La justice française refuse la remise du militant antifasciste "Gino" à la Hongrie

La justice française a refusé mercredi de remettre à la Hongrie le militant antifasciste Rexhino Abazaj, alias "Gino", invoquant "des risques" d'un "traitement inhumain" en prison et l'incertitude de lui garantir un procès...

Le militant antifasciste albanais Rexhino Abazaj, alias "Gino", le 4 avril 2025 à Paris © BERTRAND GUAY
Le militant antifasciste albanais Rexhino Abazaj, alias "Gino", le 4 avril 2025 à Paris © BERTRAND GUAY

La justice française a refusé mercredi de remettre à la Hongrie le militant antifasciste Rexhino Abazaj, alias "Gino", invoquant "des risques" d'un "traitement inhumain" en prison et l'incertitude de lui garantir un procès équitable dans ce pays de l'Union européenne.

Militant pour le droit au logement, Gino est accusé par la Hongrie, comme une dizaine d'autres personnes, d'avoir "brutalement attaqué des néonazis" à Budapest en février 2023 alors qu'une commémoration était organisée par des néonazis dans la capitale hongroise.

La Hongrie avait ensuite émis, en novembre 2023, un mandat d'arrêt européen à son encontre.

Arrêté à Paris en novembre 2024, Gino avait été incarcéré puis remis en liberté sous contrôle judiciaire le 26 mars.

Avant de se prononcer sur une remise ou non, la justice française avait demandé davantage d'informations aux autorités hongroises. 

La réponse détaillée de la Hongrie n'a pas satisfait la cour d'appel de Paris, qui a "refusé la remise", a annoncé le président de la chambre des extraditions lors du délibéré mercredi.

Vidéosurveillance en continu

Ainsi, la Hongrie a admis que Gino serait placé à l'isolement "pour sa protection personnelle", d'après la décision dont l'AFP a eu connaissance.

Sauf qu'il n'existe pas aujourd'hui de différence entre l'isolement disciplinaire et sécuritaire, souligne la cour d'appel dans son arrêt, citant des observations du Conseil de l'Europe.

A l'isolement, la prison hongroise peut notamment avoir recours à "la vidéosurveillance en continu" pendant "une longue durée". Ces conditions constituent "un risque de traitement inhumain et dégradant" pour Gino, qui encourt 24 ans d'emprisonnement, estime la cour.

Concernant le droit à un procès équitable, la cour a souligné "un contexte de défaillance systémique", questionnant notamment le mode de désignation des juges, bien que Budapest a assuré avoir "un parquet indépendant".

La cour d'appel a, entre autres, relevé "les prises à partie politiques virulentes de personnes poursuivies par le porte-parole du gouvernement" hongrois.

Mercredi, la chambre des extraditions a aussi levé le contrôle judiciaire du militant. Mais "si vous franchissez les frontières", "un autre pays peut mettre à exécution le mandat européen qui est toujours diffusé", a prévenu le président en s'adressant à Rexhino Abazaj.

"C'est une décision courageuse", a salué Me Youri Krassoulia, l'un des avocats de Gino. "Dans cette affaire, l'indépendance des juges hongrois n'est pas assurée tant la dimension est politique", a ajouté Me Laurent Pasquet-Marinacce, son autre conseil.

- "Suivre l'exemple" - 

Crâne rasé, lunettes, costume foncé et cravate rouge, Gino est sorti de la salle d'audience accompagné de sa famille, sous les applaudissements de ses soutiens.

"Je peux rester en France, je suis protégé du régime hongrois", a réagi auprès de l'AFP l'Albanais qui a grandi en Italie et passé plusieurs années en Finlande, avant d'arriver en France en 2024.

Le trentenaire a salué "une décision très positive" pour lui, mais également pour les autres militants.

"Il y a d'autres antifascistes recherchés par la Hongrie, d'autres en prison, mais la France a montré aujourd'hui qu'elle ne doit pas être soumise à la demande d'un pays autoritaire et néofasciste", a-t-il estimé.

Les autres pays européens "peuvent décider de suivre l'exemple des juges français", a espéré le militant, qui a reçu le soutien de plusieurs centaines de personnalités.

Le groupe La France insoumise (LFI) à l'Assemblée nationale s'est félicité d'"une grande victoire (...) pour l'état de droit et l'antifascisme". Il a aussi appelé, dans un communiqué, à ce que Gino soit "désormais protégé sur le territoire français".

D'autres militants avaient été arrêtés en février 2023. Comme Ilaria Salis, enseignante italienne, incarcérée plus d'un an en Hongrie, puis assignée à résidence, avant d'être libérée après son élection au Parlement européen.

A l'instar de Gino, la justice italienne a refusé de remettre Gabriele Marchesi, Italien de 24 ans arrêté en novembre 2023 à Milan, à la Hongrie.

Au contraire, Maja T., activiste allemand de 24 ans qui se considère non-binaire, a été remis par l'Allemagne à la Hongrie à l'été 2024.

Depuis son retour à la tête du pays en 2010, le Premier ministre hongrois Viktor Orban a renforcé son emprise tout en mettant au pas les contre-pouvoirs, une dérive autoritaire condamnée à plusieurs reprises par la Commission européenne et sanctionnée par la justice européenne.

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