Entreprises

La Fédération BTP Moselle a tenu une assemblée générale offensive

Démonstration de force de la Fédération BTP Moselle lors de son assemblée générale au FC Metz Stadium. Devant plus de 700 artisans, entrepreneurs et acteurs de la filière, Pierre Schaeffer, son président, et Olivier Salleron, président de la Fédération française du Bâtiment, ont rappelé le poids socio-économique de la branche dans un contexte budgétaire tendu. Leitmotiv : ne pas écraser fiscalement les entreprises et les collectivités locales. L’ancien ministre et philosophe, Luc Ferry, a abordé un sujet regardant l’avenir : l’Intelligence Artificielle.

L'assemblée générale de la Fédération BTP Moselle a fait carton plein.
L'assemblée générale de la Fédération BTP Moselle a fait carton plein.

«Nous entrons dans une période de mobilisation générale pour les acteurs du BTP. Nous sommes stressés mais sachez que le BTP hausse le ton. Nous avons perdu depuis le début d’année 12 000 entreprises et 40 000 salariés.» Lors de l’assemblée générale de la Fédération BTP Moselle, le président de la Fédération nationale, Olivier Salleron, a donné le ton. Des mots mobilisateurs : «rassemblement», «solidarité», «le BTP fait et a beaucoup à faire», «ne pas pleurer, on va y arriver.» De quoi booster le moral des quelque 700 artisans, entrepreneurs et acteurs présents au FC Metz Stadium. Une assemblée générale se situant dans un contexte de très fort ralentissement du marché du logement neuf et d’incertitudes quant au budget 2025 actuellement en débat au Parlement. Le président de la Fédération BTP Moselle, Pierre Schaeffer, a plaidé pour «des mesures simples, réalistes et compréhensibles» en termes de rénovation énergétique, dénonçant par ailleurs «les éco-délinquants», souhaitant «une accélération énergétique pour les bâtiments publics» et «une réhabilitation du parc social.»

Olivier Salleron, président de la FFB, dans un discours mobilisateur.

Des chiffres qui inquiètent

La poursuite de la baisse du logement neuf se poursuit : 23 % pour les permis et les mises en chantier. Les niveaux sont très bas (3 700 logements sur un an en Moselle). Des niveaux pires que ceux de la crise immobilière des années 90. Avec ce constat : la demande en logements demeure très importante et la difficulté à se loger s’accroît partout sur le département, le non résidentiel neuf (bureaux, commerces, administratifs, industriels) restant à un niveau bas et peu dynamique. Malgré l’adaptation du dispositif MaPrimeRénov’ en mai dernier, la rénovation énergétique n’a progressé que de 0,4 %. Pour le bâtiment mosellan l’activité a reculé en un an de 5 % : elle pèse 2 Mds€ de chiffre d’affaires. Les travaux publics sont en repli de 8 % sur les douze derniers mois avec peu de grands projets pour soutenir leur activité. Quant à l’emploi, il est à - 2,7 % en un an, soit 500 postes en moins. À l’échelon local, la Fédération BTP Moselle, forte de 1 200 adhérents, se situe comme au 10e rang de la FFB. Un poids certain qui permet, au travers de ses équipes salariées et bénévoles de vraies avancées sur notre territoire, via pléthore d’actions autour de quatre axes : son développement, le renforcement de la proximité, le lobbying vers les acteurs locaux, l’accompagnement à la gestion des ressources humaines et la communication pour faire connaître son engagement et ses métiers.

De l'action et des résultats

La Fédération BTP Moselle aura en 2023 traité 500 questions en matière de formation professionnelle, 50 dossiers de financement, animé 27 sessions de formation, 27 ateliers juridiques, obtenu 300 000 € de recouvrement de créances au titre amiable, multiplié les réunions sur MaPrimeRévov’ et les CEE. Par ses groupements d’arrondissement, le cercle EPI, ses groupes femmes dirigeantes et jeunes dirigeants, elle a aussi affirmé son action syndicale. Son lien entre les entreprises et les donneurs d'ordre passe par des journées d'échanges avec principaux bailleurs du département et les collectivités locales. Liste non exhaustive. Sur les plans national comme local, les inquiétudes du BTP ont été clairement explicitées : «la fin programmée en décembre à venir du dispositif Pinel, la réduction du budget des collectivités locales et par conséquence des investissements, diminution du niveau des exonérations patronales dont bénéficient actuellement les entreprises pour les rémunérations allant jusqu’à 3,5 SMIC, la baisse des aides à l’apprentissage, l’interrogation sur un amendement «FFB» quant au remplacement des attestions de TVA par une mention sur le devis ou la facture pour l’heure resté lettre morte suite à la dissolution.» Olivier Salleron et Pierre Schaeffer ont argumenté sur deux points clés : «la simplification administrative et réglementaire et le rétablissement d’une concurrence saine et loyale.» Saluant «des avancées comme l’annonce d’un retour du prêt à taux zéro en faveur des primo-accédants, la stabilisation des règles de MaPrimeRénov’ ou le maintien de la coexistence des monogestes simples et des rénovations globales.» Et pointant des urgences : «limitation de la sous-traitance, aménagement du ZAN, faire cesser les pratiques illégales des micro-entrepreneurs - travail au noir, non-respect des obligations de sécurité.» La FFB a obtenu des résultats tangibles : maintien d'un taux de TVA de 10 % sur la rénovation, une enveloppe de 500 M€ pour la rénovation des écoles, la mise en place de MaPrimeAdapt' pour les travaux d'accessibilité, l'augmentation du budget consacré à MaPrimeRénov'.

«Besoin de mesures simples, réalistes et compréhensibles», a demandé Pierre Schaeffer, président de la Fédération BTP Moselle.

La réussite des CFA BTP mosellans

On le sait, comme d’autres, les métiers du bâtiment doivent faire face à des difficultés de recrutement. La solution passe par leur promotion. La Moselle dispose d’un réel atout d’efficacité : son CFA. Il accueille 1 100 apprentis à Montigny-lès-Metz et à Sarreguemines. Pierre Schaeffer est revenu sur cette réussite collective qui se poursuit depuis 50 ans. Ces derniers mois ont permis de moderniser, d’adapter aux besoins et réalités de notre époque ces deux sites : locaux entièrement rénovés du CFA de Sarreguemines avec une 2e classe génie climatique, l’ouverture d’un CAP maçon, d’un CAP IMTB (Interventions en Maintenance Technique du Bâtiment). Du côté du CFA de Montigny-lès-Metz : nouveaux diplômes (titre pro, BTS), ouverture d’une formation pour les façadiers. Globalement, 650 000 € sont consacrés annuellement au renouvellement des machines et outillages, le démarrage prochain de travaux d’ombrières avec panneaux photovoltaïques, l’achat récent de deux étages du Centre Raymond Bard à Faulquemont pour l’hébergement des apprentis conducteurs d’engins (1,8 M€ d’investissement). Au début 2025 débutera par ailleurs un projet commun de formation avec la CMA 57. «Il est impératif de garder nos jeunes», a martelé Pierre Schaeffer. Cette assemblée générale a aussi permis de rendre hommage, salle levée, aux disparus des derniers mois. Le déroulé a suivi son cours. Guy Beyel, membre actif de la Fédération BTP Moselle, a reçu la médaille de la FFB son dévouements. Dans ses remerciements, il a prononcé le mot "valeurs". 

L'IA, atout pour le chef d'entreprise

S’est ensuite présenté à la tribune Luc Ferry. L’ancien ministre, philosophe et essayiste renommé, a livré un exposé sans langue de bois, démonstratif et explicatif sur l’un de ses thèmes de prédilection, avec le talent oratoire et sémantique qu'on lui connaît : l’Intelligence Artificielle. Laquelle va invariablement bouleverser à court terme le quotidien de nombreuses entreprises et de métiers. Par plusieurs exemples concrets, il notait «la vitesse sidérante et puissante de l’IA par rapport au cerveau humain.» Pourfendant cette idée «que la masse des métiers appelés à disparaître avec l’avènement de l’IA serait remplacée quantitativement», se plaçant sur le plan du chef d’entreprise, il soulignait que l’IA «s’inscrivait dans cet enjeu pour tout chef d'entreprise de diminuer sa masse salariale.» Quant au second volet de son intervention lié à la régulation de l’IA, Luc Ferry n’apportait pas là de solution miracle. D’ailleurs, peut-on la réguler ? Il notait «que le développement actuel de l’IA lui donne cette possibilité d’avoir des émotions, un ressenti.» Pour lui, le défi est ailleurs, et immédiat «lever l’anonymat sur les réseaux sociaux et disposer d'une justice plus ferme quant aux dérives découlant de l’utilisation de ceux-ci.» Le BTP se situe là. À ce carrefour entre la pérennisation de ses métiers de tradition et une activité apportant de l’attractivité territoriale et cette indispensable évolution vers plus d'innovation. Tout le sens de cette assemblée générale réussie et inspirante à bien des titres. Les mots si réalistes de Pierre Schaeffer portaient des accents intemporels avec cette évidence d'hier, d'aujourd'hui et du futur : «On construira toujours, des écoles, des ponts...»

Luc Ferry, lors de son intervention sur l'IA. 

Pierre Schaeffer accueillant Luc Ferry au FC Metz Stadium.