonté fait aujourd’hui de Dunkerque le premier port de plaisance de la Côte d’Opale, riche en infrastructures et jouissant d’une excellente notoriété.
Les retombées économiques de la plaisance. En 2013, une étude menée en partenariat par le Pôle métropolitain de la Côte d’Opale et la CCI régionale a permis de mettre en exergue des données chiffrées sur la filière nautique.
Sur l’ensemble de la région, 632 unités économiques avaient alors été recensées, représentant 1 000 emplois, 250 000 pratiquants pour un chiffre d’affaires de 141 millions d’euros. L’enquête a montré que sur la Côte d’Opale, la dépense moyenne par bateau et par jour était de 73 euros. Pour les 6 682 bateaux visiteurs accueillis dans les cinq ports publics de la Côte d’Opale en 2012, cela représentait 1 million de chiffre d’affaires. Le port de Boulogne-sur-Mer remporte la palme du nombre de bateaux visiteurs à raison de 3 000 par an. A 100 euros la nuitée, le marché peut être lucratif. Sylvie Logié poursuit son travail de promotion et d’animation du réseau de plaisance et assure “que l’union fait la force“. “Lorsque j’ai pris ce poste en 2003, se souvient-elle, les ports ne se connaissaient pas, les gens ne se parlaient pas.” Le Nord n’existait même pas sur la carte nationale des ports de plaisance. Après quelques invitations lancées au président de la Fédération française des ports de plaisance, la Côte d’Opale a fini par devenir une partenaire à part entière, notamment dans la collaboration transfrontalière belge, néerlandaise, anglaise et la collaboration régionale avec la Bretagne et les ports de l’Atlantique. Son rôle d’animation ne se limite pas à sa présence lors de salons ou la création d’outils de communication, mais prend en compte la formation du personnel portuaire, la gestion de l’environnement – eau, économie d’énergie, déchets et un sujet qui devient aujourd’hui récurrent : la gestion des bateaux de plaisance hors d’usage, véritable verrue dans le paysage de la plaisance. “La Côte d’Opale est un lieu magique en termes de géographie de proximité“, affirme-t-elle. Bon nombre d’élus se sont fait détourner de la façade maritime pendant des années. Puissent-ils l’entendre.
Yachting Côte d’Opale : la nouvelle structure créatrice d’événements
Si le port de plaisance de Calais n’attire pas le badaud par sa coquetterie, les professionnels et amateurs de voile savent y trouver leur place. En témoigne l’activité du Yacht Club qui accueille régulièrement les férus du “paré à virer” et les adhérents de la Société des régates de Calais fraîchement rebaptisée “Les Voiles de Calais”, dont la présidence est assurée depuis 2012 par Bertrand Fetel. L’association programme un certain nombre d’événements sur l’année, dont les prochaines régates à venir, les 5, 12 et 19 septembre. Le bateau de Bertrand Fetel et ses huit équipiers a notamment participé à la grande régate de l’île de Wight en juin dernier, se classant 90e sur 1 500. Les plaisanciers ont récemment décidé de passer à la vitesse supérieure. “On aimerait avoir un programme qui attire les Anglais et les Hollandais, explique le président. D’où l’idée de fédérer les cinq ports dans cette dynamique.” YCO (Yachting Côte d’Opale) est né. Les présidents des cinq ports de plaisance ont été conviés à une réunion et les premières pistes de travail ont été jetées sur le papier. Cette structure va permettre d’organiser des événements labellisés Côte d’Opale, tout en permettant à chaque port de garder son identité. “L’objectif, poursuit Bertrand Fetel, est d’assurer la logistique et la gestion administrative de ces événements et de créer de l’attractivité sur la Côte d’Opale. On travaille pour les dix prochaines années.” Un peu plus loin sur le quai, le magasin d’accastillage affiche sa pleine santé financière construite depuis 2005 année après année. Fred Quennesson, le gérant n’est autre que le petit-fils d’Albert Loose, fondateur en 1954 de la première école de voile et surtout créateur, avec le commandant Jean Plancke et M. Couliou, du premier port de plaisance à Calais. Un patrimoine que les navigateurs aimeraient pouvoir transmettre avec dignité.