La marque “Parc” arrive en soutien

Le parc naturel régional de l’Avesnois a signé au printemps des conventions avec quatre entreprises et artisans spécialisés. Ils ont ainsi reçu un logo saluant la pierre bleue en tant que produit et savoir-faire. Le point sur cette filière dont le village de Wallersen- Fagne s’est fait le très actif portedrapeau.

Jean-Marie Sculfort (à gauche) en compagnie de Bernard Navarre, maire de Wallers-en-Fagne. Derrière eux, le site pressenti pour accueillir le futur centre de formation qui se veut “pôle d’innovation”.
Jean-Marie Sculfort (à gauche) en compagnie de Bernard Navarre, maire de Wallers-en-Fagne. Derrière eux, le site pressenti pour accueillir le futur centre de formation qui se veut “pôle d’innovation”.

 

Robert Lorban, bien connu dans le monde du BTP de Sambre-Avesnois, est PDG de la SAS La Pierre des Fagnes. Il montre quelques-uns des produits finis qui y sont réalisés.

Robert Lorban, bien connu dans le monde du BTP de Sambre-Avesnois, est PDG de la SAS La Pierre des Fagnes. Il montre quelques-uns des produits finis qui y sont réalisés.

Le patrimoine bâti de l’Avesnois témoigne d’un riche passé d’utilisation de la pierre bleue locale. Mais, depuis des années, le contexte économique a bien changé et balayé l’usage local de la pierre de taille. L’exploitation de la richesse du sous-sol est assurée par six carriers et huit sites industriels d’extraction1 produisant des granulats de différentes tailles destinés aux entreprises du BTP (routes, ouvrages d’art, éléments de voiries, ciments et mortiers). A la fin des années quatrevingt- dix, la commune de Wallers-en-Fagne, avec l’appui de son intercommunalité “Le Guide du Pays de Trélon”, dans le sud du département, près de la frontière belge, a fait entendre une autre voix : n’est-il pas possible et viable économiquement de recréer une filière artisanale ? Plus noble,elle concernerait la construction neuve, la restauration des maisons et édifices (le bâti et les éléments décoratifs), l’usage domestique et l’ornement intérieur, la décoration de l’espace urbain, la sculpture…
Il suffit d’arpenter les rues du village pour comprendre que Wallers-en-Fagne constitue une vitrine de ce qui a été fait autrefois et de ce qu’il est possible de faire avec de la pierre bleue… Sur le territoire de la commune, tous les éléments d’une filière sont en outre présents : une carrière de granulats en pleine extension (la CCM), la nouvelle SAS La Pierre des Fagnes (qui découpe des blocs venant de la carrière) et le Centre artisanal de la pierre bleue, au coeur du village. En outre, un centre de formation de haut niveau s’annonce.

Eddy Depretz, un des tailleurs de pierre du centre artisanal situé au coeur du village.
Guy Harbonnier, l’autre tailleur de pierre du village, en compagnie des représentants du Parc.

Guy Harbonnier, l’autre tailleur de pierre du village, en compagnie des représentants du Parc.

Eddy Depretz, un des tailleurs de pierre du centre artisanal situé au coeur du village.

Volonté politique et réalités économiques.La volonté politique locale doit donc composer avec les réalités économiques : à l’activité industrielle de production de granulats pour le BTP s’ajoutent la concurrence de la pierre venue d’Asie ainsi que les habitudes prises avec la pierre de taille venue de la proche Belgique (de Soignies notamment). Bernard Navarre, le maire de Wallers-en-Fagne, rappelle volontiers que ce projet de recréer une filière artisanale a vu le jour au travers de symposiums, de colloques, de journées d’études et de réalisations concrètes. Le village et l’intercommunalité du Guide du Pays de Trélon ont relevé, explique-t-il, un sacré défi. Un Pôle d’excellence rurale est, depuis, venu en appui et, tout récemment, l’octroi de cette marque “Parc” aux derniers professionnels du territoire illustre encore cette volonté.

Des logiques économiques à concilier. Où en est cette filière ? En écoutant les professionnels du territoire (voir liste), on comprend vite qu’il n’est pas facile de faire se croiser les logiques économiques de la production industrielle de granulat et de la taille artisanale. Les besoins des tailleurs de pierre, artisans et entreprises, ne sont pas ceux des entreprises de BTP. Ils expliquent, par exemple, que les fissures naturelles de la pierre bleue sont accentuées par les effets des explosifs utilisés pour l’extraction, d’où leur difficulté à disposer de façon régulière, et pour la réalisation de grandes pièces (au-delà d’1,50 m), de blocs de bonne qualité. Les moins abîmés sont en général en surface mais tout dépend de l’activité de la carrière. Ils travaillent en outre sur commande et ont besoin d’être livrés rapidement, en étant sûrs de la qualité de la matière première. Eddy Depretz, un des artisans, explique que pour l’instant, un tiers de ce qu’il taille vient de la SAS La Pierre des Fagnes, ouverte fin 2010, qui se fait livrer des blocs par la carrière. Eddy Depretz se veut néanmoins optimiste et dit notamment attendre, ainsi que son collègue Guy Harbonnier, les conséquences de l’extension de la CCM sur la qualité de la pierre. Du côté de la marbrerie Walqueman, dans le Bavaisis, on souhaiterait qu’un espace de la carrière soit réservé à la pierre taillée. En attendant, il se fournit en Belgique. La filière courte a encore ses preuves à faire.

Jean-Marie Sculfort (à gauche) en compagnie de Bernard Navarre, maire de Wallers-en-Fagne. Derrière eux, le site pressenti pour accueillir le futur centre de formation qui se veut “pôle d’innovation”.

Jean-Marie Sculfort (à gauche) en compagnie de Bernard Navarre, maire de Wallers-en-Fagne. Derrière eux, le site pressenti pour accueillir le futur centre de formation qui se veut “pôle d’innovation”.

Un projet ambitieux avec les compagnons. Comme l’explique Bernard Navarre, maire de Wallers-en-Fagne, sa commune et l’intercommunalité préparent un autre projet, toujours lié à la pierre bleue de taille. Il permettrait au village, à lui tout seul, de proposer une filière quasi complète, allant de l’extraction à la transformation, en passant par la formation et l’innovation. Une étude de faisabilité est en cours.
Le maire évoque un centre de formation d’envergure internationale et de haut niveau (rattaché au compagnonnage du devoir) et emploie l’expression de “pôle d’innovation”. Ce site accueillerait des internes logés sur place ou dans le village, concernerait les niveaux BTS et master, ferait de la recherche et de l’innovation. Il espère un aboutissement dans les deux ans.
Concrètement, l’intercommunalité a acquis une ancienne ferme et ses terrains (17 ares). Des cofinancements seront demandés du Conseil régional, du Conseil général, de l’Etat, de l’Europe…

1. Ces chiffres font référence à la convention signée en novembre entre le parc naturel régional de l’Avesnois, les exploitants carriers et l’Union nationale des industries de carrières et matériaux de construction. But de cette convention : tenter de concilier l’activité des carrières et l’impact de ces industries dans leur environnement.