La patronne de NatWest emportée par la polémique sur la fermeture des comptes de l'europhobe Nigel Farage
La directrice générale du groupe bancaire britannique NatWest Alison Rose a démissionné mercredi matin, après avoir admis la veille une "grave erreur de jugement" en évoquant avec un journaliste les affaires bancaires de l'europhobe Nigel Farage, dont...
La directrice générale du groupe bancaire britannique NatWest Alison Rose a démissionné mercredi matin, après avoir admis la veille une "grave erreur de jugement" en évoquant avec un journaliste les affaires bancaires de l'europhobe Nigel Farage, dont la fermeture des comptes fait polémique au Royaume-Uni.
Le gouvernement a rappelé l'ensemble du secteur bancaire à l'ordre un peu plus tard dans la journée, martelant que la liberté d'expression "est un droit fondamental au Royaume-Uni".
Tout cela "ne serait jamais arrivé si NatWest n'avait pas pris sur elle de fermer un compte bancaire en raison des opinions politiques légitimes de quelqu'un", a assuré le secrétaire d'Etat au Trésor Andrew Griffith.
Figure de l'extrême droite britannique, Nigel Farage, ancien dirigeant du Parti du Brexit et du parti anti-immigration UKIP, avait dénoncé récemment la fermeture de ses comptes par la très chic Coutts, banque de feu la reine Elizabeth II et filiale de NatWest.
M. Farage avait dévoilé dans une vidéo des documents selon lesquels Coutts se serait notamment inquiétée "des risques pour (sa) réputation" "en étant associée à lui".
"J'espère que l'ensemble du secteur financier apprendra de cet incident", a insisté M. Griffith dans un communiqué à l'issue d'une réunion mercredi avec les responsables des principales banques du pays, qualifiant l'attitude de NatWest dans cette affaire "d'inacceptable".
Le gouvernement avait annoncé en fin de semaine dernière son intention de durcir les règles permettant aux banques de fermer les comptes de leurs clients, notamment en prévoyant un préavis de 90 jours et en imposant aux établissements de donner des raisons claires avant une fermeture de compte.
Arbitres moraux
L'agence britannique de protection des données (ICO) a elle aussi fait part mercredi de son "inquiétude à l'égard des banques partageant des informations personnelles avec les médias" et précisé avoir rappelé aux entreprises "leurs responsabilités envers le public".
Autrefois tentaculaire et symbole des excès de la finance, appelée encore récemment RBS (Royal Bank of Scotland), NatWest avait été sauvée de la faillite par l'Etat lors de la crise financière de 2008. Le gouvernement britannique contrôle toujours 38,6% de l'établissement.
Mercredi matin sur Sky News, M. Farage a dénoncé une "culture" au sein du secteur bancaire, "où ils vont bien plus loin que d'être des banques", "ils ont à présent pris une série de positions politiques, et semblent vouloir être des arbitres moraux".
Il a assuré avoir porté cette affaire sur la place publique car il s'est aperçu "qu'il y a des dizaines de milliers de personnes qui ont été traitées injustement, et ils n'ont personne pour prendre la parole pour eux".
Affirmant avoir été éconduit par "dix" banques, qu'il a refusé de nommer, Nigel Farage a appelé à un "changement de culture" et des "changements juridiques".
Sérieuses inquiétudes
Alison Rose était directrice de l'entreprise depuis 2019 et y avait travaillé pendant plus de 30 ans. Première femme à diriger une grande banque britannique, elle comptait aussi parmi les rares à diriger l'une des entreprises du FTSE 100, l'indice phare de la Bourse de Londres.
Dans un communiqué mardi soir, le président de NatWest, Howard Davies, avait pourtant assuré que le conseil d'administration conservait sa "pleine confiance" envers la directrice générale.
Mais Downing Street et le ministère des Finances avaient évoqué plus tard dans la soirée de "sérieuses inquiétudes" sur la position de la patronne de NatWest, et une réunion d'urgence du conseil d'administration a été convoquée tard mardi soir.
Selon une source à Downing Street, le Premier ministre Rishi Sunak était "préoccupé par la situation", et "Alison Rose a eu raison de démissionner".
Dans cette affaire qui suscite de nombreuses réactions au nom de la liberté d'expression et d'opinion, la BBC a présenté ses excuses pour avoir suggéré à tort que ce n'est pas en raison de ses opinions politiques que ses comptes ont été fermés, mais car il n'avait pas les fonds suffisants pour rester client du prestigieux établissement bancaire.
Alison Rose avait reconnu dans un communiqué qu'elle était la source du journaliste Simon Jack et avait admis "une grave erreur de jugement" en évoquant avec lui "les relations de M. Farage avec la banque" tout en "pensant que c'était connu du public".
Le titre de NatWest perdait près de 4% mercredi en début d'après-midi à la Bourse de Londres.
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