La nature, objet ambigu du désir des Français

Habiter à proximité de la nature constitue un désir fort des Français, d'après l'Observatoire national du Cadre de vie. Mais les élus locaux doivent composer avec le fait que les perceptions très variées qu'ont les citoyens de la nature ne sont pas nécessairement en phase avec les enjeux de la biodiversité.

(c) adobestock
(c) adobestock

La nature ? Indispensable à sa survie, elle l'est également au bien-être des hommes au quotidien. Tel est le constat posé par l'ONCV, Observatoire national du Cadre de vie, qui émane d'intervenants publics et privés concernés par ces enjeux (Ordre des géomètres-experts, Union nationale des aménageurs, Fédération des ScoT, schéma de cohérence territoriale, OFB, Office français de la biodiversité, Fédération française du bâtiment...). En décembre 2024, l'ONCV publiait une étude consacrée aux aspirations des Français concernant leur cadre de vie. Parmi leurs attentes prioritaires, la qualité du logement, le calme et la sécurité arrivent en tête. Mais la proximité de la nature vient ensuite (42 % des répondants). Elle devance la proximité des services, des transports et du travail.

Selon l'étude, disposer d'un accès à la nature à moins de 15 minutes de chez soi constitue une priorité absolue pour 49% des sondés. Dans le détail, ce désir est également partagé par les hommes et les femmes, mais il augmente avec l'âge, atteignant 50 % chez les personnes âgées de 50 à 64 ans. Par ailleurs, ce souhait croît dans les proportions inverses à celle de la taille de l’agglomération dans laquelle résident les répondants. Plus de la moitié (53 %) de ceux qui habitent dans une commune de moins de 20 000 habitants considèrent la présence de la nature comme un critère essentiel pour leur cadre de vie. Le taux descend à 34% pour ceux qui vivent dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants. Loin d'être anodine, cette disparité relève de « « l’extinction de l’expérience de nature » qui concerne les populations qui en sont privées, pointent les sociologues. Au global, toutefois, « les Français souhaitent donc disposer d’espaces de vie plus vastes, d’espaces extérieurs et d’une proximité avec la nature », note l'étude.

En terme de politiques publiques, l'enjeu est majeur et lourd en conséquences. Une partie de la population désire quitter les centres urbains et de se rapprocher de la nature, les espaces ruraux devenant plus attractifs. Et dans les secteurs urbains constitués, se pose la question de la préservation et de l'intégration de la biodiversité.

Nature, oui, mais quelle nature ?

En théorie, ce désir de nature des citoyens constitue une excellente nouvelle puisque « la biodiversité en milieu urbain engendre une multitude de bénéfices », selon l'ONCV. Toutefois, les politiques publiques font face à un défi de taille en matière de préservation et d'intégration de la biodiversité en ville : la très grande diversité des conceptions de la nature détaillées par l'étude. La nature « sauvage », « spontanée » permet de se ressourcer hors de la ville, par exemple en forêt. Toutefois, dans les métropoles, elle peut être vue et se concrétiser par des nuisances avec la prolifération de rats et autres animaux porteurs de maladies...Quant à la nature « entretenue », « magnifiée » ou d’ornement (bacs à fleurs, pelouse…) qui obéit à des critères esthétiques et récréatifs, il n'est pas du tout évident qu'elle réponde aux enjeux de la biodiversité.

Autre conception de la nature, celle dite « aménagée » ou « exploitée » (plantation d’arbres pour la création d’îlot de fraîcheur, zones d’expansion de crues…). Elle fait appel à différentes techniques de gestion plus ou moins favorables à la biodiversité, dans une optique avant tout utilitaire. En conséquences, « il existe souvent un écart entre ces représentations, les projets portés par les acteurs de l’aménagement et les enjeux liés à la reconquête de la biodiversité, qu’il est nécessaire de résoudre », pointe l'étude. Laquelle insiste une une nécessaire « pédagogie » auprès de population. Par exemple, pour éviter que la renaturation des espaces urbains ou la végétalisation du bâti ne soit vécue comme une « dégradation » du cadre de vie. En effet, une végétation moins maîtrisée ou l'arrivée d'insectes, même s'ils sont sans danger, peuvent engendrer chez les habitants une sensation de saleté, de négligence. Essentiel aussi, rappelle l'ONCV : prendre la mesure de certaines manifestations qui constituent une nuisance bien réelle pour les habitants : punaises de lit, moisissures, présence de rats ou souris dans les bâtiments...