Construction-Immobilier

La filière du réemploi commence à se construire

Dans l’optique générale de décarbonation du secteur du bâtiment, le réemploi des matériaux s’affiche comme un levier à actionner. Dans la région, plusieurs initiatives et prémices de l’émergence d’une véritable filière sont présentes. Reste que de nombreux freins persistent encore.

© Emmanuel Varrier. Le réemploi de matériaux reconditionnés entend se démocratiser dans le bâtiment.
© Emmanuel Varrier. Le réemploi de matériaux reconditionnés entend se démocratiser dans le bâtiment.

Des robinetteries, des baignoires, des disjoncteurs, des WC, des garde-corps en passant par des baies vitrées et autres fenêtres et portes ! L’ensemble de ces éléments proviennent de chantier de déconstruction et vont connaître bientôt une nouvelle vie dans de nouvelles opérations.

Depuis maintenant deux ans, la Maison du réemploi d’équipements du bâtiment dans les locaux de l’ancien centre commercial des Tamararis, «La Belle vie» dans le quartier du Haut-du-Lièvre à Nancy s’affiche comme l’un des exemples du virage engagé par l’écosystème de la construction du bâtiment, celui du réemploi de matériaux. Pilotée par l’association d’insertion par l’activité économique, Réciprocité, la Maison du réemploi s’est nourrie, aux prémices, du vaste chantier de réhabilitation menée par l’OMh (Office métropolitain de l’habitat) du Grand Nancy de deux grandes barres dans ce quartier du Haut-du-Lièvre sur le Plateau de Haye.

Une démarche de réemploi menée sur quelque 1 200 logements du bailleur social de l’agglomération nancéienne. L’association grand nancéienne d’insertion par l’économie a notamment le soutien de la Fédération du BTP de Meurthe-et-Moselle. Deux ans plus tard, cette filière du réemploi version économie circulaire et salutaire dans le bâtiment commence, timidement, à se mettre en place. Les estimations sur le recours du réemploi dans la construction sont aujourd’hui estimé à 1 % du gisement des déchets du bâtiment sur les quelque 46 millions de tonnes que produit la filière.

«Le réemploi est principalement le résultat d’une décision du maître d’ouvrage et de l’assistant à maîtrise d’ouvrage, qui utilisent ce levier pour réduire l’empreinte carbone de leurs opérations et qui en ont fait une stratégie de différenciation», assure Alban Vibrac, le président de la Fédération du BTP de Meurthe-et-Moselle et président du groupe de travail Réemploi à la Fédération nationale du bâtiment. Reste donc encore à convaincre les acteurs de la construction à abattre cette carte.

Disponibilité de la ressource

Des outils existent, notamment dans la région. L’association Remise, créée à Nancy par des professionnels de la construction, a développé une plateforme numérique d’économie circulaire connectant l’offre et la demande de réemploi dans la construction ! reemployer.fr (soutenue par la Région Grand Est).

«Dans le secteur de la construction, les surplus de chantier, le gâchis des surproductions des entreprises, les matériaux de démolition non valorisés sont une réalité», assuraient, lors du lancement de cette plateforme Émilie Lemoine et Christelle Hofpner de l’association Remise. La démarche a notamment mené à la mise en place d’une matériauthèque sur le Bassin de Pompey, en expérimentation jusqu’au mois d’avril prochain. L’objectif affiché est de permettre la généralisation de ce type d’initiative.

«En 2025, il n’est plus envisageable de continuer à jeter à la benne des sanitaires encore fonctionnels, des plafonds presque pas usés ou des charpentes saines», assure un artisan du secteur. La cause est plus que louable mais cette filière en construction doit faire face à deux enjeux majeurs.

«Il y a tout d’abord un problème de disponibilité de la ressource, autrement dit où et comment trouver des produits de réemploi. Plus encore se pose la question de l’assurabilité des produits de seconde main qui perdent leur garantie par les industriels, en particulier quand ils répondent à une exigence réglementaire, par exemple pour des portes coupe-feu», souligne l’agence Scalen, agence de développement des territoires Nancy Sud Lorraine dans son cahier prospectif «Le BTP du Sud Lorraine au cœur des transitions» paru en décembre dernier.

Des freins persistent et pour bon nombre la grande question est de savoir si la valeur des produits d’occasion, même vérifiés et conditionnés, peut-elle être la même que celle du neuf ? Sans parler de la collecte, de la qualité du tri, des étapes de reconditionnement, des délais et distance ou encore de la livraison.

«Pour que le réemploi se fasse à grande échelle, il faut également que les éco-organismes accélèrent le mouvement et jouent pleinement leur rôle dans l’identification et la collecte des matériaux à destination du réemploi, en particulier auprès des entreprises», note l’agence Scalen. Encore faut-il leur en donner les moyens…